Vision stratégique, équité, communication, écoute…, ce qu'on attend de la hiérarchie. Un patron efficace doit maîtriser l'environnement et non le subir. Un collaborateur doit aussi susciter des discussions avec sa hiérarchie et non se recroqueviller sur lui-même en cas de problème. Jamila, attachée de direction, pourtant très efficace, a quitté son emploi pour un autre moins bien rémunéré et qui offre moins de possibilités d'évolution. Alors que son ancien patron ne semblait lui montrer aucun intérêt, était distant et pouvait parfois la réprimander sans raison apparente, son nouvel employeur, lui, est sympathique et ne manque pas de la remercier ou de la féliciter. Le changement en valait-il la peine ? Pour Jamila, assurément oui et il était impératif de franchir le pas. Maintenant, elle a repris goût au travail et le montre clairement. Le cas de cette attachée de direction n'est pas isolé. Beaucoup d'enquêtes sur la motivation des cadres montrent que les salariés quittent leur emploi à cause du comportement de leurs supérieurs hiérarchiques plutôt que pour des questions liées à des considérations matérielles. Agressivité, déficit de communication, manque de respect ou de reconnaissance figurent parmi les principaux reproches faits aux patrons. «J'attends d'un patron un minimum d'écoute. J'ai l'impression que l'on m'impose n'importe quelle tâche. En contrepartie, je n'ai droit à aucune réponse quand je soulève la question des conditions de travail. Parfois, j'ai envie de jeter l'éponge», se lamente une autre assistante de direction. «Je t'aime moi non plus», cette boutade illustre parfaitement la relation patron/employés depuis la nuit des temps. De plus en plus, les collaborateurs, surtout s'ils sont sûrs de leurs compétences, décident d'avoir leur mot à dire sur leur patron. D'ailleurs, les bons patrons ont compris, pour leur image et celle de l'entreprise, la nécessité d'être ouverts sur le management moderne. Ils ont saisi l'intérêt de donner plus de liberté à leurs employés d'exprimer leurs attentes, leurs soucis… «Les séminaires de team building suppriment souvent des barrières dans les rapports entre le management et les salariés», souligne Omar Benaini, consultant associé au cabinet LMS ORH. Pour l'anecdote, un coach de la place tient souvent à rappeler l'histoire d'un patron d'une grande entreprise qui, lors d'une soirée de team building, a tenu à faire monter un de ses salariés, connu pour ses talents d'imitateur, sur la scène. Le salarié en question a fini par imiter son patron de façon humoristique. «La dérision a été une bonne manière de libérer la parole et de donner du feed-back sur ce qui ne fonctionne pas dans l'entreprise. Cela a plu au dirigeant». Plusieurs facteurs ont contribué à ce changement de comportement. Par exemple, l'aplatissement des pyramides hiérarchiques a contribué substantiellement à transformer les relations entre supérieurs et subordonnés. Il y a également une évolution très poussée des mentalités. L'attachement à vie à une entreprise, à un employeur, est désormais rangé au placard. En somme, les nouvelles générations ne pratiquent plus la révérence. S'ils ne sont pas écoutés, c'est-à-dire si le système de management ne leur convient pas, ils iront voir ailleurs. Les attentes diffèrent d'une personne à une autre C'est dire que manager, surtout dans un environnement où le niveau intellectuel est relativement élevé, n'est plus une sinécure. A priori, on attend tout d'un patron : qu'il soit gentil, qu'il soit à l'écoute, qu'il sache bien déléguer, qu'il attache de l'importance à l'environnement du travail, qu'il prenne la peine de communiquer sur tous les aspects de l'entreprise et surtout qu'il soit en mesure de veiller à la carrière et à la rémunération de ses employés. Toutefois, les attentes peuvent différer d'un cadre à un autre selon son importance. Il fut un temps où l'on a peut-être apprécié le charisme d'un manager, sa rigueur ou ses qualités humaines (même si c'est toujours d'actualité). Maintenant, plus on avance dans le temps, plus d'autres qualités vont primer. A commencer par avoir une vision stratégique pour l'entreprise. D'ailleurs, c'est la première qualité recherchée chez un manager d'après nos témoignages. Cette qualité de visionnaire est surtout évoquée par les cadres qui ont bien pris conscience de leur implication dans la gestion de l'entreprise et qui veulent surtout être rassurés sur leur avenir. Il est vrai que «personne n'aimerait embarquer dans un bateau piloté par un capitaine incapable de lire la boussole», commente M. Benaini. Un bon manager est aussi celui qui sait prendre les bonnes décisions quand il le faut. «Il sait aussi récompenser et être autoritaire, surtout lorsqu'il s'agit de trancher», souligne Essaid Bellal, dg du cabinet Diorh. Mais il ne s'agit en aucun cas de s'imposer arbitrairement. Le bon manager doit avoir la capacité de résoudre clairement un problème, sans attendre indéfiniment. En somme, il doit maîtriser ou du moins interagir avec l'environnement et non le subir. A voir toutes ces qualités, il est presque incertain de rencontrer une personne qui les réunit. «Il ne s'agit pas d'être parfait à tous les niveaux, mais de chercher au mieux à se rapprocher du standard en travaillant ses points faibles», fait savoir M.Bellal. Cela dit, quand le bât blesse, susciter une discussion avec son patron, quelle que soit sa nature, présente plusieurs avantages. Tout d'abord, une relation de travail plus satisfaisante entraînera vraisemblablement une réduction du niveau de stress et une augmentation de la confiance en soi, ce qui se répercutera sur la productivité. D'ailleurs, une récente étude menée auprès d'une cinquantaine de managers et 500 employés au Royaume-Uni a mis en évidence la relation entre santé au travail et franchise vis-à-vis de son employeur. Exprimer à son employeur ce qu'on pense de lui aurait un double avantage : diminuer le stress des employés et accroître la performance du patron. Comme quoi, dire au patron ses quatre vérités ne conduit pas forcément à l'affrontement et au divorce. A l'évidence, l'amélioration de la relation avec son patron est un défi mais il faut du temps, certaines capacités de recherche et d'analyse et une bonne dose d'humilité. Entre-temps, quelques détails peuvent être utiles pour l'amélioration des rapports. A commencer par les compliments. Ils sont aussi importants pour les patrons que pour les employés, pourvu qu'ils soient sincères. Comme dans tout rapport conflictuel, il est important de savoir quand il faut se battre et quand il faut céder. «Souvent, le collaborateur part avec l'idée qu'il ne pourra pas changer le comportement de son manager», note M. Benaini. Une telle attitude entraîne automatiquement un repli sur soi voire de la paranoïa. A moins qu'il ne soit un maniaque, un manager cherche avant tout un résultat par un style de management plus ou moins approprié. Par conséquent, on peut trouver une issue si on arrive à ouvrir le dialogue.