Les évolutions des rémunérations devraient se situer à près de 5%. Les DRH estiment qu'il faudra attendre le premier trimestre pour dégager une tendance. Les salaires à l'embauche sont revenus à des niveaux raisonnables. Après une année 2009 plutôt austère en matière de salaires, comment se présente l'année 2010 ? Selon les spécialistes des rémunérations, la prudence et l'attentisme seront de mise. Il faudra attendre le premier trimestre pour avoir plus de visibilité. Houcine Berbou, consultant senior au cabinet LMS ORH, table sur un taux d'augmentation prévisionnel compris entre 4 et 5% selon les secteurs. Pour sa part, Ghizlaine Laabi, responsable de l'enquête de rémunération au sein du cabinet Diorh, ajoute que «les hausses de salaires prévues en 2010 sont pratiquement identiques à celles qui étaient initialement prévues en 2009». Ainsi, l'enquête de conjoncture du cabinet Diorh, réalisée auprès d'un panel de 85 entreprises locales et filiales de multinationales en juin 2009, montre que le taux médian des augmentations prévisionnelles en 2010, tous secteurs confondus, serait de 5% pour l'ensemble des catégories professionnelles (directeurs, comité de direction, cadres supérieurs, cadres et agents de maîtrise, force de vente, employés et ouvriers). La responsable de l'enquête ajoute aussi que «les augmentations seront maintenues pour une majorité d'entreprises». Mais il y en a qui ont déjà fait savoir à leurs salariés qu'il n'y aura aucune amélioration dans ce sens. Par exemple, Royal Air Maroc a clairement annoncé sa décision de geler les salaires mais aussi de supprimer les augmentations individuelles de salaire. De plus, aucune augmentation ou avantage en nature particuliers n'ont accompagné les promotions fonctionnelles résultant de la réorganisation. Et toutes les acquisitions de véhicules de service ou de fonction sont suspendues jusqu'à nouvel ordre, depuis le 1er octobre 2009. Rappelons que, l'année dernière, les entreprises avaient annoncé un taux d'augmentation de 6% pour la catégorie des managers et cadres. A cause de la crise, elles ont ramené le taux à 5% et, finalement, au niveau de la réalisation, elles l'ont baissé d'un point supplémentaire, à 4 ou 4,5%, selon les secteurs. La part variable sera de plus en plus déterminante La crise a permis à beaucoup d'entreprises d'enclencher une réflexion sur l'équilibre de la masse salariale. Selon M. Berbou, «parmi les actions à mener, trois sont essentielles pour réussir à maintenir la motivation et la performance des équipes : valoriser davantage l'ensemble des éléments du package de rémunération, indépendamment du salaire fixe et du variable ; renforcer l'accompagnement managérial sur le terrain pour répondre aux questions ou incertitudes des salariés; être en mesure, malgré des budgets limités, de distinguer les collaborateurs les plus performants». L'accent sera aussi mis sur la part variable du salaire. «Plutôt que de penser à mettre en place des augmentations systématiques, je pense qu'il sera important de lier l'augmentation de salaire à la performance individuelle et collective de la personne», commente Fouad Najeddine, DRH de Centrelec. Beaucoup plus qu'en temps normal, la rémunération variable pendant la crise a d'ailleurs été un élément d'ajustement non négligeable. Le contexte difficile actuel et les obligations de résultats qui en découlent sont une opportunité pour repositionner cette rémunération variable comme élément reconnaissant des résultats significatifs et des performances élevées. «Les entreprises qui ont mis en place des systèmes de rémunération variable de l'ordre de 20 à 40% du salaire de base s'en sortent beaucoup mieux en temps de crise, car la partie variable qui leur sert d'amortisseur permet d'éviter d'arriver à la phase de réduction des effectifs», ajoute pour sa part M. Berbou. Ainsi, une rémunération variable permet de redéfinir des objectifs et des mesures de résultats cohérents avec les enjeux économiques et avec les attitudes qui mèneront au succès. Une autre raison significative de donner la priorité à la part variable est d'assurer la compétitivité de l'entreprise et de retenir les meilleurs talents sans coût récurrent. Autre point positif de la crise pour les entreprises : les salaires à l'embauche seront maintenus à des niveaux raisonnables. Le phénomène d'inflation des salaires observé sur le marché de l'emploi, il y a trois ans, est bien derrière. La demande accrue de compétences avait épuisé l'offre en un temps relativement court au point d'inquiéter les DRH de la situation et certains en voulaient sérieusement aux entreprises qui faisaient monter les enchères. Une normalisation des salaires à l'embauche Selon Ahmed El Meslouti, DRH de Polydesign, entreprise spécialisée dans le secteur automobile, «le salaire à l'embauche d'un technicien peut actuellement aller de 4 000 à 9 000 DH nets selon l'expérience et la qualification». Il en est de même pour M. Najeddine. Selon lui, les salaires à l'embauche dans le secteur électrotechnique sont de 8 000 à 9 000 DH nets pour les commerciaux (sans expérience) et à partir de 4 000 DH nets pour les techniciens spécialisés (type DUT). Mais en dépit des difficultés conjoncturelles, les grosses pointures continueront d'être choyées. Houcine Berbou rappelle que les salaires des lauréats des grandes écoles étrangères restent nettement supérieurs à la moyenne. Déjà, en 2009, ils ont varié de 248 000 DH bruts annuels pour les candidats des grandes écoles étrangères de commerce à 290 000 DH bruts annuels pour les candidats des grandes écoles d'ingénieurs. L'enquête de Diorh montre que près de 50% des entreprises du panel comptent recruter en 2010 contre 43% qui comptent geler leur recrutement tandis que 7% d'entre elles comptent réduire leur effectif. Par secteur d'activité, l'industrie des biens durables, les high-tech et la banque/finance sont les plus concernés dans le renforcement des effectifs.