Au moins 135 000 d'ha de céréales inondés dans le Gharb, une des régions les plus touchées. A mi-cycle, au moment où commence d'habitude l'épiaison, l'état végétatif prédominant est médiocre. Les agriculteurs ont du mal à mettre en place des cultures de remplacement. Il est trop tôt pour parler du niveau de production de céréales pour la présente campagne, mais les prévisions de la Loi de finances de 2010 (70 millions de q) risquent peut-être de ne pas être atteintes en raison des conditions climatiques qui ont perturbé tout le déroulement de la campagne. Une situation inédite pour un pays dont la faiblesse de la récolte est habituellement corrélée à la sécheresse. Mais la pluie peut également avoir des effets dévastateurs. En deux mois, il est en effet tombé, dans la plupart des régions, autant d'eau que durant toute une année normale (voir encadré). Plusieurs régions ont été durement touchées alors qu'elles n'avaient pas totalement fini de panser les blessures de la campagne précédente, également caractérisée par des inondations dévastatrices. Il en est ainsi pour le Gharb qui «ressemble à une immense rizière», selon Wadiî Krafess, producteur dans la région. Les autorités ont annoncé 65 000 ha complètement submergés par les crues du Sebou et du Ouargha, auxquels s'ajoutent les 70 000 ha annoncés précédemment. Le reste des 450 000 hectares habituellement emblavés n'est pas mieux loti. Il faut rappeler que la campagne n'avait pas bien démarré puisque les précipitations généralisées n'ont commencé qu'à la mi-décembre avec 30 à 45 jours de retard sur un cycle de 7 mois en moyenne. Ce retard a eu pour conséquence, entre autres, une baisse de 8,2% des emblavements par rapport à la campagne précédente avec 4,7 millions d'ha contre 5,1 en 2008-09. Cette superficie se répartit entre le blé dur (918 200 ha en baisse de 5%), le blé tendre (1,91 million ha, en baisse de 5%) et l'orge (1,91 million d'ha, en baisse de 13%). Pour assurer une production optimale, un effort particulier a été consenti par le ministère de l'agriculture et plus d'un million de quintaux de semences certifiées ont été vendues par la Sonacos, soit 60% de plus qu'en 2008/09. Cependant, pour les cultures et dans la plupart des régions, on note, suite à l'excès d'eau, un arrêt de croissance, un très faible tallage, des jaunissements dans de nombreux endroits et des champs entiers qui ont subi des dégâts irréversibles (complètement perus). Les producteurs, particulièrement dans le Gharb, sont abattus et ne peuvent rien faire pour sauver une part de leurs cultures par les travaux de saison (engrais de couverture, désherbage …) ou de mettre en place des cultures de remplacement comme les légumineuses ou autres, dans les cas de pertes de plants pour cause d'excès d'eau, en raison de la difficulté d'accès au champ. Hamid Benchaïb producteur de la région de Berrechid, abonde dans le même sens. Il explique que certains agriculteurs se sont certes lancés dans des cultures alternatives comme les légumineuses (fève, féverole, lentilles) mais très peu ont pu le faire à temps de même qu'ils n'ont pas pu réaliser les travaux d'entretien nécessaires (binage, traitements anti fongiques, anti orobanche, etc.). Pour les mêmes raisons, les cultures devant être mises en place normalement en janvier et février (petits pois, pomme de terre) ne le sont pas encore (délais dépassés). Le désherbage retardé par les difficultés d'accès aux champs Fidèles à une pratique coutumière chez les petits producteurs, certains agriculteurs, surtout dans les semis tardifs, n'ont pas apporté d'engrais de fond par manque de temps, par économie ou parce que ne sachant pas comment va évoluer la campagne. Ils comptaient se rattraper par l'apport d'engrais de couverture, mais n'ont pas pu le faire, soit en raison de l'inaccessibilité du terrain, soit du fait de la flambée des prix des engrais azotés. Ils sont passés de 180 DH/q, pour l'ammonitrate 33% par exemple, en début janvier, à 350 DH aujourd'hui. Or, les quantités nécessaires en couverture sont d'autant plus élevées que les apports de fond ont été faibles et que les importantes précipitations ont induit un lessivage de l'azote dans le sol. Le ministère de l'agriculture indique, pour sa part, que les ventes cumulées des engrais, au 15 février, sont estimées à 540 000 tonnes, soit une augmentation de 11% par rapport à la même période de la précédente campagne. Parmi les autres opérations qui ont été perturbées par l'excès de pluies, le désherbage qui n'a presque pas été effectué vu l'état de faiblesse des cultures et l'impossibilité pour le matériel de traitement d'accéder aux champs d'autant plus que, en année pluvieuse, le développement de mauvaises herbes comme la folle avoine dans les cultures est plus important et échelonné, rendant l'opération encore plus difficile et coûteuse. Les agriculteurs ne disposant pas de matériel et faisant appel habituellement à la location n'ont pas pu bénéficier des rares éclaircies pour effectuer cette opération. Aujourd'hui, même si nous sommes à la moitié du cycle normal des céréales d'automne (3,5 mois écoulés sur 7), on observe un faible développement des plantes (15-20 cm), actuellement au stade de la montaison alors que d'habitude, en fin février, l'épiaison commence dans la plupart des régions de production (selon la précocité des variétés). En cas d'amélioration des conditions climatiques (le ressuyage nécessite une à deux semaines selon le type de sol), la taille des plantes serait limitée, le nombre d'épis au mètre carré réduit et le nombre de grains par épi aussi. D'où la faible probabilité d'une bonne récolte, alors qu'en 2008-2009 l'étalement des précipitations aussi bien dans le temps qu'en quantité avait permis au pays d'avoir une récolte record de 102 millions de quintaux.