Les analystes tablent sur une performance comprise entre 35 et 45% au terme de 2006. Pourquoi la hausse se maintiendra : les éléments explicatifs de la prévision. Découvrez les valeurs qui présentent encore un potentiel de progression. Si on voulait décrire en un mot l'évolution du marché boursier marocain au cours de cette année, ce serait «frénésie». La place casablancaise n'a jamais connu pareil enthousiasme, aussi bien de la part des investisseurs que des chefs d'entreprise, à travers les multiples introductions en Bourse. Cet engouement s'est traduit par une évolution spectaculaire des indices et des cours de la plupart des valeurs cotées. Le Masi et le Madex ont atteint des performances annuelles respectives de 48,78% et 53,30% au 30 octobre 2006, après avoir frôlé la barre des 60% en cours d'année. Et parmi les 58 sociétés cotées, les cours de 41 ont enregistré des variations positives. 32 affichent des performances annuelles supérieures à 20% et 14 ont même dépassé les 60%. Mais, comme tout marché à risque, la Bourse peut plonger à n'importe quel moment. A deux mois de la fin de l'année, donc, les interrogations se multiplient avec d'autant plus d'acuité que 2006 semble être un excellent cru : avec quelle performance la Bourse de Casablanca clôturera-t-elle l'année 2006 ? Quelles sont les valeurs qui cachent encore du potentiel de croissance et quelles sont celles qui ont déjà épuisé leur marge ? Prédire la performance future de la Bourse est un exercice difficile pour les professionnels du marché financier. Plusieurs indicateurs permettent toutefois de faire une estimation de la performance proche de la réalité. En cours d'année, quelques sociétés de Bourse avaient pronostiqué une performance annuelle de 30 à 40% pour la place casablancaise. Mais, à l'approche de la fin de l'année, et avec les données actuelles du marché, analystes et traders ont dû revoir leurs prévisions à la hausse en tablant désormais sur une évolution annuelle de la Bourse comprise plutôt entre 35 et 45%. Les prévisions de ces professionnels se basent sur plusieurs facteurs. Le premier, qui est partagé par toute la communauté financière, est celui du retour des investisseurs sur le marché boursier casablancais. Qu'ils soient institutionnels ou particuliers, locaux ou étrangers, «ils n'ont jamais porté un aussi grand intérêt à la Bourse de Casablanca». Cet intérêt, qui se matérialise par une surliquidité importante, a eu un effet démesuré sur la performance du marché suite à l'insuffisance de titres cotés. Raisons de l'attrait de la place marocaine, selon les acteurs du marché : des taux de rendement attractif et des fondamentaux plus intéressants que ceux des autres pays de la région MENA (Middle East and North Africa) qui ont attiré des investisseurs étrangers. Autre facteur positif, le marché obligataire enregistre une baisse inhabituelle des rendements, ce qui a permis au marché action d'attirer une bonne partie de la demande des investisseurs institutionnels. Et, dernier élément, une forte participation des personnes physiques qui a été démontrée à travers les dernières introductions en Bourse pour lesquelles le nombre de personnes physiques ayant souscrit était très élevé. Selon les professionnels du marché, cette situation ne risque pas de changer d'ici la fin de l'année. Autre élément qui a dopé l'engouement pour le marché des actions : les résultats des sociétés cotées. Ces dernières ont en effet publié au 31 mars 2006 des résultats satisfaisants au titre de l'année 2005, ce qui a alimenté la confiance des investisseurs vis-à -vis du marché. Six mois plus tard, le 30 septembre 2006, les réalisations semestrielles des sociétés ont confirmé leur bonne santé. Selon quelques analystes et traders, le bon effet des publications persiste sur le marché. Toutefois, ajoutent-ils, cela peut donner lieu à des spéculations par rapport aux résultats 2006 des sociétés cotées, ce qui pourra créer des tensions et donner lieu à des corrections de temps à autre. Cela dit, les corrections ont déjà commencé, souligne-t-on, sauf qu'elles sont dues, cette fois-ci, aux mouvements de prise de bénéfice. En effet, plusieurs valeurs de la cote ont beaucoup pris depuis le début de l'année. Ceci peut mener les investisseurs à vouloir récupérer leurs plus-values. Mais selon les acteurs du marché, trois éléments peuvent atténuer l'effet des prises de bénéfice et des spéculations sur les résultats. Tout d'abord, il y a les introductions en Bourse qui vont intervenir avant la fin de l'année. Les initiés parlent de quatre sociétés qui entreront en Bourse d'ici le 31 décembre. Ils ajoutent que ces opérations animeront le marché et pourront même le redresser si, d'ici là , il s'inscrit en baisse. Ensuite, il y a les traditionnels mouvements d'allers-retours de fin d'année réalisés par les investisseurs institutionnels (compagnies d'assurance en l'occurrence) afin de revaloriser leurs portefeuilles actions. Ces mouvements animent normalement le marché et le tirent vers le haut. Enfin, il y a ce que les analystes contactés appellent «phénomène Addoha». En effet, cette valeur, depuis son entrée dans la cote officielle, anime particulièrement le marché (voir tableau). Presque à chaque séance, elle domine les transactions et son cours est inscrit à la hausse depuis son introduction en juillet dernier. Selon les acteurs du marché, ce phénomène persistera vu l'intérêt grandissant des investisseurs pour le titre. Banques, télécoms…, les valeurs qui continueront à progresser Si les prévisions sur la tendance générale du marché d'ici la fin d'année sont favorables, ceci ne veut pas dire que toutes les valeurs du marché continueront à progresser, d'autant plus que certaines ont beaucoup pris jusqu'à maintenant. Un premier constat : l'engouement des investisseurs, conjugué au manque de papier sur le marché, a conduit à une progression significative de toutes les valeurs, parfois indépendamment de leurs fondamentaux. Résultat : des valeurs ont épuisé leur potentiel de croissance selon les analystes financiers et d'autres l'ont même dépassé. C'est surtout le cas des quelques grosses capitalisations (les valeurs du Madex) sur lesquelles la demande au cours de cette année a été importante. Cela dit, il reste encore des valeurs qui, selon les analystes et traders du marché, auront encore du potentiel de croissance d'ici la fin de l'année. Il s'agit notamment de certaines valeurs du secteur bancaire, les télécoms, les sociétés de financement, les matériaux de construction, les mines ou encore l'immobilier. En effet, les banques comme Attijariwafa bank, la BCP, le CIH et la BMCI ont été toutes recommandées par l'ensemble des professionnels contactés. Le secteur bancaire connaà®t effectivement un développement important, offrant une rentabilité assurée et des perspectives d'avenir matérialisées par leur recherche de développement régional. Les résultats de ces banques ont été plus que satisfaisants au titre du premier semestre 2006 et le niveau de réalisation de leurs objectifs stratégiques est très satisfaisant. Ce dernier élément, il faut le rappeler, est particulièrement prisé par les investisseurs à long terme. Avec leurs niveaux de cours au 30 octobre 2006, les banques présentent encore du potentiel de croissance d'ici la fin de l'année ou vont au moins se stabiliser à ces niveaux-là . Les recommandations des analystes et des traders sont soit de conserver soit d'acheter pour la majorité des banques cotées. Concernant les télécoms, l'opérateur historique est considéré par les acteurs du marché comme une valeur qui cache encore du potentiel de croissance vu son niveau de cours actuel (128 DH) et sa valeur cible qui est, selon les analystes, proche de 150 DH. Du côté des sociétés de financement, les professionnels du marché parlent surtout de la valeur Eqdom qui, elle, présente une liquidité supérieure à celles de ses confrères de la cote. La société repose en effet sur des fondamentaux solides et en continuelle amélioration. Les analystes la recommandaient à l'achat jusqu'à un niveau de cours proche de 1 700 DH. Pour les matériaux de construction, les analystes et traders contactés recommandent la valeur Sonasid pour la conservation ou l'achat. Son cours au 30 octobre était inférieur au cours cible des analystes (1950 DH). La société profite de la dynamique du marché du BTP et de son récent adossement au groupe mondial Arcelor-Mittal. Autre secteur recelant du potentiel de croissance : les mines. Managem et la SMI ont profité cette année de l'appréciation des prix de vente des principaux métaux ainsi que de l'accroissement des volumes vendus, et ont fait des efforts de restructuration de leur portefeuille de couverture. Avec de bons indicateurs économiques et financiers, les analystes les recommandent à l'achat, vu leurs niveaux de cours au dessous de leurs valorisations théoriques. Enfin, la société qui a beaucoup fait parler d'elle depuis son introduction, Addoha, fait actuellement l'objet de recommandations contrastées. Selon les propos d'un trader de la place, la valeur a «trop pris, trop rapidement». Elle était à 1 535 DH au 30 octobre, soit une performance, depuis le 6 juillet, de plus de 117%. Certes, la société est en bonne santé économique et financière, mais l'évolution fulgurante de son cours en Bourse suscite quelques craintes. En réalité, la prudence doit être de mise pour toutes les valeurs. Les professionnels du marché ne manquent pas de le conseiller au public, tout en précisant que le marché reste propice pour effectuer des opérations durant cette fin d'année. Ils rappellent qu'on doit aussi s'intéresser aux petites capitalisations, lesquelles n'ont pas trop pris comme les grosses et peuvent présenter de véritables opportunités de gain. conseils Prudence sur les cimentières, les holdings et l'agroalimentaire La frénésie sur le marché boursier casablancais a concerné une multitude de valeurs. Ce phénomène a tiré le cours de certaines sociétés vers des niveaux qui ne sont pas justifiés économiquement, ce qui crée un risque de retournement de situation si la demande persiste sur les titres de ces sociétés. C'est le cas, par exemple, des cimenteries cotées que plusieurs analystes et traders jugent surévaluées et pour lesquelles ils recommandent donc la prudence, voire l'allégement de leur pondération dans les portefeuilles. Certes le contexte actuel du secteur du BTP est très favorable, mais les niveaux de cours actuels de Lafarge, Holcim et Cimar (respectivement 4 300, 2 000 et 2 249 DH au 30 octobre) sont bien supérieurs aux valorisations auxquelles ont abouti quelques sociétés de Bourse (à titre d'exemple, celles d'Attijari intermédiation : 2 620, 1 500 et 1 450 DH). D'autres valeurs font l'objet de recommandations à la prudence ou à la vente de la part des analystes et traders de la place. Il s'agit notamment des holdings. Ces professionnels jugent qu'ils ont atteint leur plein potentiel de croissance vu leurs niveaux actuels de cours. Il y a également les valeurs de l'agroalimentaire, secteur qui ne peut pas prétendre à la bonne santé actuellement, ce qui n'est pas reflété au niveau des cours des sociétés cotées.