Hassan El Glaoui, Jilali Gharbaoui, Ben Ali Rbati et Chaïbia parmi les pères fondateurs de la peinture marocaine Miloud Labied et Mohamed Kacimi pour la période 1970 à 2000 Mahi Binebine, Mohammed El Baz, Amina Benbouchta et Faouzy Laatiriss, les stars montantes de la dernière décennie. S'il pèche toujours par son manque de transparence et une dynamique ne favorisant pas encore une grande liquidité, le marché de l'art au Maroc n'en est pas moins prometteur et se démarque aujourd'hui par des plus-values alléchantes. Un tour d'horizon des signatures qui ont le plus pris ces dernières années permet rapidement de s'en convaincre. Dans la peinture historique d'abord, les artistes orientalistes pulvérisent des records qui fixaient déjà la barre très haut. Des œuvres de deux valeurs sûres de la catégorie, Pierre Emilien Rousseau et Jacques Majorelle, ont en effet été vendues tout récemment à plusieurs millions de DH. L'huile sur toile «Le sultan du Maroc et son escorte» du premier a décroché le prix de 4,4 MDH lors d'une vente aux enchères organisée le 19 décembre dernier par la Compagnie marocaine des œuvres et objets d'art (CMOOA). C'est bien plus que les estimations des experts comprises entre 3 et 3,5 MDH. Notons au passage qu'il s'agit-là du meilleur résultat en vente aux enchères publiques obtenu au Maroc et le second record mondial pour Henri Rousseau. Quant à Majorelle, son tableau «La Kasbah d'Aït Benhaddou» partait d'une estimation minimale de 2,7 MDH, lors de la dernière vente aux enchères organisée le 20 décembre dernier par la maison de ventes MemoArts. Sachant que lors de la même vente, un autre Majorelle, intitulé «Marrakech, l'attente au puits», une technique mixte sur papier, allait également s'échanger au-delà de la barre du million de dirhams. Mais il n'y a pas que les peintres historiques étrangers qui ont vu leur cote s'affoler. Le mouvement des pères fondateurs de la peinture marocaine, notamment ceux de la période d'avant 1970, profite également d'un engouement notable. Ainsi, lors des mêmes ventes citées plus haut, pour la première fois, deux œuvres d'un artiste marocain ont dépassé la barre du million de dirhams. Il s'agit de deux rarissimes panneaux de Hassan El Glaoui : «Fantasia devant les remparts de Marrakech» et «La sortie du sultan» qui ont respectivement trouvé acquéreur à 1,38 MDH et 1,02 MDH. Alors que des œuvres comparables de l'artiste s'échangeaient à tout au plus 700 000 DH en 2007. Dans la même catégorie, une huile sur toile de Jilali Gharbaoui, datée de 1959, a été adjugée à 930 000 DH, soit 230 000 DH de plus que le maximum estimé par les experts (700 000 DH) et nettement plus que les 140 000 DH que proposait le marché en 2004 pour une œuvre comparable du même artiste. Autre exemple, l'aquarelle sur papier «Cérémonie à Tanger» de Mohamed Ben Ali Rbati a été cédée à 650 000 dirhams, chiffre record pour l'artiste dont les œuvres similaires atteignaient au plus 300 000 DH en 2003. Certains tableaux de Chaïbia ont quadruplé de valeur en 2 ans Dans la même mouvance, enfin, Chaïbia enregistre les prises de valeur les plus remarquables. «C'est que l'artiste a bénéficié d'un surcroît de notoriété depuis son décès en 2004 et d'une hausse de sa cote depuis l'exposition qui lui a été dédiée en 2009 à Casablanca», rappelent les conseillers patrimoniaux de la banque privée d'Attijariwafa bank. La cote de l'artiste a beaucoup augmenté. Un format raisin sur papier estimé à 45 000 DH il y a 2 ans en vaut 4 fois plus aujourd'hui. Dans le même temps, le prix d'une œuvre moyenne sur toile s'est trouvé propulsé de 180 000 à 250 000 DH. Une huile sur toile passe de 300 000 DH en 2008 à 500 000 DH voire plus pour une œuvre exceptionnelle actuellement. Au final, qu'il s'agisse d'artistes orientalistes étrangers ou de pères fondateurs de la peinture marocaine, «les signatures historiques continuent de constituer un socle pour le marché et la demande reste soutenue par les amateurs», rapporte Hicham Daoudi, gérant de la CMOOA. «En revanche, poursuit l'expert, les œuvres artistiques marocaines datant de la période allant de 1970 à 2000, intéressent moins». Néanmoins, dans le lot, certaines exceptions sont à isoler. Il s'agit spécifiquement de Miloud Labied et de Mohamed Kacimi qui font l'objet d'une très forte demande. La cote du premier aura profité d'un effet de mimétisme entre les institutionnels nationaux qui jouent des coudes pour se procurer les œuvres de l'artiste. Sans équivoque, les conseillers patrimoniaux d'Attijari recommandent fortement aux amateurs éclairés de posséder les œuvres du peintre des décennies 70 et 80 avec une mention spéciale pour «les reliefs en polyester des années 70, vintages rares de l'artiste». Actuellement, une œuvre sur toile signée de la main de Labied et datant de 1979 est estimée à environ 140 000 DH, alors qu'une technique mixte à dimension et période comparables était estimée à 60 000 DH en 2008. De même, il faut compter aujourd'hui 400 000 DH pour une œuvre sur toile grand format, sachant que la cote de l'artiste est en perpétuelle progression. Quant aux œuvres de Kacimi, c'est leur rareté, aussi bien sur le marché des enchères que dans le circuit classique des galeries, qui en dope la valeur. Ce phénomène s'est accru depuis la mise sous scellé de son atelier par le ministère de la culture afin d'éviter la dispersion de son patrimoine. Une œuvre sur panneau des débuts de l'artiste est estimée à environ 110 000 DH en 2009, alors qu'une technique mixte de dimension et période similaires était estimée à 40 000 DH en 2008. Autre exemple : une huile sur toile de 1977/78 dépasse les 150 000 DH alors qu'elle était estimée à 120 000 DH en 2008. Il faut par ailleurs compter 170 000 DH pour une toile récente de l'artiste. S'agissant des artistes ayant émergé au-delà de l'année 2000, l'intérêt du public reste pour l'heure mitigé. De l'avis des experts, ce mouvement reste dans son ensemble en mal de repères. Il n'empêche que certains noms sont à suivre de près. Il s'agit notamment de Mahi Binebine, Mohammed El Baz, Amina Benbouchta et Faouzy Laatiriss.