L'impact reste limité sur l'huile, la viande rouge et la viande de volaille, grâce aux stocks constitués. La répercussion sur les prix à la vente n'est pas totale, les industriels continuent à comprimer leur marge. Une poursuite de la hausse risque de peser gros, autant sur les professionnels que sur le consommateur. Après la hausse des prix à la consommation de l'huile de table, à qui le tour ? Les filières pressenties sont le lait, les viandes rouges et les viandes de volaille. Cela fait plus de 8 mois que les matières premières connaissent une forte augmentation à l'international. Selon la Fenagri, Le cours du blé s'est propulsé de 45% depuis avril 2020, celui du maïs de 77% et celui du sucre de 89%. L'huile de tournesol, elle, a rebondi de plus de 90% et le soja à plus de 80%. Ces évolutions commencent à se faire sentir sur le marché marocain. Les producteurs de l'huile de table ont entamé la répercussion de ces hausses sur le prix à la consommation, avec 2 DH de plus. «Le Maroc ne dispose pas d'une couverture totale des oléagineux. Mis à part la culture du tournesol, toutes les autres composantes de l'huile sont importées», explique Omar Najid, directeur général de la Comader. Il faut dire que l'impact a été amoindri grâce au stock constitué par les industriels. Mais, avec l'arrivage actuel et prochain des matières premières, les réserves sont réalisées au prix coûtant. Ce qui n'exclut pas une autre augmentation des prix de cette huile, estimée à 2 DH supplémentaires. Dans ces conditions, les professionnels sont en pourparlers avec le gouvernement et demandent ainsi son intervention afin de limiter les dégâts, aussi bien pour le consommateur qui a de plus en plus de mal à accepter ces hausses, que pour les triturateurs eux-mêmes qui vendent à perte. La conséquence de cette flambée ne se limite pas à l'huile de table mais risque de s'étendre également à la viande rouge. Pour cause, «87% de l'alimentation et l'engraissement animal sont composés de maïs, d'orge et de tourteau de soja, des produits totalement importés de l'étranger», explique M.Najid. Toutefois, le président de la Fédération des viandes rouges (Fiviar), M'hamed Karimine, éloigne ce scénario pour deux raisons principales : «La 1ère tient au stock disponible chez les provendiers et qui peut couvrir jusqu'à 3 mois. La seconde est liée à la concurrence à laquelle se livrent ces industriels pour préserver leur part de marché. Ils préfèrent donc compresser leur marge commerciale en supportant le surcoût de production, plutôt que de perdre des points sur le marché». Notre professionnel ajoute : «A mon sens, les raisons derrière cette progression faramineuse des prix des matières premières ne sont pas de nature à entretenir cette hausse à moyen et long terme. Elles devraient reprendre bientôt leur tendance baissière». Toujours selon lui, le prix de la viande devrait rester stable en 2021, tout comme cela a été le cas en 2020, sachant qu'il est de 10% à 15% inférieur à son niveau de 2019. Cette prévision tient son fondement dans la prochaine campagne agricole qui devrait annoncer de bons résultats grâce à une pluviométrie généreuse. «La disponibilité prévue des denrées alimentaires de base pour le bétail devrait réduire la pression sur le coût des importations, et donc sur le prix de revient du provendier», conclut le président de la Fiviar. La filière des viandes de volaille, quant à elle, a subi les conséquences de cette hausse des matières premières, car, à l'instar de la filière des viandes rouges, l'alimentation de la volaille dépend de produits composés dont la plupart est importée. «Pour l'instant, le prix d'alimentation de la volaille n'a augmenté que de 40 centimes au total, alors que le coût à l'international, tourne autour de 1,2 DH» souligne M.Najid. C'est dire que les éleveurs supportent tout ou partie de cette progression. Autrement dit, «le coût de revient est passé de 11 DH à près de 12,5 DH alors que le prix départ ferme est resté stable à environ 10 DH. Du coup, l'éleveur qui était déjà dans une situation inconfortable, perd actuellement 2 DH au lieu de 1 DH quelques mois auparavant», détaille Youssef Alaoui, président de la FISA. En effet, ce même éleveur a déjà supporté cette hausse durant le second semestre de l'année précédente. Cela dans l'objectif de préserver l'équilibre des prix sur le marché, surtout en situation de crise. «Non seulement il a pris en charge cet accroissement des prix des produits nécessaires à l'alimentation du bétail, mais il a fait les frais en face d'un recul drastique de la consommation, évalué entre 30% et 40% en raison de toutes les restrictions», se désole M.Alaoui. La situation est donc devenue tellement pesante que certains éleveurs se voient contraints de «fermer boutique» et d'arrêter de produire à perte. Dans ces conditions, ce fermier ne peut supporter indéfiniment les conséquences d'évolution des marchés internationaux. Ainsi, «les prix à la consommation, que ce soit du poulet, de la dinde ou des œufs, vont finir par refléter le surcroit du coût de revient. D'ailleurs, l'on s'attend à une hausse de 30 à 40 centimes additionnelles de l'aliment du bétail dès le mois prochain, si les marchés internationaux ne baissent pas», regrette M.Alaoui... Affaire à suivre. Couverture contre les fluctuations des prix mondiaux : 2 à 3 mois seulement ! Faire face au renchérissement des prix des matières premières, le subir en totalité ou en partie, prendre la décision de le répercuter ou non sur le prix final à la consommation, étaler son effet afin d'éviter de perturber le marché de la consommation interne... laisse penser que ces importateurs/fabricants d'aliments/industriels ne disposent d'aucune couverture financière qui leur permet de se prémunir contre une fluctuation des prix mondiaux. Les contrats à terme, les options et d'autres types de produits dérivés sont des outils pour se protéger contre des changements imprévisibles des prix, à l'importation comme à l'exportation et sont communément adoptés. En fait, ces professionnels contactés et sus-cités affirment que les industriels contractent ce type de produits, mais sont de très court terme, généralement de 2 à 3 mois seulement. Etonnant pour des secteurs qui dépendent des importations à grande échelle. Il faut dire que la cherté de ces contrats à terme dissuade plus d'un à les adopter à long terme, surtout que le renchérissement des prix, pour la plupart du temps, peut être supporté intégralement, au détriment de la marge commerciale, et que ce surcoût de revient est inférieur au prix de la couverture financière.