Ils sont tous satisfaits des avancées enregistrées par la réforme de la Moudawana, mais à chacun son référentiel. L'accent est particulièrement mis sur les modalités d'application sur le terrain et le rôle des juges. Bassima Hakkaoui, présidente de l'organisation féminine du PJD «L'égalité entre l'homme et la femme ne peut être aussi mécanique» Les modifications apportées par le projet de Code de la famille viennent satisfaire les attentes des associations féminines formulées inlassablement depuis des années. Fondamentalement, ces modifications s'inspirent du référentiel religieux, mais s'inscrivent également dans la logique de la modernité. Elles donnent satisfaction à toutes les parties qui s'étaient opposées un moment sur cette réforme. Ce qui les opposait en fait, à mon sens, est moins le besoin d'une réforme de la Moudawana que la philosophie qui animait chacune de ces parties. Ce qui me paraît le plus dangereux, c'est la philosophie du genre présente dans la réforme proposée. Cette démarche met l'accent sur l'égalité «mécanique» entre l'homme et la femme. Ce qui fait perdre à la femme beaucoup de ses droits, d'où une certaine réserve à l'égard de cette réforme. N'empêche qu'elle apporte des acquis non négligeables à la femme, d'où notre satisfaction. Saâddine Elotmani, secrétaire général-adjoint du PJD «Beaucoup de nos propositions ont été retenues» Nous avons une impression de soulagement après tant d'émotion et de suspicion. Le problème de la famille et de la femme a occupé le devant de la scène et cristallisé les positions. Aujourd'hui, ce problème a trouvé une issue favorable et c'est tant mieux pour notre pays. Par ailleurs, la réforme du Code de la famille ne pouvait pas satisfaire tous les partis politiques. Néanmoins, il y a beaucoup de points qui concordent, parfois textuellement, avec les propositions du PJD, formulées dans le mémorandum soumis à la Commission royale. Il y a des questions qui mériteraient d'être approfondies comme celle du divorce. Ainsi, on n'a pas donné suffisamment d'importance au divorce, dit «kholaâ», qui est conditionné par l'acceptation du mari. Enfin, la Justice devrait connaître une profonde réforme tant au niveau des moyens humains et matériels que de la simplification des procédures ou de l'exécution des jugements dans les meilleurs délais. Mostafa Moaâtassim, secrétaire général de Al Badil Al Haddari «L'Islam s'adapte au progrès» La bataille des associations féminines trouve enfin sa juste récompense dans la réforme préconisée par le Roi Mohammed VI. Ce qui me paraît fondamental maintenant est moins la réforme elle-même, qui constitue certes un net progrès par rapport à l'ancienne Moudawana, que le rôle dévolu aux magistrats pour son application sans détournement ni falsification. Cette vision moderniste d'égalité dans la relation au sein du couple, et qui s'inscrit dans un long processus historique qu'il faut se garder de brusquer, constitue la meilleure réponse des préceptes de l'islam à l'évolution de la société. L'islam s'adapte au progrès. Il honore la famille et ses enseignements protègent sa dignité. C'est le sens de la réforme du Code de la famille. Kamal Lahbib, Collectif Démocratie & Modernité « Le référentiel religieux n'a pas disparu» Les avancées réalisées par la réforme de la Moudawana sont extrêmement importantes et sont indéniables. Il y a une philosophie de base, faite d'équité et d'égalité entre la femme et l'homme, qui a inspiré sa formulation et son esprit. Toutefois, faut-il rappeler que la bataille des cinq dernières années menée pour réformer le Code du statut personnel avait fini par dépasser ce dernier pour se transformer en un combat pour un projet de société. Il importait moins d'élever l'âge de mariage à 18 ans que de gagner ce combat, celui de l'abolition du système patriarcal et de l'abandon du référentiel religieux. Et ce combat, nous modernistes et démocrates, avouons l'avoir perdu, car l'actuelle réforme réitère indiscutablement le référent religieux. Cela dit, pour les réformes annoncées, une autre bataille nous attend pour les concrétiser sur le terrain. Leïla R'hioui, Présidente du Printemps de l'égalité « La balle est dans le camp des juges» Pour moi, il s'agit d'une véritable réforme. Il y a une remise en cause d'un principe essentiel de l'ancienne Moudawana, celui de l'obéissance, et la consécration de l'égalité et de la responsabilité mutuelle au sein du couple. La réforme enregistre beaucoup d'avancées comme, par exemple, les mesures prévues pour verrouiller la répudiation qui est à l'origine de nombre de drames, surtout dans les milieux sociaux défavorisés. Deux autres avancées et non des moindres sont la suppression de la tutelle matrimoniale et la dissolution unilatérale des liens du mariage. Maintenant, la balle est dans le camp des magistrats et des praticiens pour savoir comment cette réforme va être mise en pratique. Une campagne de sensibilisation s'avère incontournable pour une meilleure application. Mohsine Ayouche, Membre du Comité central de la GSU « Laisser faire le temps pour perfectionner les choses» Les avancées enregistrées par la Moudawana : l'unification de l'âge de mariage à 18 ans, la mise de la famille sous la responsabilité conjointe de l'homme et de la femme, la suppression de la tutelle matrimoniale consacrent le principe de l'égalité juridique entre l'homme et la femme. Ces avancées ont pris en considération l'évolution sociologique et économique de la société marocaine tout en respectant ses valeurs religieuses et culturelles. C'est là un socle de progrès sur lequel on pourrait construire d'autres avancées dans la vie politique et sociale du pays. Il faut prendre cette réforme comme un acquis positif pour l'ensemble de la société marocaine et laisser faire le temps et l'intelligence des hommes et des femmes du Maroc pour la perfectionner à l'avenir.