La crise pandémique a déplacé les courbes de l'offre et de la demande, à la fois, pour de nouveaux prix d'équilibre. Selon Bank Al-Maghrib, la tendance fondamentale des prix serait à la hausse: la composante sous-jacente de l'inflation devrait passer de 0,5% à 0,8% au titre de cette année. Quasiment toutes les rubriques de dépenses sont en renchérissement: produits alimentaires, produits non alimentaires, produits réglementés, prestations de services, transports, éducation, etc. Très rarement, les crises économiques ont été des crises d'offre et de demande en même temps. La situation inédite provoquée par la pandémie a eu son lot de retombées sur l'ensemble des paramètres du marché, faisant déplacer à la fois la courbe de l'offre et de la demande. Conséquence : le nouveau point d'équilibre est forcément obtenu avec des quantités échangées et des prix différents de ceux de l'avant-crise. Le nouveau spot d'équilibre des prix est-il à la hausse ou à la baisse ? En théorie, à en croire les dernières statistiques du Haut-Commissariat au Plan (HCP), en moyenne des quatre premiers mois de l'année, les prix se sont inscrits en hausse de 1,2% en 2020, contre une baisse de 0,1% en 2019. Cette évolution résulte des hausses de 2,1% des prix des produits alimentaires au lieu de -1,9% un an auparavant et des prix des produits non alimentaires de 0,6% après +1%. Dans le détail, l'indice des prix à la consommation a marqué une hausse lors du premier trimestre pour s'afficher à 1,4% en moyenne. En mars, l'Indice des prix à la consommation (IPC) s'était inscrit en hausse de 0,4% par rapport à février, suite à l'augmentation de 1,3% de l'indice des produits alimentaires et au repli de 0,2% de l'indice des produits non alimentaires. Cette tendance haussière des prix a été également relatée en avril. En effet, malgré la baisse anodine de 0,1% sur un mois, après la hausse observée en mars, l'indice des produits alimentaires, qui constituent une bonne partie des dépenses des ménages a augmenté de 0,7%. Seul le prix du carburant a marqué une légère détente en lien avec la baisse historique des cours à l'international. Par produit, les hausses des prix de l'alimentaire observées entre mars et avril concernent principalement les poissons et fruits de mer (+10,2%), les fruits (+5,8%), le lait, fromage et œufs (+0,3%), les boissons non alcoolisées (+0,2%) et les huiles et graisses (+0,1%). Seuls prix des viandes et des légumes se sont détendues très légèrement (environ -1,2% de leurs prix). Comparées au mois d'avril de l'année précédente, les données recueillies par le HCP montrent que l'indice des prix à la consommation a enregistré une hausse de 0,9%, conséquence de la hausse de l'indice des produits alimentaires de 2,7% et de la baisse de celui des produits non alimentaires de 0,3%. Pour les produits non alimentaires, les variations vont d'une baisse de 6,3% dans le transport à une hausse de 3,2% dans l'enseignement. Pour le mois de mai, à défaut des données officielles du HCP, tout laisse croire que l'indice des prix marquera une nouvelle hausse par rapport à avril et à la même période de 2019. Pour le reste de l'année, la tendance haussière devrait être maintenue. A en croire les prévisions d'Abdellatif Jouahri, wali de Bank Al-Maghrib, lors du conseil de la banque tenu le 16 juin, la composante sous-jacente de l'inflation, mesurant la tendance fondamentale des prix, devrait passer de 0,5% à 0,8% en 2020 et revenir à 0,7% en 2021. Si les Marocains devront se serrer la ceinture face au renchérissement des prix des produits achetés au quotidien, la hausse modérée de l'indice des prix est un fait sain pour l'économie, à en croire les experts du Centre marocain de conjoncture (CMC). Selon eux, un taux d'inflation oscillant autour de 0% inquiète à plus d'un titre. Si la tendance à la baisse de l'inflation se prolonge sur une longue période, elle fait craindre un mouvement de fond déflationniste qui peut avoir des retombées néfastes sur la dynamique économique. Un taux d'inflation faible suppose une demande faible et, par voie de conséquence, une faible production. Sur le terrain, plusieurs opérateurs, notamment des commerçants de gros et des semi-grossistes de produits de grande consommation sondés par La Vie éco, rapportent des hausses comprises entre 5% et 40% des prix pratiqués au début de l'année. L'ampleur de la hausse rapportée par les vendeurs est plus grande que ce qui est relaté par les indicateurs officiels, notamment l'indice des prix. Deux constats expliquent cette différence. D'un côté, l'IPC de ces derniers mois n'a pas été calculé en tenant compte de tous les prix en raison de l'état d'urgence sanitaire. Et d'un autre côté, pour longtemps le ressenti des ménages et le vécu sur le terrain sont souvent en léger déphasage avec les conclusions basées sur les chiffres et les statistiques publiques. Plusieurs économistes ne cessent de se demander si le taux d'inflation, tel qu'il est calculé aujourd'hui, donne une vraie idée de la réalité des prix. Néanmoins, toutes ces tensions sur les prix, notamment de produits de grande consommation, se ressentent chez les populations dans les enquêtes de terrain et les sondages. Au premier trimestre, près de 83% des ménages déclarent que les prix des produits alimentaires ont augmenté au cours des 12 derniers mois contre une proportion minime (0,1%) qui ressent leur diminution, selon la dernière enquête du HCP sur le pouvoir d'achat des ménages. Le solde d'opinion est ainsi resté négatif, à moins 82,8 points, après avoir été de moins 85,1 points le trimestre précédent. Sur les 12 prochains mois, les prix des produits alimentaires devraient continuer à augmenter selon 82,8% des ménages contre 0,2% seulement qui s'attendent à leur baisse. Le solde d'opinion est ainsi resté négatif, se situant à moins 82,6 contre 87,5 une année passée. A peine 62,7% des ménages estiment couvrir leurs besoins par leurs revenus. Pire, plus du tiers des ménages déclarent une dégradation de leurs finances sur les 12 derniers mois, et moins de 10% perçoivent une stabilisation. Sur ces bases, la conjoncture est perçue peu favorable à l'achat de biens durables. Plus de la moitié des ménages considère que la conjoncture n'est pas favorable à investir dans des biens de ce type.