Les règles prudentielles de BAM, les emprunts obligataires, le développement à l'international, la baisse du cours des actions détenues et la rareté des liquidités pèseront sur les bénéfices. Des analystes tablent sur une légère hausse ou, au pire, une stagnation des dividendes. D'autres anticipent une baisse, ou, au mieux, du surplace. Difficile dilemme pour les banques cotées en Bourse. Prises en tenaille entre un environnement concurrentiel qui les contraint à se développer sans relâche au niveau national (et international pour certaines), des ratios prudentiels de plus en plus rigoureux et un endettement coûteux sur fond d'assèchement des liquidités, elles voient leurs bénéfices futurs fortement hypothéqués. Distribuer ou réinvestir ces bénéfices, la question se pose pour elles avec acuité… et pour leurs actionnaires aussi. Les analystes, eux, restent partagés. Plus de 300 agences à ouvrir pour un coût unitaire de 2 à 3 MDH D'un côté, il y a donc le fort appétit de développement des banques. Au niveau local, l'ouverture d'agences bancaires est un atout dont ne peuvent se priver les établissements de crédit dans leur course aux parts de marché. D'après le rapport de Bank Al Maghrib (BAM) pour l'année 2007, toutes les banques réunies ont procédé à l'ouverture de 301 agences, contre 224 un an auparavant. A voir les ouvertures déjà opérées en 2008 et les objectifs affichés par les différentes banques de la place pour les années à venir, la cadence ne peut que s'accélérer. C'est que la suprématie du réseau d'agences de la Banque Centrale Populaire (BCP) a un fort pouvoir d'émulation sur les établissements concurrents, notamment Attijariwafa bank et BMCE Bank. La filiale du groupe Ona, dont le conseil d'administration validait en juin 2008 un nouveau plan de développement quinquennal, Attijariwafa 2012, place la barre haut. L'objectif se chiffre à une centaine de nouvelles agences par an et un rythme à maintenir pendant… 5 exercices. Auprès de BMCE Bank, la direction promet l'ouverture de 100 agences en 2009. Pour rester dans la course, le CIH et le CDM devront nécessairement faire mieux qu'en 2008, année durant laquelle leurs inaugurations de nouvelles agences se sont élevées respectivement à 25 et à plus de 40 agences. BMCI, pour sa part, avance une vingtaine de nouvelles ouvertures annuellement. Bien entendu, la concurrence ne se limite pas aux banques cotées. Le Crédit Agricole du Maroc a ouvert, lui, 72 agences en 2008 et ne compte pas s'arrêter en 2009, pas plus que la SGMB qui affirme son intention de ne pas être un suiveur. Au niveau international, il est surtout question de prises de participation ou d'implantations de filiales, notamment en Afrique. Sur ce plan, et au titre de 2008, Attijariwafa bank aura été la plus active en reprenant le réseau africain du Crédit Agricole France pour 2,8 milliards de DH, dont 400 MDH déboursés en numéraire, et en prenant une participation de 51% dans le capital de la Banque internationale du Mali pour 690 MDH. Un dynamisme qui ne devrait pas laisser de marbre BMCE, dotée elle aussi d'une stratégie ambitieuse de déploiement en Afrique. Pour rappel, la banque s'était placée sous le feu des projecteurs en 2007 par l'entrée à hauteur de 35% dans le capital de Bank Of Africa, groupe panafricain présent dans 12 pays et occupant le troisième rang parmi les groupes bancaires en Afrique de l'Ouest. Un ratio de solvabilité de 10% cette année et de 12% en 2010 Reste qu'une problématique préoccupante pourrait bien perturber les plans des banques. Il s'agit, comme évoqué précédemment, du contexte dans lequel interviennent ces plans de développement. Car, s'ils restent louables, ils ont tôt fait de se transformer en éléments pénalisants dans un contexte d'assèchement des liquidités, d'autant plus que le retour sur investissement de ces prises de participation africaines n'est pas immédiat. Il faut savoir qu'après avoir connu une situation financière largement excédentaire, qui leur a permis d'accroître significativement le rythme de production de crédits, les banques se retrouvent aujourd'hui avec un important déficit de liquidités. D'une part, cela est dû à une pénurie de fonds sur le marché monétaire, entre autres à cause de l'aggravation du déficit commercial et du tassement du rythme de croissance des recettes en devises. D'autre part, les dépôts n'ont pas enregistré la même croissance que celle des crédits, ce qui a augmenté significativement le coefficient d'emploi des banques (crédits/ressources), réduisant leur marge de manœuvre pour l'octroi de crédits. S'ajoute à cela le fait que les établissements de la place doivent se conformer aux ratios prudentiels de BAM (le ratio de solvabilité passant de 8 à 10% des fonds propres à compter du 1er janvier 2009 et devant être porté à 12% à compter de 2010)… Certes, les banques peuvent souffler grâce à la récente décision de la banque centrale d'abaisser le taux de la réserve monétaire de 3 points, à 12%, mais, ayant toujours plus de besoins pour financer leur expansion, elles poursuivent leur quête de ressources nouvelles autres que les avances hebdomadaires de BAM dont le coût reste relativement élevé. Dans cette optique, deux leviers sont exploités. Celui des dépôts à terme (DAT) et celui du renforcement du haut de bilan. Depuis novembre dernier, en effet, la rémunération d'un DAT sur un an peut aller jusqu'à 5% alors qu'elle ne dépassait pas les 3,5% auparavant. Le renforcement des fonds propres, lui, est entrepris par des opérations d'augmentation de capital (BMCI), de titrisation (CIH) ou d'émission d'obligations subordonnées (Attijariwafa bank, BMCE Bank et CIH). Devant jouer des coudes pour faire souscrire les investisseurs à leur opération, les banques émettrices ont dû concéder des primes de risque conséquentes qui ont souvent dépassé les 100 points de base pour les titres de créance. Enfin, utlime contrainte qui pèse sur les résultats des banques, leur passage aux normes IFRS leur a permis de gonfler leur actif immobilisé en réévaluant à la hausse la valeur de leur portefeuille d'actions détenues. Utile quand le marché se porte bien. Mais quand on sait qu'il a fortement baissé en 2008… 2 à 3 % de baisse pour les bénéfices des banques cotées au titre de 2008 ? Partant, les obligations prudentielles de BAM, les plans de développement ambitieux, leur financement de plus en plus coûteux par les emprunts obligataires, les DAT surrémunérés pour poursuivre l'octroi des crédits et la baisse du poste «titres de participation» ne risquent-t-ils pas de tirer les dividendes à la baisse, l'affectation des bénéfices tendant à privilégier le financement des besoins précités ? Contactées, les principales banques de la place se sont montrées évasives. Des avis ont néanmoins pu être recueillis auprès des analystes. Dans le camp des optimistes, on anticipe une légère augmentation mais l'on table sur une stagnation plus probable. Selon eux, un dividende est déterminant pour la confiance des investisseurs. «Un dividende en baisse impacterait fortement le cours de l'action, ce qui n'est pas bienvenu en ces temps de crise boursière», clarifie-t-on chez Attijari Intermédiation. Et la baisse de résultats de 2 à 3% anticipée par plusieurs analystes pour les valeurs bancaires au titre de 2008 n'y changera rien. «Les banques qui connaîtront une baisse de résultats vont chercher à maintenir un dividende stable». C'est notamment le cas de BMCE Bank et du CIH qui, en reconduisant le taux de distribution pratiqué en 2008, auraient abouti à un dividende par action prévisionnel en 2009 respectivement de 26 et 8 DH. Scénario exclu par les analystes qui tablent au contraire sur une reconduction des dividendes de 30 et 10 DH servis en 2008. Même son de cloche auprès de CFG : «Les banques suivent de près l'évolution de leurs cours. Elles utilisent les dividendes comme moyen pour signifier au marché qu'elles se portent bien». On y justifie aussi que «certains établissements, notamment BMCI et CDM, en raison de la forte présence d'un actionnariat étranger dans leur tour de table, sont contraintes à des remontées croissantes de dividendes vers leur maison mère». Amorce d'un cycle de contraction pour les crédits D'autres analystes justifient, eux, la pérennité des dividendes par l'activité ascendante des banques. «L'augmentation de l'endettement des établissements bancaires devrait certainement peser au niveau de leurs charges d'intérêts. Néanmoins, cet impact pourrait être compensé par l'accélération de la collecte des dépôts ou via la croissance organique massive que connaissent les opérateurs depuis deux ou trois ans. La hausse de leur endettement ainsi absorbée, ni les bénéfices ni les dividendes ne seraient affectés.» Pour leur part, les tenants de la tendance baissière des dividendes distribués par les valeurs bancaires considèrent d'autres aspects. C'est un secret de Polichinelle. «Les banques viennent de s'engager dans un nouveau cycle qui, contrairement au cycle précédent d'expansion des crédits, se caractérisera par une contraction des crédits et par une fréquence d'autant plus importante d'impayés. Ce qui devrait se traduire nécessairement par la passation de provisions», estime un banquier. «Tout dépendra néanmoins de la qualité des portefeuilles détenus par les banques», tempère-t-il. Autre argument présageant d'une pression baissière sur les dividendes, la mesure de BAM portant le ratio de solvabilité à 12% à compter de 2010. Couplée à l'augmentation intervenue en 2008, «cette mesure contraint virtuellement les banques à augmenter leurs fonds propres de 50% en 2 ans», recadre M. Kamal Bennani, directeur commercial à Orange Asset Management. Catégorique, le directeur exclut toute hausse et prévoit des baisses de dividendes pouvant aller jusqu'à 10%, ou, tout au mieux, une stagnation.