Avertissement, blà¢me, mise à pied…, une panoplie de sanctions est prévue par le Code du travail. Le fait d'en distribuer au premier écart peut brider les initiatives. Une punition motivée et équilibrée doit servir à ramener le fautif sur le droit chemin et donner l'exemple à ceux qui seraient tentés d'enfreindre les règles de l'entreprise. «Culturellement, le manager marocain é v i t e d e sanctionner parce qu'il a peur d'assumer les conséquences», souligne d'emblée Abdelhai Lazrak, DG du cabinet Capital Services. Pourtant, dans une entreprise, l'occasion ne manque pas. Incompétence, fautes répétitives, faible rendement, fraude, retards fréquents ou tout simplement insubordination…, il y a une panoplie de facteurs générateurs de punitions. Omar Benaini, consultant associé au cabinet LMS ORH, tient à rappeler que «nous sommes dans une relation de travail et qu'il faut faire respecter l'ordre». Ce pouvoir disciplinaire fait partie des prérogatives de l'employeur. Faut-il pour autant en user à tous les coups? Ne doit-on pas privilégier la prévention, jugée plus efficace que la répression ? Tout le dilemme est là . En effet, une sanction dans le cadre professionnel est rarement acceptée quelle que soit sa nature. Trop molle par rapport à la faute, elle mène à tous les abus. Trop sévère, elle empoisonne l'ambiance de travail. Il n'est pas rare de voir des salariés se mettre en grève pour contester une mise à pied ou un licenciement. «C'est une arme à double tranchant pour un manager. Elle peut alerter un collaborateur et l'inciter à changer de comportement ou à ne pas récidiver. Mais elle risque aussi de dégrader les relations de travail», souligne Khalid Sbaà®, responsable RH dans une multinationale. Une faute n'est pas toujours intentionnelle Comment alors sanctionner des retards fréquents, une altercation avec un supérieur ou un client ? «Dans le domaine disciplinaire, tout se traite au cas par cas, en fonction du statut du salarié, de la culture de l'entreprise et de la gravité de la faute», explique M. Benaini. Par conséquent, il est recommandé, avant de prononcer des mesures disciplinaires, de s'entourer de précautions. Pour qu'elle soit utile et permette que l'erreur ne se reproduise plus, la décision doit être prise en fonction de certains critères. Certes, le Code du travail définit clairement tous les faits susceptibles d'être punis (voir encadré), mais il y a aussi la réalité de tous les jours. Et pour que la sanction soit pertinente, les faits reprochés doivent être replacés dans leur contexte. Une faute n'est pas toujours intentionnelle. Prenons le cas d'un employé dont les retards sont devenus fréquents. Il se peut qu'il soit malade, sans souhaiter en parler, qu'il ait subi un accident financier l'obligeant temporairement à faire une longue distance à pied, que son ménage soit en difficulté, d'oà1 un moral en berne… On peut certes considérer que l'entreprise n'est pas l'assistance sociale, mais un manager est bien obligé de se soucier parfois des problèmes personnels de ses collaborateurs pour améliorer l'efficacité du travail. Par ailleurs, le fait de prononcer des mises en garde à tout bout de champ ou de distribuer des avertissements au premier écart n'est pas une bonne idée. Cela peut inhiber les initiatives et peut même être considéré comme un élément objectif de harcèlement. Trop de sanctions prouvent également que le manager n'a pas réussi dans sa mission de meneur d'hommes. Avant de sortir l'artillerie lourde des sanctions, mieux vaut établir le dialogue. «En treize ans d'activité au Maroc, je n'ai prononcé qu'un seul licenciement pour faute grave. Sinon, je tiens toujours à avoir un entretien direct et franc avec la personne concernée», explique Lucien Leuwenkroon, DG de Top Class Lavazza. Les fautes sont parfois le résultat d'une carence managériale M. Benaini considère pour sa part que, «quand les erreurs émanent d'une poignée de personnes, des solutions peuvent être apportées. On sensibilise, informe et rappelle à l'ordre. Mais quand cela touche l'ensemble du personnel, il faut alors se poser des questions sur l'organisation de l'entreprise et son management». En somme, on ne doit pas tout imputer aux collaborateurs. Le plus dangereux pour un manager est de profiter d'une situation donnée pour prendre des mesures répressives à l'encontre d'une personne pour des raisons d'incompatibilité d'humeur et non pour sanctionner la faute en elle-même. Dans ce cas, on aboutit forcément à un résultat contraire. «Le plus souvent, les sanctions n'engendrent que des conflits répétitifs», note M. Lazrak. Selon lui, «il ne faut pas hésiter à mettre carte sur table pour identifier les problèmes quand ça ne va pas». Il s'agit ici de privilégier la prévention. A ce titre, il est utile de concevoir un règlement intérieur très clair. Parfois, outre les contraintes purement professionnelles, beaucoup d'entreprises établissent des codes de déontologie régissant les comportements individuels et les rapports entre les uns et les autres. Mais il n'est pas dit que la sanction est inutile. Il faut punir quand les faits l'imposent. «Ne pas sanctionner peut être fatal à l'entreprise», fait remarquer M. Benaini. Tout simplement parce que certains peuvent interpréter le manque de réactions comme de la faiblesse. Il y a cependant des précautions à prendre avant d'arrêter la nature de la punition. «Il faut prendre le temps d'écouter et expliquer les motifs avant de prononcer la sanction», ajoute M. Benaini. Mais il faut surtout s'assurer que la sanction est conforme à la faute. En un mot, pour qu'elle soit efficace, il faut que la punition soit justifiée et équilibrée et que la même procédure soit appliquée quel que soit le collaborateur. «L'entreprise n'est pas un tribunal. C'est un lieu d'apprentissage et d'épanouissement oà1 l'on corrige même ce qui est tordu, sauf pour les cas désespérés », fait remarquer M. Benaini. Il faut aussi savoir pardonner quand il le faut et impitoyable si les faits l'exigent.