Les deux tiers des recettes provenant de l'impôt sur le revenu sont assurés par les salariés. En dépit de la baisse du taux (facial) de l'IS en 2008, son rendement a augmenté de 60 % la même année. La baisse de l'IR se poursuivra en 2010. Comme en 2008, le dîner-débat organisé par La Vie éco en partenariat avec Radio Aswat, mercredi 4 février, avec comme invité le directeur général des impôts, Noureddine Bensouda, a drainé un auditoire nombreux dépassant les 250 personnes. Il faut dire que ce «rendez-vous fiscal» ne laisse personne indifférent. Certes, les mesures fiscales introduites dans la Loi de finances pour 2009 sont, depuis janvier, connues à peu près de tous ; mais les explications, les éclaircissements et les éclairages que livre à cette occasion le premier responsable des impôts apportent toujours un plus. Ainsi, en rappelant d'emblée l'évolution historique de la structure fiscale du Maroc, le DG des impôts a voulu montrer combien le système était déséquilibré, en défaveur des salariés qui plus est. «Le budget était financé essentiellement par les prélèvements sur la consommation et les salaires», a indiqué d'emblée M. Bensouda. A contrario, l'impôt sur les bénéfices des sociétés, du fait de l'existence d'une pléthore de codes d'investissement prévoyant des incitations fiscales sectorielles, rapportait des miettes : 10 % dans les recettes fiscales totales. Idem pour les revenus et profits fonciers et des capitaux mobiliers : leurs rendements étaient très faibles. Jusqu'à la fin des années 80, au moins, l'Etat prélevait l'impôt là où il était facile de le prélever. Le souci était de se procurer des recettes, peu importait de savoir sur qui reposait le gros de la charge fiscale. «Nous étions loin d'une répartition équitable de la charge fiscale entre les différents contribuables», a estimé le DG des impôts. Bien sûr, à la faveur du programme d'ajustement structurel (le fameux PAS) avec le Fonds monétaire international (FMI) et dont l'une des composantes était justement la réforme fiscale, il fut mis en place au milieu des années 80 un nouveau système synthétisé autour de trois principaux impôts : la TVA en 1986, l'impôt sur les sociétés en 1987 et l'impôt sur le revenu en 1990. Baisse des taux et élargissement de l'assiette sont les deux axes de la dernière réforme Bien que cette nouvelle architecture fût en son temps une grande avancée, elle s'est révélée au fil du temps insuffisante, incapable d'appréhender l'ensemble du champ économique. Des pans entiers de l'activité continuaient d'échapper au fisc, générant des manques à gagner importants pour le Trésor, alors même que les taux étaient élevés. Les Assises nationales sur la fiscalité en 1999 avaient en quelque sorte dressé le constat de défaillance du système et appelé à sa réforme en suivant deux directions en particulier : baisse des taux d'un côté, et élargissement de l'assiette, d'un autre côté ; le tout dans une logique d'équité fiscale. C'est, en gros, cette philosophie qui a guidé les différentes mesures fiscales intervenues depuis. Mais pour introduire de l'équité, il fallait supprimer les distorsions qui existaient, et, pour ce faire, il était impératif de savoir qui bénéficiait de quoi et quelle était la contrepartie des «bonus» accordés par l'Etat (en réalité par les autres contribuables). D'où les fameux rapports sur les dépenses fiscales qui, depuis maintenant quatre ans, font partie des documents précieux qui accompagnent chaque année le projet de Loi de finances. IS : 25,1% en 2008, contre 14,7% en 2002 dans les recettes fiscales totales Evidemment, comme l'a souligné Noureddine Bensouda, les rapports sur la dépense fiscale n'ont pas pour objectif de supprimer systématiquement les incitations fiscales, mais d'en évaluer la pertinence, de s'assurer que les cibles visées ont été atteintes. La preuve : les réaménagements qui ont concerné l'impôt sur les sociétés en 2008 ont permis tout à la fois de baisser le taux facial de cet impôt pour le faire correspondre avec le taux effectif, et d'améliorer considérablement son rendement. La même année, c'est-à-dire 2008, où l'IS est passé de 35% à 30%, son rendement a, en effet, augmenté de 60% par rapport à 2007. En 2002, précise le DG des impôts, l'IS représentait 14,7% dans les recettes fiscales globales relevant de la Direction générale des impôts (DGI) : en 2008, sa part monte à 25,1%, dépassant celle de l'impôt sur le revenu (l'IR) qui perd un point en reculant de 18,7% en 2002 à 17,7% en 2008. Ceci découlant sans doute de la réforme qui a concerné l'IR en 2007 (et qui s'est poursuivie en 2009 et continuera encore en 2010). Il faut quand même dire que cette baisse relative de la part de l'IR dans les recettes totales est en fait un ajustement plus qu'une baisse. Surtout lorsqu'on sait, à la suite des indications fournies par le DG des Impôts, qu'en 2008 66,7% du produit de l'IR viennent des salaires. Les 33,3 % restants étant répartis entre les revenus professionnels et locatifs (9,9%), les revenus de capitaux mobiliers (6,9%) et les profits immobiliers (16,5%), l'agriculture étant exonérée. Donc, les salariés, à eux seuls, supportent les deux tiers des recettes de l'IR ! Cela explique et justifie la réforme qui a touché cet impôt cette année et qui se poursuivra. Mais ce n'est pas fini, car la traque aux distorsions et à l'iniquité fiscales a gagné, enfin, le fouillis du droit d'enregistrement et de timbre, désormais intégré dans le code général des impôts. Du chemin a donc été parcouru dans le sens de l'amélioration, de la clarté, de l'efficacité et de l'équité de la matière fiscale, mais la réforme est loin d'être achevée. Quand on compare, par exemple, l'effectif des personnes dans les professions libérales et ce qu'elles génèrent comme impôts, on comprend vite qu'il y a encore du potentiel pour élargir l'assiette.