Le PIB a augmenté de 2,9% en 2018, selon les données trimestrielles fournies le HCP. Au premier et au deuxième trimestre de 2019, la croissance économique se serait établie respectivement à 2,3% et 2,4%. La croissance est portée par la seule demande intérieure. Amesure que progresse la remontée des données sectorielles, le niveau de croissance économique en 2018 se rétrécit. Après 3,1% en juillet dernier, le HCP a, en janvier de cette année, révisé légèrement à la baisse son estimation du PIB 2018 pour situer son augmentation à 3%. Mais avec la publication, il y a quelques jours, des comptes nationaux du dernier trimestre 2018, on peut annoncer que la croissance en 2018, en fin de compte, est inférieure à 3%. Elle s'établit, selon les calculs de La Vie éco basés sur les données infra-annuelles désormais disponibles, à 2,92% très exactement. Ça a l'air de rien l'écart qui sépare ces valeurs, mais à cette échelle-là, celle du PIB, c'est affaire de milliards. Entre 3,1% et 2,9%, la différence est de près de 2 milliards de DH. Pourquoi l'activité a aussi nettement ralenti, passant de 4,1% en 2017 à 2,9% en 2018 ? L'examen des statistiques fournies par le HCP dans ses comptes trimestriels montre que le revirement tient principalement à la forte contraction, liée à l'effet de base, de la valeur ajoutée du secteur primaire: +3,3% en 2018 au lieu de +13,2% en 2017. Cela confirme, pour reprendre, en substance, la formule du Haut commissaire au plan, Ahmed Lahlimi, que la croissance économique au Maroc est encore assez largement rythmée par le secteur agricole. L'autre facteur qui a contribué à l'atonie de la croissance, c'est la demande extérieure. Malgré un bon comportement des exportations, qui ont progressé de 4,95% en termes réels, le solde des échanges extérieurs, plombé par une augmentation plus forte (+5,4%) des importations, a ponctionné le PIB de 0,8 point au lieu d'une contribution positive de 0,5 point en 2017 (voir notre édition de la semaine dernière sur le déficit courant et, plus généralement, sur le déficit structurel de la balance commerciale). Enfin, et dans une moindre mesure, l'accroissement des impôts nets des subventions a accusé repli à 2% au lieu de 2,4% un an auparavant. Bank Al Maghrib table sur 2,7% pour 2019 Hormis ces trois facteurs, le reste de l'activité a évolué plutôt correctement mais à des rythmes proches de ceux de 2017 ; sans plus. C'est ainsi que le secteur secondaire a enregistré une hausse de sa valeur ajoutée de 3,1%, exactement comme en 2017. Le secteur tertiaire a, lui, progressé de 3% au lieu de 2,7% en 2017. Au plan de la demande, et excepté celle d'origine externe comme déjà indiqué, la consommation des ménages a augmenté de 3,4% (contre 3,5% en 2017), contribuant ainsi pour près de 2 points à la croissance économique. L'investissement, appréhendé par la formation brute du capital fixe (FBCF) a, pour sa part, réalisé une croissance de 3,8% contre une baisse de 0,8% en 2017. Ce faisant, la FBCF a apporté une contribution positive à la croissance de 1,3 point contre une contribution négative de 0,2 point un an auparavant. En somme, la croissance au Maroc repose fondamentalement, comme dans bon nombre de pays, sur la demande intérieure. La difficulté est que cette croissance se trouve régulièrement atténuée par la demande étrangère, en raison du fait qu'elle est alimentée dans une assez large mesure par les importations. Quid de 2019 ? Les prévisionnistes tablent sur une année qui serait...la copie conforme de 2018. Du moins, en termes de variation du PIB. Celui-ci croîtrait de 2,9% selon le HCP, exactement comme en 2018. Bank Al Maghrib (BAM), lors de la réunion de son conseil le 19 mars de l'année en cours, a paru encore moins optimiste que le HCP, estimant à 2,7% le taux de croissance en 2019. En tout état de cause, l'évolution de l'activité sur les premiers mois de l'année, telle que saisie par l'Institut national d'analyse de la conjoncture (INAC) du HCP, semble confirmer cette tendance. Selon l'INAC, en effet, la croissance économique au premier trimestre 2019 se serait établie à 2,3% au lieu de 3,3% au trimestre correspondant de 2018. Ce ralentissement, explique l'INAC, provient d'une baisse de 4,8% de la valeur ajoutée agricole, après deux années de hausse consécutives. Ce retournement à la baisse, précise encore la même source, résulte de la «sécheresse» qui sévit au mois de décembre 2018 et au cours des trois premiers mois de 2019 ; une situation qui aurait réduit le potentiel de production notamment des céréales, légumineuses et des cultures fourragères. Par contre, les filières sucrières et de l'arboriculture auraient poursuivi leur croissance. Consolidation des activités hors agriculture sur les premiers mois de 2019 Les activités hors agricoles, en revanche, estime le HCP, se seraient mieux comportées qu'à la même période de 2018 : +3,3% au premier trimestre 2019 contre 2,9% au même trimestre de 2018, contribuant ainsi pour 1,4 point à la croissance économique. Quelles sont-elles, ces activités ? Les analystes de l'INAC citent, entre autres, les mines (+6,6% au lieu de +0,3%) tirée par la filière des phosphates et les industries manufacturières qui auraient réalisé une croissance de 3,4% (au lieu de 3,2% un an auparavant), soutenues notamment par l'automobile, l'électronique et le textile. Dans l'ensemble, et malgré une faible progression de la valeur ajoutée du BTP (+0,9% au lieu de +0,4% en 2018), le secteur secondaire, estime le HCP, aurait progressé de 3,3%, apportant une contribution de plus de 1 point à la croissance globale au premier trimestre 2019. Le secteur tertiaire, pour sa part, se serait orienté favorablement, réalisant une croissance de sa valeur ajoutée de 2,9%, à peu près comme en 2018 à la même période. Par quoi cette offre est-elle soutenue ? Comme toujours, par la demande intérieure; même si l'évolution de celle-ci, on l'a souvent rappelé ici, a beaucoup fléchi ces dernières années. Selon le HCP, en tout cas, les deux composantes principales de la demande intérieure, la consommation des ménages et l'investissement, auraient augmenté respectivement de 2,8% et 3% en glissement annuel. Leur contribution respective à la croissance du PIB aurait été de 1,6 point et de 1 point. La demande extérieure adressée à l'économie marocaine, par contre, aurait ralenti à 2,8% au lieu de 5% en au premier trimestre 2018. Et ceci en raison d'un contexte mondial marqué, pour différentes raisons, par une certaine atonie de l'activité, à la fois dans les pays avancés comme les Etats-Unis, l'Allemagne, la Grande-Bretagne et l'Italie, que dans les grands pays émergents, comme la Chine, la Russie, le Brésil ou encore la Turquie. Ceci aurait entrainé, selon le HCP, un fort ralentissement du commerce mondial, puisque sa progression se serait établie à 1,5% au lieu de 5,9% au premier trimestre 2018. Du coup, il ne serait pas surprenant que l'activité, au deuxième trimestre de 2019, continue d'être marquée par une certaine fébrilité. Les analystes du HCP estiment déjà que la croissance du PIB pour cette période devrait, à peu de choses près, ressembler, en termes de variation, à celle à la fois du trimestre précédent et du trimestre correspondant de 2018. Cette croissance s'établirait à 2,4% contre 2,3% en glissement trimestriel et contre 2,5% en glissement annuel. Ce léger frémissement, nous dit le HCP, proviendrait d'une atténuation de la baisse de la valeur ajoutée agricole, de la consolidation de la demande étrangère à 2,9%, d'une augmentation des activités du secteur secondaire de 3,2% et de celle du tertiaire de 3,1%. Le HCP ne donne pas d'estimation quant à l'évolution de la demande intérieure pour le deuxième trimestre, faute probablement de disponibilités des données à ce stade de l'exercice. On peut penser cependant que vu le fort repli de l'inflation en ce début 2019, la consommation des ménages continuerait de croître à un rythme au moins égal à celui observé au premier trimestre. Rappelons en effet que l'indice des prix à la consommation sur les deux premiers mois de l'année a enregistré une croissance négative de 0,3% sur les deux premiers mois. Pour l'ensemble de l'exercice 2019, l'inflation devrait rester infiniment plus modérée qu'en 2019. BAM, pour les besoins de sa politique monétaire, a déjà prévue que l'inflation se situerait à 0,6% en 2019 contre 1,9% en 2018. En 2020, elle augmenterait à 1,1%, toujours selon BAM. Le hic est que cela fait bien longtemps que l'inflation est maîtrisée à un niveau exceptionnellement bas. La consommation finale, en particulier celle des ménages, n'a pas, pour autant, enregistré un niveau de croissance à la mesure du taux – bas – de l'inflation. Ce qui pose, une fois de plus, la question de l'évolution des revenus...