Faisons travailler nos tribunaux administratifs pour nous aider à mettre le Maroc en marche. Que notre justice administrative nous aide à ce que nos impôts servent véritablement l'intérêt général. Aadel Essaadani Acteur culturel, il a été à l'origine de nombreux événements et festivals. Trois associations comptent attaquer l'état, devant le tribunal administratif pour lutter contre l'absence d'éducation à la sexualité. Les associations SOS Homophobie, Sidaction et le Planning familial ont annoncé leur intention, jeudi 2 mars, de porter plainte contre l'état pour le mettre «devant ses responsabilités» et «demander l'application pleine et entière de la loi 2001». Une loi qui oblige l'état à organiser, chaque année, au moins trois séances d'éducation sexuelle. D'après le code de l'Education, «les élèves des écoles, collèges et lycées doivent bénéficier d'au moins trois séances annuelles d'éducation à la sexualité, y compris une sensibilisation aux violences sexistes et sexuelles.» C'est précis. Bref, il s'agit d'une plainte pour contraindre l'état à respecter la loi. Mais, arrêtons de rêver, ce n'est pas chez nous que ça se passe, il s'agit d'associations et d'état français. Bonnes pratiques, d'ailleurs En apprenant la nouvelle, je ne pouvais m'empêcher de transposer le cas chez nous, dans notre plus beau pays au monde. Je me suis mis donc à rêver que ce qui se passe ailleurs nous contamine quelque peu. Comme dit l'adage de bien de chez nous: «Que Dieu fasse en sorte que celui qui pisse sur eux nous éclabousse un peu». Ce n'est pas très élégant, mais ça veut dire ce que ça veut dire ! Je ne parle même pas d'éducation sexuelle, Même si le besoin existe chez nous, vu la malheureuse loi des séries qui s'abat sur nous avec de plus en plus de cas de viols, présumés ou pas, jugés ou pas encore. Je ne vais pas non plus me mettre à généraliser comme tout le monde. Bien que ce soit inquiétant de voir les cas, de plus en plus nombreux, de suspicion de viols chez nos stars artistes ou sportifs. Et d'entendre et de lire les commentaires des Marocaines et Marocains les soutenant en normalisant le viol, en lui ôtant son caractère universellement abjecte et en le rendant relativement supportable, dans le contexte de notre société, disent-ils, qui l'accepte plus volontiers ! Respect de la loi, ici et maintenant Je ne veux traiter ici que de la question de respect de la loi. Et, en effet, c'est un grave aveu de désespoir que nous arrivions à ce point. Pour le dire avec un vocabulaire constitutionnel, il s'agit de souhaiter que l'état et les administrations publiques (pouvoir exécutif) appliquent les lois votées au sein de notre Parlement (pouvoir législatif). Et c'est un autre aveu d'impuissance que de rêver que le seul recours soit celui du tribunal administratif (pouvoir judiciaire) qui puisse remettre les choses en place. C'est dire le désordre dans lequel nous baignons. Restons toutefois positifs. Les tribunaux administratifs au Maroc brillent par leur liberté de ton et leur justice implacable. Après analyse des différents jugements émis, les tribunaux administratifs marocains ne rechignent pas à rendre des jugements contre l'état et ses administrations quand ces derniers ne respectent pas la loi. Il faut croire que le bât blesse du côté du citoyen qui ne pousse pas jusqu'à réclamer son droit à l'application de la loi. Changer de paradigme et de mentalité Nous avons, pendant longtemps, intériorisé l'impunité de l'état et de ses administrations en tant que situation normale et structurelle. L'état change, la société pas tout à fait. Un changement de paradigme, comme disent les «intellectuels», est de mise. Le droit s'arrache. Changeons donc de culture et noyons nos tribunaux administratifs de doléances légitimes pour mettre l'état devant ses responsabilités. Passons d'une culture de fatalisme et de résignation à une culture de revendication. Soyons responsables. La culture est la solution.