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Offrez-vous l'ascension du Toubkal en 3 jours !
Publié dans La Vie éco le 24 - 06 - 2005

Son rang de plus haut sommet de l'Atlas fut établi en 1922 à
la faveur de la création de la Section du Haut-Atlas marocain du CAF.
Le tourisme de montagne a transformé la région. Des dizaines de
projets ont vu le jour (pont, eau potable, dispensaire, four…).
En l'absence de conseil et de soutien, les montagnards bricolent seuls leur
développement, avec les risques que cela implique sur l'environnement.
Fouler le sommet du Djebel Toubkal,«Adrar n'Dern», comme on l'appelle dans la région, la plus haute montagne du Haut Atlas et de toute l'Afrique du Nord, fait rêver les randonneurs pédestres et les férus de haute altitude. Mais quand ce rêve devient réalité, à l'orgueil d'avoir escaladé, à pied, ce point culminant, s'ajoute la joie de contempler à perte de vue les vastes prairies environnantes. Mais aussi le massif du Siroua et la barrière de granit sombre du Haouz de Marrakech qui voile une autre immensité non moins éblouissante : les dunes dorées du désert.
Le faîte du Toubkal n'est pas inaccessible. Il suffit, pour les citadins que nous sommes, de s'arracher le temps d'un week-end aux mille et une contraintes de la ville et à son stress, pour se diriger vers le Sud, là où se dressent ces montagnes magnifiques. Pour les écouter car, comme le désert, la montagne a son langage : elle parle et chante. La meilleure saison pour le faire va de mai à septembre. Le reste de l'année, le Haut Atlas se couvre de neige, pour le plus grand bonheur des amateurs de ski. Et ils sont plus nombreux à s'y rendre que les randonneurs de la saison sèche, nous signalent les habitants, les guides et les muletiers que nous avons rencontrés lors de notre excursion.
Premières escalades, par des Anglais, en 1881
Mais comment atteindre l'Adrar n'Dern ? Le chemin n'est pas tout à fait balisé pour ceux qui ne font pas de marche. Mais pour les habitués du sport pédestre, il n'est pas si escarpé. Le sommet est à 60 kilomètres de Marrakech. La route bitumée, celle de Tahanaout, mène jusqu'au village d'Imlil (à 17 km d'Asni). Elle peut être parcourue en l'espace d'une heure à partir de la ville ocre. Imlil, passage obligé, est la dernière agglomération, au-delà de laquelle il n'y a plus que des sentiers, creusés au fil des siècles par les sabots des mulets et les pieds des hommes du pays, de purs Imazighen.
L'ascension touristique du Toubkal a une histoire, qui mérite d'être racontée. Les premières escalades, en 1881, furent le fait de randonneurs Anglais. Mais son rang de «plus haut sommet du Haut-Atlas», avec 4 167 mètres, ne fut établi qu'en 1922, à la faveur de la création, par une équipe d'alpinistes français, de la «section du Haut-Atlas marocain du CAF». Cela dit, les explorations, aussi bien par des touristes européens que par les habitants du massif, ne datent pas de cette période. C'est ainsi qu'en 1923, lorsque le sommet fut gravi par le marquis de Segonzac(*), Vincent Berger et Hubert Dolbeau, au prix d'«une ascension méritoire, harassante et d'un interminable et épuisant effort…», peut-on lire dans la revue Montagnes marocaines, éditée par le CAF de Casablanca, les alpinistes découvrirent «au sommet un énorme nid d'aigle, édifié de la main de l'homme, en grosses pierres noires. Cette aire est dédiée par les chleuhs à Sidi Chamharouch», marabout célèbre dans la région.
Mais revenons à ce mois de juin 2005 : nous laissons la voiture au parking d'Imlil et partons à la conquête du sommet du Toubkal, accompagnés par le guide Ba Houssin. Quinquagénaire trapu, il s'est converti au travail de guide touristique il y a à peine cinq ans, à la faveur du développement accéléré, dans la région, du tourisme de montagne. Avant cela, toute sa vie, Ba Houssine l'a passée comme berger sur les montagnes. Après moins d'une heure de marche, nous sommes à Armed, à 2000 m d'altitude (voir carte ci-après), douar de 2 000 âmes aux chaumières construites à flanc de colline, qui s'est transformé ces dix dernières années en village palpitant de vie. Et pour cause : il a l'insigne privilège d'être la dernière agglomération que traversent les randonneurs sur le sentier conduisant au sommet. Nombreux sont ceux qui y passent la nuit. Où ? Dans des maisons transformées en gîtes d'étapes. Les randonneurs apprécient, le temps d'une nuit, la beauté de la vallée et les plats berbères, tajine ou couscous, selon les goûts de l'hôte. Lahsen, qui nous accueille dans son gîte de pierre et de terre, se démène pour nous mettre à l'aise. Il sait que le tourisme de montagne est une manne pour le village, sur laquelle tous les habitants d'Armed, et ceux des douars avoisinants, doivent veiller. Les autres ressources ? L'agriculture, essentiellement des cerisiers, pommiers et noyers, et l'élevage. Dérisoires, comparé à ce que rapporte le tourisme, d'autant qu'elles subissent les aléas d'un climat ingrat, entre sécheresse et inondations.
Cinq heures de marche vers le refuge
Le tourisme a métamorphosé Armed : jusqu'en 1994, il n'y avait ni eau courante ni électricité ni école ni dispensaire. Aujourd'hui, il y a tout cela et même des antennes paraboliques sur les toits des chaumières et la toile pour naviguer. Le téléphone portable devient indispensable pour les habitants dans leurs nouveaux métiers de muletiers, de guides et de «maîtres d'hôtel», pour enregistrer les commandes des agences nationales et internationales. Les habitants de ce douar n'ont pas attendu l'Etat pour s'équiper de ces infrastructures : chaque douar (cinq dans la région) a son association de développement, et Armed a constitué la sienne en 1994. Avant même celle-ci, des relations intenses se sont développées entre des marcheurs français du CAF et les habitants du village à travers l'association Migration et développement, installée des deux côtés de la Méditerranée, à Marseille et au Maroc. Depuis, des dizaines de projets ont vu le jour. Le secrétaire général de l'association de développement d'Armed, Larbi Id Mansour, en a évoqué quelques-uns : une maison pour les instituteurs de l'école primaire du village, un pont entre Imlil et Armed pour contourner les inondations et faciliter les déplacements des marcheurs. Distribution d'eau potable avec compteurs à partir d'un château d'eau relié à une source dans la montagne, un bain maure, un four, un dispensaire, une mosquée…
Mais ces transformations ne risquent-elles pas de défigurer la région ? La question a été posée il y a deux ans à Mohammed Mahdi, professeur de sociologie rurale à l'Ecole nationale d'agriculture de Meknès, auteur de Pasteurs de l'Atlas, dans le numéro 11 de la revue Montagnes marocaines. Il donne cette réponse, en se référant justement au douar d'Armed. «J'ai connu cette région dans les années quatre-vingt et je peux me rendre compte du chemin parcouru par ces populations, de l'amélioration de leurs revenus, des conditions de vie, en termes d'habitat, d'électrification, d'eau potable à usage domestique. Toutes ces facilités agissent positivement sur la condition de la femme à qui incombait la corvée de l'eau et du ramassage du bois de chauffe. Dans cette "révolution", l'effet du tourisme a été déterminant. L'électricité nécessite des poteaux qui dénaturent le paysage. Le confort du logement réclame des matériaux qui modifient le paysage architectural. Le désenclavement appelle la route bitumée qui enlève à la montagne son pittoresque, etc. Mais en l'absence de conseil, d'orientation et de soutien, les montagnards continueront seuls à bricoler leur propre développement.»
Le lendemain, 8 heures. On quitte Armed pour se diriger vers le refuge du Toubkal, au pied de la montagne, dernière escale avant l'ascension. Cinq heures de marche entrecoupées d'arrêts pour reprendre son souffle. L'un d'entre eux est incontournable : à deux heures et demie de marche d'Armed vers le refuge, juste après un pont, Sidi Chamharouch (2 310 m) est un marabout dont la construction remonte au début des années 1960. Mais que dit la légende sur ce personnage mythique ? L'histoire du marabout, comme nous allons l'apprendre, est étroitement liée à une source située près du pont. Les habitants des trois villages voisins dans la vallée, Armed, Mzik et Imlil, y viennent faire trempette pour se défaire des maux qui les habitent : l'impuissance sexuelle entre autres, et, surtout, la folie. La légende en fait le roi des génies, avec cette particularité que ses dons ne produisent leur effet que le jeudi. Ce saint avait, dit-on, l'apparence d'un chien noir le jour et celle d'un être humain la nuit. Les trois villages précités devront, à tour de rôle, offrir une vache noire, sacrifiée à l'occasion du moussem, célébré au mois d'août à Armed, marquant la fin du cycle agricole.
Dans les échoppes, les randonneurs font leurs emplettes: de l'eau, des biscuits et du chocolat, pour l'énergie. Boire, le cas échéant, un verre de thé offert dans ces boutiques aux passants. Reprise de la marche, après cet arrêt, pour une durée de deux heures et demie encore. Jusqu'à ce que la bâtisse du refuge Toubkal se profile au loin, au pied de la montagne. On aperçoit, tout autour, des dizaines de tentes canadiennes et de bivouacs. La fatigue commence à gagner les membres et l'on ressent une seule envie : prendre une douche et s'allonger. Dans l'attente de l'ascension du lendemain, la grande. Le gardien du refuge, Aït El Kadi, qui y officie depuis quatorze ans, nous accueille avec du thé chaud car il sait que nous sommes épuisés.
Dimanche 12 juin. Réveil à 5 heures. Ba Houssine, notre guide, nous a conseillé d'entamer l'escalade à six heures du matin au plus tard, pour être au sommet à neuf heures. Parce qu'à cette heure, il fait encore frais, dit-il. Mais aussi pour éviter les orages de montagne qui éclatent habituellement en début d'après-midi. A 8h30, toujours guidés par notre vaillant éclaireur qui connaît comme sa poche le sentier à suivre (une pente souvent raide où persistent, par endroits, des plaques de neige), nous atteignons le sommet. Quelle joie! nos pieds sont raidis par l'effort mais la beauté du ciel au-dessus de nos têtes, à toucher de la main, et de l'éclatant soleil matinal éblouissant nos yeux, nous fait oublier l'épreuve. Il fait très froid. En bas, à perte de vue, c'est l'immensité du paysage montagnard, des contreforts sombres et des prairies à peine visibles à l'œil nu. Après quelques instants, nous amorçons la descente, qui durera presque deux heures. De nouveau, le refuge, le thé, l'envie de s'allonger. Retour, le même jour, à Armed. A dos de mulet si les pieds du voyageur ne peuvent plus le supporter. Imlil ensuite, puis retour le soir à Marrakech. Un périple de trois jours. N'avions-nous pas dit que le sommet de Toubkal est à portée de la main ?
Le refuge du Toubkal date de 1938
L'histoire de ce refuge est étroitement liée au développement du tourisme de montagne dans la région. Se doter d'une base au pied du versant nord du Toubkal où se reposer avant d'entamer l'ascension devient une nécessité. D'où sa construction en 1938 au pied de l'Ighibi-sud, à 3 207 m d'altitude. Il s'appelait d'abord refuge Louis Neltner, du nom du brillant géologue et alpiniste français, chargé à l'époque de dresser les cartes des massifs marocains. Il n'avait que 17 couchettes. Insuffisant pour héberger les touristes de montagne, surtout suisses et français, de plus en plus nombreux à partir de 1950, le refuge se dote d'une annexe de 12 lits supplémentaires. La réputation des montagnes du Haut-Atlas s'étend. En plus des Européens, Australiens, Américains y sont attirés.
De 1978 à 1998, la fréquentation passe de 2 000 nuitées à 5 000. Mais ce n'est qu'en 1987, quand la section du CAF de Casablanca est devenue, après la Seconde Guerre mondiale, gestionnaire des hébergements implantés au Maroc, qu'on lui a donné sa dénomination actuelle : Refuge du Toubkal. Il fut restructuré en 1997, et, le 22 novembre 1999, ouvert au public tel qu'il se présente aujourd'hui
Dans l'Atlas, communauté et espace s'enchevêtrent
«L'Atlas chante car ses montagnes sont humanisées. Où que vous allez, vous rencontrez les empreintes des hommes. Si bonheur il y a, c'est que les montagnards vivent en parfaite adéquation avec leur montagne, comme d'ailleurs les nomades avec leur steppe. Prenons l'exemple de ces terrasses qui descendent en cascade jusqu'au torrent et qui offrent un paysage éblouissant : elles sont le fruit d'un labeur accumulé sur plusieurs générations. C'est la seule technique pour dompter la pente et lui arracher quelques mètres cultivables.
Maintenant si vous vous amusez à suivre les rigoles qui les alimentent en eau d'irrigation, vous découvrirez que chaque parcelle porte un nom, appartient à un ou plusieurs propriétaires, que les parcelles sont organisées en quartiers et que ces quartiers se réfèrent à des familles et à des lignages. De cette façon, l'espace et la communauté forment un tout enchevêtré. C'est en quelque sorte la communauté qui se projette dans l'espace. Si vous insistez et patientez, votre balade guidée vous fera découvrir une partie de la structure et de l'histoire de cette communauté. Vous pouvez dire la même chose de l'architecture des maisons, la structure des villages et des hameaux, la toponymie des lieux. En montagne l'espace vous parle. Il faut juste s'efforcer de l'écouter.» n
Mohammed Mahdi, professeur de sociologie rurale à l'Ecole nationale d'agriculture de Meknès. In : Montagnes marocaines, N° 11, 2003.


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