Economie, culture, politique. Nous avons longtemps cru que ces trois domaines n'ont rien à faire ensemble et ne devraient pas se mélanger. La solution se trouve, peut-être, dans le bon dosage entre les trois. Aadel Essaadani Acteur culturel, il a été à l'origine de nombreux événements et festivals. Quand finit l'économie, pointe la culture et intervient le politique ? Ou inversement ? Dans l'ordre ou le désordre qu'on veut ou qu'on peut. Nous vivons (ou subissons) l'imbrication de ces trois domaines tous les jours, consciemment ou inconsciemment. Ce serait, toutefois, utile que nous en soyons conscients. En économie, une règle commerciale de base stipule que quand quelqu'un veut vendre quelque chose à quelqu'un d'autre, quelle qu'elle soit et quel qu'il soit, il doit travailler à faciliter l'opération d'achat, assurer un espace d'achalandage et la promotion de la marchandise. Même si chaque produit, service, client ou consommateur a ses spécificités, cette règle demeure valable pour toutes sortes de productions, y compris culturelles. Faire aimer l'art En culture, il existe, au moins, deux spécificités propres. La première étant celle qu'il faudrait d'abord commencer par faire aimer aux personnes l'acte de consommer une création artistique. La pratique et la consommation des arts n'allant pas de soi, étant donné qu'aller voir une représentation de théâtre ou de danse, une exposition, un film..., ne constitue pas un besoin vital au sens propre. La seconde spécificité concerne la zone d'achalandage. Les subtilités de la langue de Molière fournissent une explication aisée. L'achalandage désigne des clients occasionnels alors que la clientèle désigne les plus habitués d'entre eux. Alors, comment constituer une clientèle et la fidéliser ? Faire acheter ou «que» consommer à quelqu'un quelque chose dont il croit ne pas avoir besoin est un art en soi. Nous savons, maintenant, que toute personne a toutes les chances d'aimer et à commencer même à avoir besoin d'art si elle a été initiée à l'aimer. Sinon, comme disait Jankélévitch : «On peut, après tout, vivre sans le je-ne-sais quoi, comme on peut vivre sans philosophie, sans musique, sans joie et sans amour. Mais pas si bien». Que fait le politique ? C'est là que devrait intervenir le politique. Pour faire fructifier les industries créatives et culturelles dont se gargarisent la Fédération éponyme et le ministère de la Culture, et commencer à gagner de l'argent avec, il faudrait préparer le futur client de cette économie. Cette action ne peut pas être faite par le secteur privé, car elle ne permet pas le retour sur investissement à court ou moyen terme. C'est du politique, car il s'agit d'un service public que doivent assurer l'Etat, les collectivités et les institutions publiques. Zeste de liberté La recette est «simple». Education artistique à l'école, éducation populaire en dehors. Des centres culturels qui programment des saisons tout aussi culturelles. Des maisons de jeunes qui initient les jeunes et les moins jeunes à la pratique des arts ou seulement à en prendre conscience. Des théâtres, petits et grands, qu'on construit avec beaucoup d'argent et qu'on ouvre, enfin, au public. Des clubs de cinéma art et essai pour essayer de parler d'art et de cinéma. Des conservatoires qui fonctionnent et qui forment des artistes. Des écoles et des universités qui forment des techniciens et des administrateurs de la culture. Des émissions et des prix littéraires qui font parler des livres. Et un petit zeste de véritables libertés de création et d'expression pour faire tout ça. Cette recette est faite pour les citoyens fins gourmets et pour ceux qui ont faim de démocratie et de bonheur dans un pays dans lequel tout le monde mérite d'être heureux. Les ingrédients sont là, à nous de jouer. La culture est la solution.