Sur la cinquantaine de titres cotés, vingt génèrent moins de 2% de l'activité boursière. Certains titres sont introuvables en raison de la faible part du capital proposée à la cotation. D'autres titres sont illiquides en raison de la mauvaise performance des sociétés cotées. La Bourse de Casablanca est composée de plus d'une cinquantaine de sociétés cotées réparties sur une dizaine de secteurs. De plus, l'investisseur peut choisir entre actions et obligations puisque des dizaines d'emprunts ont été introduits sur le compartiment obligataire de la place casablancaise. A voir ces chiffres, on serait tenté de croire que l'épargnant peut faire son choix d'investissement parmi une palette assez large d'instruments présentant forcément des caractéristiques qui correspondent à tous les profils. La réalité doit être malheureusement considérablement nuancée. Pensez-vous en effet qu'en investissant en Bourse vous aurez à choisir entre les titres de cinquante sociétés, ou encore que vous aurez à arbitrer entre actions et obligation ? Lors d'une séance type à la Bourse de Casablanca, seulement 20 à 30 sociétés traitent. Ce sont généralement les mêmes, et qui font le plus souvent partie des groupes de cotation du continu et du multifixing. Les opérations sur le compartiment obligataire sont assez rares et concernent uniquement des transactions entre institutionnels. Les statistiques de l'année 2003 sont à ce titre éloquentes : 10 sociétés cotées n'atteignent même pas le nombre de jours de Bourse (séance durant laquelle on enregistre une transaction sur une valeur donnée) qui leur assurerait une moyenne d'une transaction pas semaine. 10 autres totalisent à peine 100 jours de cotation. Le volume d'affaires annuel drainé par l'ensemble de ces 20 sociétés, dont les titres peuvent être classés parmi les plus illiquides sur le marché central, dépasse à peine les 100 millions de dirhams, soit 1,6 % seulement du volume transactionnel global sur le marché central. De plus, les analystes confessent qu'une bonne partie des transactions enregistrées sur ces valeurs ne sert qu'à faire bouger artificiellement le titre et donner un semblant de vie à l'action. Autant dire que ces 20 entreprises font office de figurants sur la place. Entreprises saines et canards boiteux Les 20 entreprises en question sont certes toutes illiquides, mais on ne peut pas les mettre pour autant dans le même sac. En effet, au vu de leurs fondamentaux, on peut distinguer deux groupes parmi ces entreprises : les valeurs saines et les «canards boiteux» de la cote. Dans la première catégorie, on retrouve les entreprises qui présentent de bons fondamentaux mais qui, du fait du très faible flottant en Bourse, ont des titres très peu liquides. Balima, entreprise spécialisée dans la gestion de patrimoine immobilier, est décrite pas les analystes et les petits porteurs comme une valeur « introuvable», à peine 10 transactions en 2003. Pourtant, plusieurs petits porteurs nous ont déclaré être très intéressés par la perspective d'y investir. «Balima présente de bons fondamentaux. C'est une entreprise qui possède une bonne assise financière, de bonnes perspectives de développement et gagne de l'argent. Depuis que je suis sur le marché, je n'ai jamais réussi à mettre la main sur une seule action Balima, et ce n'est pas faute d'avoir essayé», commente un petit porteur. Les boursicoteurs ne sont pas les seuls à s'intéresser à cette valeur, puisque le tout puissant holding financier de Othman Benjelloun est aujourd'hui dans le tour de table de la société sans être convié, pour le moment, au conseil d'administration. Balima n'est cependant pas la seule entreprise qui intéresse les investisseurs mais dont les titres sont introuvables sur le marché. Selon les témoignages recueillis auprès de petits porteurs et de traders de la place, les ordres d'achat des valeurs comme Oulmes, Branoma, Acred, Crédit du Maroc et d'autres sont très difficiles à satisfaire. «Certes, les ordres d'achat sont rares, mais c'est justement parce qu'il n'y a quasiment aucun vendeur sur ces valeurs, qui intéressent pourtant certains investisseurs», témoigne un trader. Dans le lot, certains n'hésitent pas à classer la Centrale laitière qui demeure une action assez illiquide, surtout par rapport à sa taille et à la forte demande la concernant. Comment expliquer cette situation ? D'abord par la très faible dilution du capital de ces sociétés, nonobstant les chiffres communiqués sur le site web de la Bourse de Casablanca. Le flottant en Bourse dépasse d'ailleurs rarement les 10 % du capital. En outre, s'agissant d'entreprises qui communiquent très peu, à quelques exceptions près, les analystes les ignorent complètement. Les départements de recherche préfèrent consacrer leurs notes de recherche et recommandations aux sociétés qui drainent du chiffre d'affaires au niveau de l'intermédiation. Un cercle vicieux qui ne pourrait être rompu que par une stratégie plus volontariste de la part du management des sociétés en question. Et ce ne sont pas les moyens qui manquent : appel au marché pour le financement de projets de développement, amélioration de la communication financière, adoption de programmes de rachat pour réguler le cours de l'action… sont autant d'outils qui pourraient doper la liquidité et donner une seconde vie boursière à ces titres. Les professionnels n'hésitent pas par ailleurs à dénoncer le prix trop élevé de certaines actions. L'exemple le plus flagrant est sans doute celui de l'action Centrale laitière qui culmine aujourd'hui à 6 500 dirhams. «Comment voulez-vous attirer des petits porteurs avec des niveaux de cours pareils», s'interroge un analyste. La solution serait pour ces entreprises l'éclatement de leur capital en nombre plus important d'actions, et ce en réduisant la valeur nominale. D'ailleurs, il fut un temps où il était question de retoucher la loi sur la S.A pour ramener la valeur nominale minimale des actions de 100 à 5 dirhams. Une mesure qui aurait permis d'avoir des actions qui coûteraient sur le marché quelques dirhams seulement, à l'image de ce qui se passe dans les grandes Bourses internationales. «Cette démarche rebute les entreprises cotées pour une question de prestige. Certains managers croient qu'il serait dévalorisant pour leur image de marque que l'action coûte par exemple dans les 120 dirhams», ironise un professionnel. A l'opposé de ces entreprises intéressantes mais illiquides, on trouve quelques sociétés à qui le marché tourne complètement le dos et que les investisseurs boudent depuis longtemps. «Certaines entreprises ne devraient plus figurer à la cote», fait remarquer, à juste titre, ce petit porteur. Des entreprises en mauvaise posture, dont le niveau de valorisation est au plus bas et qui «ne font aucun effort pour rassurer leurs actionnaires», selon un analyste qui cite à titre d'exemple Papelera de Tetouan, Diac Equipement et Le Carton. D'aucuns s'interrogent d'ailleurs sur les raisons pour lesquelles on garde ces entreprises en Bourse alors qu'elles ne remplissent aucun des critères pour un maintien à la cote. Pourquoi la loi n'est-elle pas tout simplement appliquée ? (cf. encadré). L'équipe dirigeante de la Bourse de Casablanca compte fermement multiplier par 20 le nombre d'investisseurs physiques en 10 années. Un objectif ambitieux que l'on ne peut qu'appuyer. Il faudrait sans doute pour cela commencer par proposer aux investisseurs des titres qui soient disponibles. Illiquidité, ce que dit le Dahir sur la Bourse n Aux yeux de la loi (article 16 du Dahir sur la Bourse de Casablanca), une société cotée peut être radiée par la société gestionnaire de la Bourse de Casablanca si les critères de liquidité retenus, à savoir la moyenne quotidienne des transactions exprimée en dirhams et en titres ainsi que le nombre de jours de Bourse où les titres ont fait l'objet d'une cotation, ne sont pas jugés satisfaisants. Le non paiement des dividendes durant trois exercices peut également valoir à une société la sanction suprême de la radiation. Sur la base de ces critères, un grand nombre d'entreprises ne devrait plus encombrer la cote marocaine. Acred et le Carton totalisent respectivement un volume d'affaires de 23 769 DH sur 41 actions, et 73 800 sur 600 actions. Quant à Papelera, elle n'a pas distribué de dividendes depuis son introduction en 1998 alors que Le Carton n'a rémunéré ses actionnaires que deux fois sur les 10 dernières années. Les responsables hésitent toutefois à sévir en raison des conséquences qu'un tel nettoyage pourrait avoir sur la confiance des investisseurs et sur l'image de la place financière marocaine à l'étranger Pour les titres de 10 sociétés, le nombre de jours de Bourse annuel n'équivaut même pas à une moyenne d'une transaction par semaine ! Certaines actions sont trop chères, donc inaccessibles aux petits porteurs.