Le MP et l'UC espèrent un éventuel remaniement ministériel pour décrocher des portefeuilles. Les socialistes comptent tirer profit des difficultés économiques du gouvernement pour reconquérir leur électorat. Le PAM se lance dans la régionalisation de ses structures. Elle n'a, certes, de rentrée que le nom, mais la plupart des partis politiques tiennent tout de même à marquer le coup. Précoces, certaines formations ont annoncé une reprise de leurs activités très tôt. Le PPS a été le premier à réunir, lundi 9 août, son bureau politique après avoir observé une pause à l'issue de son VIIIe congrès tenu au mois de mai. Une semaine plus tard, précisément le 18 août, c'était au tour du PAM de marquer, par une réunion de son bureau national, le début des préparatifs de sa rentrée et de dévoiler son projet de régionalisation. La même semaine, l'USFP faisait également son come-back. Abdelwahed Radi, le premier secrétaire, donnait le coup d'envoi des activités du parti lors de deux rencontres internes. De ces premières sorties déjà, il ressort que deux thématiques vont dominer le débat politique et l'agenda des partis pour les mois à venir : la régionalisation et les réformes institutionnelles. L'éventuel remaniement ministériel anime également les discussions au sein de la direction de certaines formations. Pour l'heure, même s'il n'est directement pas concerné, seul le PJD reconnaît avoir programmé le sujet pour débat à la réunion, le 16 septembre, de son secrétariat général. «Le remaniement ministériel et le projet de Loi de finances sont, entre autres, les thèmes à débattre», précise Slimane El Omrani, membre du secrétariat général chargé de l'organisation, à la veille de la tenue de cette réunion. Au Mouvement Populaire, des sources internes font état de certaines démarches engagées par des cadres du parti pour se positionner sur la liste des éventuels ministrables. Les harakis espèrent toujours pouvoir porter à quatre le nombre de portefeuilles qui leur seront accordés pour une meilleure adéquation avec le poids politique de leur parti. La direction de l'UC espère, pour sa part, que son soutien au gouvernement à travers son alliance avec le RNI se traduira en postes au gouvernement. Du côté de l'Istiqlal, un troisième remaniement à deux ans de la fin du mandat de l'équipe de Abbas El Fassi donnerait, notent les observateurs, l'image d'un gouvernement instable, surtout aux partenaires étrangers du Maroc. N'empêche, soutient Abdelali Hamieddine, professeur de sciences politiques, «si remaniement il y a, il sera d'ordre purement technique et n'aura certainement pas d'incidence politique». Même si la rumeur le donne pour fort probable, les partis politiques se montrent peu enclins à commenter son éventualité. Ils préfèrent s'en tenir à d'autres sujets qu'ils considèrent prioritaires : la situation économique et sociale pour l'USFP, le parachèvement de l'organisation interne, régionale et locale, pour le PPS, le PAM, le MP notamment et la concrétisation au niveau de leurs instances du rapprochement RNI-UC. À chacun ses priorités, certes, mais une chose est sûre : tous se positionnent pour les législatives de 2012. «Tout doit être finalisé en cette fin 2010 et début 2011. Nous ne pouvons pas attendre 2012 pour entamer les préparatifs des élections», affirme Lahcen Haddad, membre du bureau politique du MP. À peine les débats de la Loi de finances clôturés, les partis entameront le très attendu dossier des réformes électorales. Les élections, la régionalisation et le Sahara en haut de l'agenda Le package comprend le mode de scrutin et le découpage électoral dans un premier temps, mais également le renforcement de représentativité de la femme et surtout la loi sur les partis. «Il faut en finir une fois pour toute avec le phénomène de nomadisme», affirme Lahcen Haddad. Selon cet expert international dans le domaine du développement et des sciences sociales, ces réformes institutionnelles seront l'un des quatre chantiers de cette rentrée politique. «L'annonce de mouture finale du projet de la régionalisation avancée devrait donner lieu, si le Roi en décide ainsi, à un débat national». De toute manière, confirme Ahmed Zaïdi, membre du bureau politique et président du groupe parlementaire de l'USFP, «ce sera l'un des grands dossiers sur lequel se pencheront les députés. Leur apport est nécessaire pour donner sa forme législative à ce projet». Autre dossier sur lequel la contribution des partis politiques est attendue au cours des mois à venir, estime Lahcen Haddad, la question du Sahara. «Les partis devraient se mobiliser non seulement pour défendre la proposition d'autonomie marocaine mais également pour dénoncer la situation des droits de l'homme, notamment la liberté d'expression dans les camps de Tindouf», dit-il. La classe politique devrait, en dernier, poursuit cet expert, accorder une plus grande attention aux relations Maroc-UE. «Les partis doivent intervenir pour rapprocher les points de vue, principalement sur le volet des droits de l'homme et de liberté d'expression. Et plus concrètement, dans les domaines de la réforme de la justice et la mise en œuvre des recommandations de l'Instance équité et réconciliation (IER)». Deux dossiers sur lesquels nos partenaires européens se montrent particulièrement regardants, mais dont la plus-value électorale est quasiment nulle pour les partis. La crise économique comme catalyseur Cela, contrairement au traitement des retombées de la crise économique. Car, précise le professeur des sciences politiques, Abdelali Hamieddine, «la question économique et sociale va s'imposer comme l'un des principaux dossiers de la rentrée». Ainsi, Ahmed Zaïdi assure que le parti se penchera sérieusement sur les conséquences de cette crise. «Nous allons, explique-t-il, focaliser une partie de nos efforts sur la réforme de la Caisse de compensation, la révision des impôts (la TVA et l'IR), pour que les difficultés budgétaires de l'Etat ne se répercutent pas sur les classes moyennes et à faible revenu». L'USFP, qui met ses problèmes internes de côté pour se lancer dans la reconquête de son électorat, entend également renforcer sa présence dans le monde rural. Bref, pour les socialistes, le mot d'ordre sera le dossier social et la gouvernance locale. Deux thèmes à très forte connotation électorale. Et il serait certainement temps de dépoussiérer son concept de «soutien critique» au gouvernement annoncé au lendemain de l'investiture de l'équipe El Fassi, fin 2007. Ces grandes lignes de l'action de l'USFP devaient être débattues lors de la réunion, le 15 septembre, de son groupe parlementaire. Entre-temps, d'autres formations, actuellement plus à l'aise sur l'échiquier politique, entreprennent de consolider leurs bases. Le PAM s'est ainsi lancé dans une série de rencontres régionales avec un double objectif : renforcer ses structures locales, d'un côté, et séduire les élites, de préférence celles encore sans appartenance politique, de l'autre. Il fait ainsi de la proximité son credo. Le RNI et l'UC continuent, eux, de décliner leur alliance au niveau national à l'échelle locale. Cela va de la constitution de groupes conjoints des conseillers locaux, notamment dans les villes de Casablanca, Tanger et Meknès jusqu'à la mise en place des organisations parallèles : femmes, jeunesses et secteurs socioprofessionnels. Vue de la gauche, le projet RNI-UC, séduit. Un grand groupe socialiste au Parlement ? Le PPS joue déjà les bons offices aussi bien auprès de ses partenaires de la Koutla que des autres partis de la gauche. Depuis qu'il a été auréolé secrétaire général du parti, Nabil Benabdellah ne cesse de multiplier les contacts. La cadence de ses entretiens s'est accélérée ces dernières semaines. De ces pourparlers, il résulte la réanimation de la commission conjointe mise en place par les trois partis de la Koutla : le PI, l'USFP et le PPS. Un comité conjoint a été également constitué entre le PPS et l'USFP. Pour l'heure, les deux partis n'en sont qu'au stade de la déclaration des bonnes intentions. Des actions concrètes sont attendues dans un proche avenir. «Le prochain mois connaîtra des débats préliminaires sur ce que sera la nature des rapports futurs entre les deux partis, lors de la formation des groupes parlementaires», affirme Mustapha Addichane, membre du bureau politique chargé de l'organisation au PPS. Les deux partis rééditeront-ils l'éphémère expérience, l'année dernière à la deuxième Chambre, d'un groupe socialiste unifié ? «Nous ne cessons d'appeler à la création d'un grand groupe parlementaire qui réunirait tous les partis de la gauche représentés au Parlement. Ce serait un acquis considérable», confie ce responsable du PPS. Toutefois, s'empresse-t-il d'ajouter, «la réalité et la pratique sont autres. Beaucoup de difficultés empêchent la concrétisation d'un tel projet». Bref, «cela ne relève certes pas de l'impossible, mais c'est difficile à concrétiser», conclut-il. Le PPS en sait, en effet, quelque chose puisqu'il n'a pas été facile de mettre sur pied l'actuelle alliance des forces progressistes et démocratiques (groupe fort de 20 députés issus du PPS, du FFD et d'Al Ahd). Mais si un tel groupe, réunissant toute la gauche, venait à se concrétiser, il totaliserait 60 députés, ce qui le placerait au rang de deuxième force parlementaire, juste derrière le groupe du Rassemblement constitutionnel unifié (RNI-UC, 68 membres). En attendant, le PPS ne baisse pas les bras. À défaut d'un groupe unifié, il tente de conquérir l'adhésion de ses partenaires de la Koutla et de la gauche à un autre projet qui lui tient particulièrement à cœur : un mémorandum de réformes constitutionnelles «de nouvelle génération». Mais il est certain que dans l'immédiat, agenda oblige, c'est le projet de Loi de finances 2011 qui accaparera les discussions avec le rituel débat politique qui l'accompagne. Et une fois encore, le PJD n'a pas l'intention de faire de la figuration. La question des finances islamiques, les taxes sur la construction de mosquées et la réforme de la TVA font notamment partie de son plan d'attaque. D'ici-là, la formation d'Abdelilah Benkirane tentera de mettre un peu d'ordre dans ses rangs. Le parti, rappelons-le, a été secoué cet été par deux scandales. La mise en examen du président PJD du conseil municipal de Midelt pour une affaire de corruption qui a éclaté début août entame encore une fois la réputation de ses élus, après l'affaire du maire de Meknès, Aboubakr Belkora, mis en cause dans des irrégularités dans la gestion de la ville, en janvier 2009. Par ailleurs, lors des élections partielles tenues, le 31 août, dans la région de Tanger-Tétouan pour le renouvellement de cinq sièges de la Chambre des conseillers, le parti est sorti bredouille alors qu'il comptait 240 élus dans la région au lendemain des élections de juin 2009, ce qui lui aurait garanti au moins un siège. Seulement, 65 élus PJD ont manqué à l'appel. Après enquête, le parti annonce que 15 membres avaient démissionné ou ont été démis, entretemps. Une trentaine ont tout simplement décidé de tourner le dos à leur parti une fois leur siège remporté en son nom. Et c'est sa réputation de parti aux rangs soudés et membres disciplinés qui en prend un coup. La tenue, ce 25 septembre, du IIIe congrès de l'association des élus du parti permettra de remettre les pendules à l'heure. «Ce sera non seulement une occasion pour revenir sur ces deux incidents, mais ce congrès marquera la rentrée politique du PJD pour cette année», affirme Slimane El Omrani.