Les mesures prévues par le projet de Loi de finances 2023 répondent à des objectifs d'équité et de lutte contre l'évasion fiscale, sur fond d'une véritable mise en œuvre de la réforme. Le principe de base étant que tous les contribuables supportent solidairement, et en fonction de leurs capacités, les charges que requiert le développement du pays. «Il y a eu de l'audace et du courage politique». C'est en ces termes que l'économiste et l'expert-comptable, Mehdi El Fakir, qualifie les mesures fiscales prévues dans le projet de Loi de finances 2023. Selon lui, le gouvernement a fait preuve de courage en introduisant des mesures, notamment celles touchant l'Impôt sur le revenu (IR), tout en introduisant certaines dispositions liées à la taxe sur les profits immobiliers et la retenue à la source pour certaines professions libérales. «Les nouvelles mesures fiscales permettront de renforcer la confiance entre l'Etat et le contribuable et de lutter contre l'évasion fiscale, entre autres», nous précise Mehdi El Fakir. De son côté, le fiscaliste Mohamed Rahj trouve que le PLF 2023 «a ce mérite de mettre en place de manière concrète, les jalons d'une réforme fiscale tant attendue en matière notamment d'Impôt sur les sociétés (IS) dans la perspective de l'année 2026». Une réforme qui se fera par paliers pour arriver à trois taux d'ici 2026, soit 20%, 35% et 40%. «Il y aura des aménagements, certains taux seront minorés et d'autres seront majorés comme pour les banques qui passeront de 37% à 40% de manière progressive, à travers une augmentation de 0,75 point de pourcentage par an. Les PME vont bénéficier d'un taux de 20% et les régimes dérogatoires sont appelés à disparaître», nous détaille Mohamed Rahj. Haro sur l'évasion fiscale ! S'agissant de l'IR, la principale mesure concerne la retenue à la source chez certaines professions libérales, selon Mohamed Rahj, notamment les avocats qui doivent s'acquitter d'une avance au titre de l'IR pour chaque dossier. Pour les enseignants vacataires qui bénéficient d'un taux de 17% libératoire, leurs écoles devront effectuer une retenue à la source de 30%. Un moyen pour lutter contre l'évasion et la fraude fiscale, poursuit notre interlocuteur. Concernant la Taxe sur la valeur ajoutée (TVA), il n'y a pas eu de véritables changements, si ce n'est le relèvement du taux de 10 à 20% chez certaines professions comme les notaires et les avocats, en plus de mesures touchant les droits de douane et qui sont liées à la conjoncture, explique Mohamed Rajh. L'esprit des mesures fiscales prévues par le projet de Loi de finances 2023 répond de manière globale à des objectifs d'équité fiscale et de lutte contre l'évasion fiscale, sur fond de début d'une véritable mise en œuvre de la réforme qui s'est éternisée dans les tiroirs des gouvernements précédents, notamment ceux dirigés par le PJD. Vers un taux unifié de 20% Dans les détails, la principale mesure liée à l'IS porte sur la révision des taux actuels de cet impôt pour atteindre trois taux cibles d'ici 2026. Un taux de 20% représentera le taux normal de droit commun applicable à toutes les sociétés dont le bénéficie net est inférieur à 100 MDH aussi bien au titre de leur chiffre d'affaires local qu'à l'export. Le même taux sera appliqué aux sociétés installées à Casablanca Finance City (CFC) et dans les zones d'accélération industrielle (ZAI). Un taux de 35% sera appliqué à toutes les sociétés réalisant un bénéfice net égal ou supérieur à 100 MDH. Enfin, un taux de 40% sera appliqué aux établissements de crédit et organismes assimilés, Bank Al-Maghrib, la Caisse de dépôt et de gestion et les entreprises d'assurance et de réassurance. Le PLF 2023 prévoit, par ailleurs, une révision du régime fiscal des Organismes de placement collectif immobilier (OPCI) et une rationalisation des avantages fiscaux des zones d'accélération industrielle (ZAI) accordés aux entreprises financières. Le texte de loi propose de réduire progressivement, sur une période de quatre années, du taux de la retenue à la source sur les produits des actions, parts sociales et revenus assimilés de 15 et 10%. Une mesure qui vise à atténuer l'impact de l'augmentation des taux de l'IS pour certaines sociétés. Il s'agira également d'harmoniser le régime fiscal de l'IR professionnel avec la réforme des taux de l'IS et ce, à travers la révision du taux spécifique de 20% applicable à certains revenus. Il sera remplacé – après une mesure transitoire sur une période de deux ans – de manière à permettre la transformation en sociétés pour bénéficier, en conséquence, du taux du droit commun de 20% prévu en matière d'IS. Mesures spécifiques à l'IR Pour ce qui est de l'impôt sur le revenu, le projet de Loi de finances 2023 prévoit de relever le taux forfaitaire de déduction pour frais inhérents à la fonction ou à l'emploi de 20% à 35% pour les personnes dont le revenu brut annuel imposable est inférieur ou égal à 78 000 dirhams. Concrètement, les mesures fiscales proposées dans ce cadre visent un allègement du poids de l'Impôt sur le revenu pour les salariés de la classe moyenne dont les salaires nets se situent entre 4 500 DH et 30 000 DH mensuels. Cela représente un coût pour le budget de l'Etat d'environ 2 MMDH. A titre d'exemple, ces mesures permettront d'améliorer le revenu des salariés dont le salaire net se situe entre 4 500 DH et 9 000 DH, par un revenu supplémentaire annuel allant de 900 DH à 2 250 DH. Il s'agit également de relever le taux d'abattement forfaitaire applicable en matière de pensions et rentes viagères de 60% à 70% sur le montant brut imposable desdits revenus ne dépassant pas 168 000 DH. Il y aura, par ailleurs, une application progressive du principe de l'imposition du revenu global des personnes physiques en réinstaurant l'imposition du revenu global de ces personnes selon les taux du barème progressif de l'IR avec une application de la retenue à la source pour certaines catégories. Le PLF 2023 propose aussi une rationalisation des avantages fiscaux prévus en matière d'IR/salaire au profit des salariés des banques et des entreprises d'assurance ayant le statut CFC (Casablanca Finance City) et une amélioration des régimes de l'autoentrepreneur et de la Contribution professionnelle unique (CPU). Il prévoit également une prorogation jusqu'au 31 décembre 2026 du délai de l'exonération de l'IR au titre du salaire mensuel brut plafonné à 10 000 DH versé par les entreprises créées durant la période allant du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2022, dans la limite de 10 salariés, ainsi qu'une mise en œuvre progressive du principe de l'imposition du revenu annuel global des personnes physiques et une révision du mode d'imposition et de contrôle de l'IR/profit foncier. Que de mesurs audacieuses...