Ils représentent plus de 20% du PNB des banques. Pour le même service, le prix peut être différent d'une banque à l'autre. A qualité de service égale, choisissez la banque la moins chère pour vos opérations courantes. La transparence fait souvent défaut. De plus en plus de commissions, de plus en plus de frais. Depuis 1998, année au cours de laquelle la tarification des différentes opérations bancaires a été libéralisée, les banques engrangent de substantiels revenus au titre de leurs prestations. En 2004, les frais et commissions leur auront rapporté quelque 3,5 milliards de DH, soit 21,4% de leur PNB. Quatre ans auparavant, ce ratio n'était que de 16%. Une tendance naturelle qui a accompagné la baisse des taux d'intérêt, affirme-t-on chez les banquiers, alors qu'avec la libéralisation Bank Al-Maghrib (BAM) espérait créer une dynamique concurrentielle qui, en théorie, ne pouvait qu'être bénéfique au client final. Aujourd'hui, soit plus de six ans après, on constate que les frais et commissions «n'ont pas connu de baisse palpable». Même si les commissions sur certaines opérations ont considérablement baissé, cela a été compensé par le renchérissement d'autres prestations. A cela s'ajoute le fait que certains services, gratuits auparavant, sont devenus payants. La direction de la supervision bancaire de BAM explique que, «dans l'ensemble, les frais et commissions appliqués aux particuliers sont restés stables, contrairement à ceux appliqués aux entreprises, qui, eux, ont connu des baisses significatives». Plus significatif, la libéralisation des tarifs appliqués aux particuliers a créé une confusion étant donné les différences de prix, parfois importantes, d'une banque à l'autre concernant le même service. On invoque la notion de package multiservice pour expliquer les différences Comment s'expliquent ces différences ? Qu'est-ce qui fait, par exemple, que les frais de tenue de compte soient de 45 dirhams à la Société Générale alors qu'ils ne dépassent pas 25 dirhams à la Banque Populaire ? La première explication à laquelle on pense pour justifier ce gap est la qualité de service. Mais, en interrogeant les responsables de certaines banques de la place, d'autres éléments apparaissent. A la Société Générale, par exemple, on affirme que le niveau élevé de certains tarifs et commissions ne doit pas être comparé à celui des autres banques sans tenir compte de la notion de «services associés». La banque explique à titre indicatif qu'en facturant des frais de tenue de compte à 45 dirhams par trimestre (les plus élevés de la place), elle donne accès à ses clients à plusieurs autres services non facturés, tels que la délivrance de chéquiers(*), les remises de chèques à l'encaissement et l'abonnement aux services de banque par téléphone. Pour la Banque centrale populaire (BCP), ce n'est pas une question de qualité de service, mais plutôt de stratégie commerciale. Le chef de la division marketing et animation commerciale de la BCP, Laidi El Wardi, explique à ce titre que les services rendus aux particuliers sont en phase avec la qualité observée dans le secteur bancaire au Maroc, tout en ayant des tarifs compétitifs. Il ajoute aussi que les frais et commissions appliqués aux particuliers sont loin de constituer la première source de profit des banques. Pour M. El Wardi, les banques ne devraient en principe facturer au client que le coût de revient du service, entre autres pour encourager la bancarisation. Les éléments qui influent sur les tarifs Si, pour le lien entre tarifs et qualité de service, les avis restent partagés, les responsables concernés par la tarification des opérations bancaires aux particuliers de toutes les banques s'accordent sur d'autres éléments qui entrent en jeu pour la détermination des frais et commissions. Il s'agit notamment de quatre composantes qui sont le coût de revient de l'opération, la réglementation, la valeur ajoutée pour le client et la stratégie commerciale de chaque banque. Pour le premier élément, il est question de déterminer l'ensemble des coûts induits par une opération donnée, ce qui constitue une tâche très difficile, selon les responsables contactés. L'un d'eux explique que «plus de 80% des charges liées à une opération bancaire sont des charges indirectes, ce qui rend la détermination du prix de revient difficile voire, parfois, arbitraire». Et d'ajouter que le prix de revient d'une opération est fortement lié à son degré d'automatisation. Ainsi, plus une tâche est automatisée, plus son coût est bas. Quant à la réglementation, même si BAM, du fait de la libéralisation, n'a plus le droit de fixer le niveau des différents frais et commissions, elle intervient toujours, mais de manière indirecte. Ainsi, chaque année, la banque centrale réalise des benchmarks pour chaque service, en se basant sur les reportings annuels effectués par toutes les banques. Ceci permet à la Banque centrale d'établir chaque année des prix moyens pour l'ensemble des services, de les communiquer aux banques et, de ce fait, de mesurer les différences et éventuellement d'attirer l'attention des banques adoptant des prix plus élevés que la moyenne. Pourtant, et malgré ces comparatifs réalisés chaque année par BAM, on se retrouve aujourd'hui avec des différences de tarifs parfois étonnantes. Sinon, comment expliquer que l'encaissement d'un chèque soit facturé à 10 DH dans une banque alors qu'il est gratuit dans une autre ? Est-ce à dire que dans ce dernier cas le coût de revient est nul ? Idem pour un retrait par chèque de guichet, facturé à 20 dirhams à la Société Générale et offert gracieusement par la BMCI ou le Crédit du Maroc. Services bancaires de base gratuits pour bientôt ? Ceci nous amène donc à considérer les deux derniers éléments qui influent sur la détermination des frais et des commissions, à savoir la valeur ajoutée du service pour le client et la stratégie commerciale de chaque banque. Ces deux points peuvent expliquer, en grande partie, les différences qui existent entre les banques en matière de tarification, car l'évaluation de la valeur ajoutée d'un service pour le client et la stratégie commerciale diffèrent d'une banque à l'autre. Si certaines d'entre elles expliquent que les services à forte valeur ajoutée pour les clients sont facturés de manière allégée, d'autres ont décidé le contraire. Idem pour les stratégies commerciales. Si telle banque baisse ses tarifs pour attirer plus de clients et profiter de l'effet de masse tout en encourageant la bancarisation de la population, telle autre pratiquera, au contraire, des tarifs élevés pour mieux sélectionner ses clients. Mais ce qui intéresse sans doute le plus le particulier, c'est de connaà®tre la ou les banques qui pratiquent les tarifs les moins chers de la place. Cela n'est malheureusement pas possible, car une banque peut appliquer le tarif le plus élevé de la place pour un service mais en proposer d'autres gratuitement. Ce que vous pouvez faire, en revanche, c'est comparer, à qualité de service égale, les tarifs des services que vous utilisez le plus souvent. Sachez par ailleurs qu'une commission regroupant toutes les banques commerciales de la place ainsi que BAM travaille actuellement entre autres sur l'harmonisation des opérations bancaires en termes d'appellation et de classification. Cette commission est également en train de négocier avec les banques la gratuité d'un certain nombre de services de base pour les particuliers. Voilà qui ne fera certainement pas le bonheur des banquiers tant la question des commissions est encore taboue. La preuve, certaines d'entre elles, et non des moindres, n'ont pas daigné nous communiquer la liste de leurs tarifs. De là à leur demander de les revoir… Réglementation L'affichage obligatoire des tarifs n'est pas toujours respecté La libéralisation de la tarification des opérations bancaires a fait l'objet d'une circulaire de BAM établie en 1998. Ce même document a rendu obligatoire l'affichage des tarifs dans toutes les agences bancaires. Ceci n'est malheureusement pas respecté par toutes les banques jusqu'à ce jour. Plusieurs organismes n'affichent nulle part leurs tarifs. D'autres le font uniquement dans certaines agences et, souvent, les panneaux d'affichage sont cachés ou difficilement lisibles. Ce constat que nous avons fait en préparant cet article a été confirmé par BAM. La direction de la supervision bancaire a en effet mené une enquête sur le terrain, il y a deux mois, et les enquêteurs ont relevé les mêmes anomalies. Et quand les banques ne respectant pas cette obligation ont été interpellées à ce sujet, elles ont évoqué plusieurs raisons : actualisation des tarifs (qui dure depuis des années), confidentialité de cette information (censée être publique)Â... Ce sont d'ailleurs là les raisons pour lesquelles nous n'avons pu fournir les tarifs de certaines banques dans le tableau ci-après. Expériences étrangères En France, les conventions de compte permettent d'être informé En France, les frais et commissions bancaires connaissent le même phénomène qu'au Maroc, c'est-à -dire que les tarifs, pour un même service, peuvent afficher des différences énormes d'une banque à l'autre. Avant le mois de mai 2003, la relation client/banque manquait en outre de transparence. Depuis cette date, une loi a été adoptée pour régir cette relation. Il s'agit de la loi Murcef (Mesures urgentes à caractère économique et financier) qui prévoit que le titulaire d'un compte bancaire a la possibilité de demander à sa banque une convention de compte. Sur celle-ci figure l'ensemble des tarifs auxquels il est soumis (agios, découvert autorisé, date de valeurÂ...). La demande d'une convention de compte est gratuite et ne peut être refusée. Et toute modification la concernant doit être notifiée avec un préavis de trois mois. Au Maroc, on est encore loin de cela, mais quelques organismes, notamment la Société Générale, essayent d'aller au-delà de la loi. Ces banques commenceront prochainement à envoyer la grille de leurs tarifs à l'ensemble de leurs clients, nouveaux et anciens, et à leur envoyer des mises à jour chaque fois que des changements seront apportés aux tarifs.