Trois suicides sur 4 concernent les hommes, et 1 sur 4 les femmes. A l'inverse, les tentatives de suicide sont 2 à 4 fois plus fréquentes chez les femmes. 38% d'événements qui poussent au suicide ont un lien avec une rupture conjugale ou un divorce. «Il y a des chiffres sur le suicide au Maroc mais qui sont complètement biaisés, à cause du tabou social et religieux qui continue de jeter un voile pudique sur ces tragédies individuelles et familiales», indique le Pr Driss Moussaoui, chef du service de psychiatrie au CHU Ibn Rochd de Casablanca. L'OMS rapporte qu'il y a un décès toutes les 10 secondes dans le monde dû au sida, un décès par suicide toutes les 40 secondes et une tentative de suicide toutes les 2 secondes. «Il y a beaucoup de tapage autour du sida contre un silence total autour du suicide, alors que les deux tuent», fait remarquer le Pr Moussaoui. Dans un récent travail scientifique publié par l'équipe du centre psychiatrique du CHU Hassan II de Fès, le comportement suicidaire est un phénomène complexe associant des facteurs psychologiques, biologiques et sociaux. Il ressort de ce travail qu'il y a des paramètres socio-démographiques qui influencent les comportements suicidaires : l'âge, le sexe, le statut marital, les évènements de la vie, la profession, les variations temporelles et saisonnières et les moyens utilisés. La majorité des suicides surviennent entre 15 et 19 ans. En France, par exemple, le suicide est la deuxième cause de mortalité des jeunes entre 15 et 24 ans, après les accidents de la circulation. Par ailleurs, on note une surmortalité masculine par suicide. Les hommes se suicident trois fois plus que les femmes. A l'inverse, les tentatives de suicide sont 2 à 4 fois plus fréquentes chez les femmes. Le statut matrimonial constitue un facteur des disparités de mortalité par suicide. Le mariage semble réduire considérablement le risque suicidaire. De même, la qualité du support familial est un facteur de protection contre le suicide. Le taux de suicide des personnes célibataires est deux fois supérieur à celui des personnes mariées, alors que ce risque est 4 à 5 fois plus élevé chez les sujets séparés, divorcés ou veufs. Une autre spécificité marocaine : les personnes qui n'ont pas d'enfants sont plus prédisposées au suicide. Ce travail rapporte que 38% d'événements qui poussent au suicide sont en rapport avec une rupture conjugale ou un divorce. Un conflit familial est noté dans 12% des cas. Cette étude insiste sur le rôle protecteur du travail contre le suicide. Elle montre également que certaines professions sont plus exposées, en particulier les professions libérales : médecins, avocats, agents d'assurances, musiciens… Ce travail indique que le suicide est plus fréquent le jour que la nuit, au début de la semaine qu'à la fin. Les moyens utilisés sont variables selon les sexes et en fonction du mode des conduites suicidaires. L'intoxication médicamenteuse volontaire est le geste suicidaire le plus fréquent chez les femmes, alors que les hommes utilisent des moyens plus violents : pendaison, arme à feu ou précipitation des grandes hauteurs. Ce travail a montré que dans 11% des cas le suicide survient après la découverte récente d'une maladie physique potentiellement grave, léthale ou handicapante. L'étude rapporte également que plus de 90% des suicidés présentent une affection mentale, dont 50% de dépressifs. Et le risque de suicide augmente de 30% par rapport à la population générale en présence d'un trouble de l'humeur et de 20% en cas de trouble schizophrénique.