Il avait également repéré dans la salle, parmi le public présent, nombre de membres de la famille du prévenu, avec lesquels il entretenait également des relations cordiales. En professionnel aguerri, il en a tout de suite avisé le Président de l'audience, qui en informa illico le représentant du Parquet. Pour une saine administration de la Justice, la règle veut que le magistrat concerné soit changé... de peur que, par la suite, ne soit soulevé un soupçon de partialité. La Chambre correctionnelle du tribunal pénal d'Ain Sebaâ est traditionnellement consacrée au traitement judiciaire des crimes et délits, et ce n'est pas toujours de tout repos. Durant la semaine dernière, donc, elle vaquait à ses occupations normales, juger le tout-venant de la délinquance ordinaire à Casablanca, laquelle connaît un pic d'augmentation durant Ramadan. Les dossiers se succédaient, pour les motifs les plus variés, allant de coups et blessures, au vol simple, sans oublier les traditionnelles infractions des cols blancs, dans le genre d'émission de chèques sans provision ou autre abus de biens sociaux. Puis, vint l'instant où, au moment d'aborder l'étude d'un dossier, le public présent, les avocats et les huissiers de service sentirent... comme une hésitation, une perturbation au niveau des magistrats siégeant sur la tribune. Petits conciliabules entre magistrats...conciliabules qui ne sont même pas discrets, les magistrats ayant pris l'habitude, au moment de dialoguer entre eux, de se dissimuler derrière un dossier, afin que l'on ne puisse lire sur leurs lèvres ce qui est en train de se passer. Quelques minutes de flottement, à la suite de quoi le président décida de suspendre la séance, avant de quitter la salle, en compagnie de ses assesseurs. La suspension dura une petite heure, au bout de laquelle les magistrats regagnèrent leurs places, pour poursuivre l'étude des dossiers du jour. Seulement voilà, toutes les personnes présentes dans la salle remarquèrent l'absence d'un juge, et la présence d'un autre magistrat à sa place. Ce qui, en soi, n'a rien d'exceptionnel, quoique ce soit, en fait, assez rare. Que s'est-il donc passé ? Dans les audiences, les magistrats doivent faire preuve d'une impartialité totale et complète. Ils sont là pour dire le droit, rendre des sentences, et montrer à la société que la justice fonctionne normalement. Mais il arrive que, dans certains cas, cette impartialité soit remise en cause, ce qui ne peut que nuire à la bonne marche du procès. En l'occurrence, un magistrat avait reconnu l'un des prévenus, qu'il connaissait par ailleurs, dans le cadre de relations familiales. Il avait également repéré dans la salle, parmi le public présent, nombre de membres de la famille du prévenu, avec lesquels il entretenait également des relations cordiales. En professionnel aguerri, il en a tout de suite avisé le président de l'audience, qui en informa illico le représentant du parquet. Pour une saine administration de la justice, la règle veut que le magistrat concerné soit changé... de peur que, par la suite, ne soit soulevé un soupçon de partialité. Puis, une fois le changement intervenu, l'audience peut se poursuivre sans encombre. Le cas est isolé, mais cela arrive parfois dans les tribunaux, ce qu'on appelle «la récusation d'un magistrat». On dit alors que le magistrat «se déporte». Par exemple, on peut citer le cas où un juge a rendu une décision, au moment où il présidait une Chambre correctionnelle. Ladite décision, attaquée en appel, va donc se retrouver devant une Cour d'appel... où le magistrat qui avait rendu l'arrêt de première instance, vient tout juste d'être promu. Ce qui signifie qu'il aura à se prononcer deux fois sur le même dossier, ce qui est assez... curieux. Pire même, en appel, on peut infirmer, ou casser une décision de première instance, ce qui équivaut un peu... à se déjuger soi-même, exercice, on en convient, assez périlleux ! La récusation peut aussi intervenir pour d'autres raisons, toujours liées à la personnalité d'un magistrat. Comment juger une faillite frauduleuse, lorsque l'un des prévenus fait partie de la famille proche (ou lointaine) d'un juge ? Comment statuer sereinement sur le cas d'un chauffard, quand l'un des magistrats a perdu un fils ou un oncle suite à un accident de la route ? Les exemples sont multiples, et les magistrats, en grands professionnels, sont toujours aux aguets pour ces cas. Sachant que si l'initiative ne provient pas spontanément d'eux-mêmes, le risque existe que les avocats de la défense ne soulèvent ce point.