Résultat des courses, si l'on peut dire : les planificateurs et organisateurs de cette belle performance se retrouvent devant le tribunal correctionnel, comparaissant en état d'arrestation. Le comble c'est que le propriétaire de la ferme se retrouve aussi parmi les inculpés, pour recel de bien volé. La justice est une Dame austère, qui n'a que rarement l'envie de plaisanter. Du coup, le vocabulaire employé au sein des tribunaux n'est pas très «festif», et illustre bien la sobriété et le sérieux de l'Institution. Prenons un exemple : voici trois jeunes gens qui s'ennuient par un doux soir de printemps. Ils décident alors de faire une plaisanterie à l'un de leurs amis, absent ce soir-là. L'un des trois larrons vient en effet de vendre sa voiture à l'ami absent, et, curieusement (par mégarde, ou par omission ou oubli), a donné toutes les clés du véhicule à l'acheteur, sauf un troisième jeu de clés, qu'il a fortuitement gardé chez lui. Le but de la plaisanterie consiste donc à se rendre chez l'ami en question, de prendre sa voiture, et la dissimuler dans la ferme d'un quatrième ami, également absent ce soir-là. Aussitôt dit, aussitôt fait, et l'opération est rondement menée. Le lendemain matin, leur ami découvre que sa voiture a disparu, et quelques gardiens de nuit affirment avoir vu quelques jeunes tourner autour du véhicule. Direction le commissariat de police, où plainte est déposée pour vol de voiture. Les amis s'amusent bien, à voir leur copain déboussolé par le vol de son véhicule, et la plaisanterie dure trois jours. Au bout desquels le propriétaire de la ferme ramène la voiture à son propriétaire. Tout est bien qui finit bien, dirait-on, mais pas du tout, car tout va vraiment commencer. Afin de retirer sa plainte, le jeune homme raconte, sur le ton de la plaisanterie, sa mésaventure aux policiers, lesquels, comme l'exige la procédure, font un rapport écrit au procureur du Roi. Qui, lui, n'a manifestement pas le même sens de l'humour que nos jeunes petits, et ordonne leur arrestation, et leur poursuite sous le chef d'inculpation multiple et varié de vol qualifié, avec circonstances aggravantes ; vol en réunion, usage de fausses clés et recel, broutilles qui peuvent coûter la bagatelle de dix ans d'emprisonnement. Après quelques jours de détention, voilà les jeunes devant le tribunal correctionnel, où ils découvrent, stupéfaits, que leur petite plaisanterie, à leurs yeux sans conséquences, commence à prendre une fâcheuse tournure et , comme on dit, sent le «roussi». Un vol, en matière judiciaire, peut être simple ou qualifié. Dans le premier cas, par exemple, on vole un fruit sur un étalage, action basique qui ne demande aucune préparation. Dans le second cas, on casse un carreau pour voler ce fruit, ce qui prouve l'intention délictueuse. Nos jeunes, sans le savoir, ont accumulé toutes les circonstances aggravantes en la matière. En effet, la justice aime bien qualifier avec précision les faits reprochés aux délinquants, et du coup, on bascule dans un autre univers. Voler, ce n'est pas bien, déjà, alors en réunion, c'est pire ; et cette réunion vient seulement du fait qu'on soit deux... ou plus. Et puis, ce vol s'apparente, selon le vocabulaire juridique, à «une soustraction frauduleuse du bien d'autrui», ce qui est très vilain. L'usage de fausses clés (ou d'un double illégalement conservé) est également très mal vu par la justice. Tout comme le fait d'utiliser une voiture pour aller commettre le méfait. Et de dissimuler la voiture volée dans la ferme d'une tierce personne. Résultat des courses, si l'on peut dire : les planificateurs et organisateurs de cette belle performance se retrouvent devant le tribunal correctionnel, comparaissant en état d'arrestation (menottes, police, box des accusés, salle d'audience comble,...). Le comble, c'est que le propriétaire de la ferme se retrouve aussi parmi les inculpés, pour recel de bien volé. Le drame dans ces affaires, c'est que la loi prévoit, pour ces délits, des dispositions assez rudes : saisie du véhicule à bord duquel les prévenus sont venus commettre le délit, saisie de la ferme, lieu de recel, le tout sera vendu aux enchères publiques au profit du Trésor public. Et donc, petit rappel à tous ces jeunes amateurs de plaisanteries douteuses : Attention, le système judiciaire ne goûte pas à ces agissements, responsables à ses yeux de «trouble à l'ordre public». On ne badine pas avec la loi.