Achats d'armes massifs, intox en tous genres, Alger veut créer une situation de tension dans la région. Pourquoi ? Depuis la visite du nouveau représentant de Koffi Annan dans la région, Alger fait monter le ton d'un cran. Alvaro De Soto ayant déclaré à Alger même que «le processus était dans l'impasse», nos voisins de l'Est ont opté pour la surenchère. D'abord, l'annonce faite en grande pompe, il y a deux semaines, d'un nouveau contrat d'armement de plusieurs milliards de dollars, portant sur 80 avions et quelques autres jouets. Ce contrat est le second en 3 ans alors qu'officiellement l'Algérie ne craint aucun conflit frontalier. Contre qui s'arme l'Algérie ? La seconde opération importante relève de l'intox. Un quotidien algérien, que la presse internationale dit «proche de l'armée», a annoncé, lundi 4 octobre «la capture de 400 soldats marocains armés jusqu'aux dents dans les environs de Tindouf». L'information est bien évidemment fausse. Ce qui perturbe c'est que l'on sait qu'en Algérie, aucune information sur l'armée n'est publiée sans confirmation auprès de celle-ci. La grande muette en Algérie est non seulement une source comme les autres, mais elle a ses propres troupes de journalistes, on ne peut donc mettre l'intox sur le dos de la précipitation d'un journaliste. Il s'agit bel et bien d'une opération d'intox téléguidée. Ces deux informations sorties à quelques jours près sont à mettre dans le contexte actuel de l'affaire du Sahara. Le mémorandum de Bouteflika qualifiant le Maroc de «force occupante» a donné le la. La réponse marocaine, mettant à l'index l'Algérie et son rôle depuis 1973 dans l'affaire saharienne, constituait la réponse du berger à la bergère. Le Conseil de sécurité, lui, est sur une autre trajectoire. Ses membres les plus influents sont convaincus qu'il faut laisser le temps au temps et se limiter à renouveler le mandat de la Minurso tous les six mois. En clair, il n'y aura pas de pression de la communauté internationale pour imposer un règlement quelconque. L'Algérie perçoit la nouvelle attitude du Conseil de sécurité comme une tentative d'enterrement de première classe pour ses projets. Elle sait que le temps travaille pour le Maroc. Celui-ci est dans ses terres et les citoyens sahraouis travaillent, enfantent et manifestent quand ils sont mécontents. Des dizaines d'exfiltrés reviennent chaque mois à la mère patrie, sans qu'il y ait le moindre mouvement dans l'autre sens. Surtout, la nouvelle attitude du Conseil de sécurité rend caduc ce que l'Algérie considère comme un acquis diplomatique , à savoir la reconnaissance par l'Afrique du Sud de la RASD. Dès lors la stratégie algérienne consiste à créer une situation d'urgence dans la région, une tension extrême, pour obliger le Conseil de sécurité à se pencher sur la question. Ce que nous avons vu n'est que le début d'une stratégie de la tension en réponse aux gains enregistrés par le Maroc à l'ONU. Que fait le Maroc ? La diplomatie marocaine n'est pas la vieille dame impotente que certains de nos confrères décrivent. Sur ce coup elle a été impeccable. Aucune réaction officielle au renforcement de l'arsenal algérien n'a été enregistrée. Attitude intelligente qui ramène l'info à ses justes proportions : de la gabegie dans un pays aux ressources énormes et aux réalisations quasi nulles. Le démenti à «la capture de soldats marocains» est court, concis et… très politique. Il omet de citer le quotidien algérien, déclare qu'aucun soldat n'a quitté le territoire et… basta. Il émane de la hiérarchie militaire et n'a suscité aucun autre commentaire officiel. Tout se passe comme si le Maroc refusait toute escalade médiatique et donc mettait en échec la stratégie algérienne. Jusqu'où peut aller Alger ? Le bras de fer ne fait que commencer. Alger sait que la Russie, en prise avec la Tchétchénie, n'est plus aussi sensible aux sirènes séparatistes, que les USA font de la stabilité du Maroc la pierre angulaire de leur stratégie dans la région. Alger a vu l'Espagne changer de position. Elle sait dorénavant que la proposition d'un règlement politique pacifique a mis à nu ses contradictions. Le retour au processus référendaire qu'elle appelle de ses vœux est lui aussi dans une impasse absolue. Elle est donc tentée par un «réchauffement», qui remettrait le dossier du Sahara sous les feux de l'actualité et lui permettrait de regagner un peu de terrain pour ses protégés. Abdelaziz Belkhadem, ministre des Affaires étrangères du gouvernement Bouteflika, fait des déclarations hebdomadaires sur le Sahara et le Maroc, la diplomatie algérienne est aussi active que dans les années 70, avec les mêmes méthodes, mais cela n'est pas suffisant. Restent les coups fourrés ! Cependant la marge de manœuvre est plus réduite qu'il y a 25 ans : Alger avait pu se permettre d'envoyer son armée sur le sol marocain. Les FAR avaient arrêté à Amgala plus de 400 soldats et officiers que feu Hassan II a laissés rentrer chez eux suite à une intervention arabe. Aujourd'hui, la capacité de nuisance algérienne est limitée par le contexte international. Toute escalade militaire paraît improbable. Par contre, on peut s'attendre à tout, y compris à l'annonce par le «Polisario» de la rupture du cessez-le feu. Ce qui ne mettrait nullement en danger l'intégrité territoriale du Maroc, les FAR ayant sécurisé le périmètre depuis longtemps, mais mettrait la pression sur l'ONU. Les manœuvres algériennes n'ont fait que commencer et l'on sait par expérience que les Boumédiénistes au pouvoir ont de la suite dans les idées. Comment faire échec à cette stratégie ? Rabat a choisi la sécurité, ce qui est une bonne attitude. Celle-ci n'exclut pas la vigilance face à un adversaire dont la hargne et la mauvaise foi ont déjà été mises en exergue. En Algérie, aucune information sur l'armée n'est publiée sans confirmation auprès de celle-ci. La grande muette a ses propres troupes de journalistes. Il s'agit bel et bien d'une opération d'intox téléguidée. 80 avions commandés il y a deux semaines pour plusieurs milliards de dollars. Pour quoi faire, contre qui ?