Sur les marchés extérieurs comme à l'échelle locale les prix de l'origine Maroc grimpent. Du jamais vu en début de campagne. Pourquoi une telle tendance ? Cela va-t-il durer ? Le point sur la situation. Bon début de campagne d'exportation de tomates sur les marchés européens! Depuis les premières expéditions, l'origine Maroc enregistre des cours relativement élevés pour la période. Selon les professionnels membres de l'Association des producteurs et exportateurs de fruits et légumes, les prix de la tomate à l'export oscillent actuellement entre 0,8 et 1 euro le kg exporté. Lors de la première semaine de campagne d'exportation, les prix de la tomate atteignaient même 1,5 euro le kg exporté, suivant le calibre du fruit. Cette situation est en raison d'une forte demande, face à une offre très limitée, suite aux retards de plantations engendrés par le climat d'incertitude dû à la crise sanitaire. Les récoltes du fruit sont en effet faibles en ce début de campagne «Ma production ne dépasse pas 20% de ce que je récolte d'habitude en cette période, d'où une surchauffe des prix. Ces cours sont du jamais vu en cette période», expose un agriculteur. Les exportateurs avancent toutefois ne pas véritablement tirer profit pour l'heure de ces cours élevés. «Bien sûr, du prix de vente à l'export, il faut déduire la commission des intermédiaires, les frais d'emballage et du transport, ainsi que les charges des transitaires au Maroc comme à l'étranger pour avoir le prix net producteur, sans oublier les droits de douane atteignant environ 1 DH le kg exporté», précise un acteur de la filière. Ce dernier souligne que, ce qui notamment grève aujourd'hui de manière importante les coûts de production, c'est la sécheresse et ses retombées, particulièrement dans la région du Souss Massa, première zone de production et d'exportation de primeurs du Royaume. La situation des ressources en eau dans cette région préoccupe beaucoup les agriculteurs. Le manque d'eau dans certaines zones de production dans le Souss Massa oblige les agriculteurs à recourir à l'irrigation par citernes. Une alimentation qui revient au prix de 10 à 12 DH le m3. «Pour certaines exploitations, il faut près de 6 à 10 citernes de 30 tonnes, par jour. Des contraintes qui ont poussé certains producteurs à abandonner pour l'heure des surfaces cultivées sous-serres avec un risque d'impact sur le volume de la production de l'origine Maroc lors de cette campagne», souligne un exportateur. C'est dire l'importance du projet de la station de dessalement de Chtouka dont la mise en service en mars 2021 est très attendue. Une perspective qui encourage les producteurs à aller de l'avant et à préserver leur activité. Ce qui conforte également les producteurs exportateurs de tomates dans leur activité et projets, c'est aussi les avancées réalisées par l'origine Maroc en termes de parts de marché face aux origines concurrentes. En effet, alors que les exportations espagnoles de tomates sont en régression, celles de l'origine Maroc ne cessent de grimper. Sur la base des informations du service statistique espagnol Estacom (Icex-Tax Agency), on retient que les exportations espagnoles de tomates ont enregistré près de 729 000 tonnes lors de la campagne 2019/2020, alors qu'elles étaient de plus de 985 000 tonnes durant la campagne 2013/2014, soit une régression durant sept campagnes. Les exportations de l'origine Maroc en la matière n'ont cessé pour leur part d'augmenter durant les dix dernières années, passant de plus de 370 000 tonnes en 2010 à près de 590 000 tonnes en 2019, selon les chiffres de la Division statistique des Nations Unies, Comtrade. Pour être bien rentable, cette filière mise aujourd'hui de plus en plus sur une stratégie de segmentation. La culture de la tomate ronde ne pouvant plus supporter les charges de production, de l'avis des producteurs. Le coût de revient pour produire cette variété atteignant 3,20 DH/le kg avec trop souvent des ventes à perte. Les acteurs de la filière se sont ainsi tournés vers la culture des petits calibres ou tomates de spécialités, telles que la tomate olive ou tomate cerise ou encore la tomate grappe. Cette approche s'est traduite par une évolution des parts de la production des tomates de segmentation atteignant un taux de 48% aujourd'hui dans le total de la production de tomates, toutes variétés confondues. Cette démarche offre une marge de bénéfice intéressante mais nécessite cependant, selon les professionnels, un effort commercial, le marché de ces segments étant plutôt restreint et selon les professionnels jusqu'à présent une chasse gardée des producteurs exportateurs espagnols et hollandais.