Gérée par trois jeunes trentenaires, Artcoustic, la web factory qui produit Aji Tafham, entre autres, est en pleine restructuration. Une évolution qui relève de son ADN. Nous avons rencontré son DG Vendredi 22 Mars. 11H30. C'est dans un café branché de Casablanca que Ali Rguigue, directeur général d'Artcoustic, nous donne rendez-vous. Barbe poivre et sel. Lunettes de soleil couleur bleu-marine. Sweat blanc décontracté. Jean bleu délavé. Puma jaunes aux pieds. Bref, un look qui en dit long sur un DG atypique, qui veut se sentir "à l'aise", nous dit-il. Sirotant son jus détox citron, le fondateur d'Artcoustic, la factory du web nous racontera l'histoire de la boîte qu'il co-détient et co-gère, "à parts égales" tient-il à préciser, avec ses deux amis : Ahmed Sbai et le fameux Mustapha Fekkak, alias Swinga. Flash-back de la naissance Désargenté et au chômage, sur fond de problèmes de solde de tout compte avec son ancien employeur, Ali Rguigue, cet ingénieur du son, contracte un crédit en 2012, pour créer Artcoustic, un studio d'enregistrement de musique. A cette époque, plusieurs artistes y sont passés, dont "RedOne, Hatim Ammor et beaucoup d'autres", nous raconte le DG pour qui, "s'adapter est la clé de la survie". En 2013, le fondateur a été rejoint par Ahmed Sbai, en tant que nouvel actionnaire. Ce dernier a toujours été dans la photographie. Résultat : une synergie de son et de photo, qui a fait d'Artcoustic une maison de production. C'est à ce moment que tombe une opportunité immanquable. Celle de produire le premier talk show marocain sur la chaîne 2M : Rachid Show. "Nous étions chargé d'organiser toute l'émission, de la conception à la réalisation, en passant par les scripts de l'animateur et de l'invité ainsi que les gestes des spectateurs présents au plateau", nous détaille Ali Rguigue. La première saison de l'émission scorait une audience "record, de 6 à 7 millions de téléspectateurs". "Avec l'aide de Badr Hari, nous étions à deux doigts d'avoir Cristiano Ronaldo comme invité", confie-t-il. Et, clap de fin. "Suite à des désaccords avec l'animateur, nous avons décidé de jeter l'éponge, à contre-coeur", lâche-t-il. La bande des artistes à la traque du contenu "serviciel" C'est en 2014 que survient une rencontre qui a chamboulé l'itinéraire de la boîte. Mustapha Fekkak alias Swinga, informaticien et circassien, s'était déjà lancé dans la vulgarisation et le décryptage des sujets d'actualité, en darija et de manière ludique, via la chaîne Youtube Aji-Tafham (viens que je t'explique). Après quelques projets en Freelance, Swinga est convié pour rejoindre le tour de table d'Artcoustic en tant qu'associé et directeur artistique. Ali Rguigue, Directeur général d'Artcoustic. "Nous avons commencé par dupliquer le concept Aji-Tafhem pour du learning et branding", nous dit celui qui, aux débuts de son aventure, roulait en 4L. C'est ainsi que les grosses commandes ont commencé à pleuvoir. Premiers gros clients : l'Union Européenne et We Casablanca. "À travers un contenu recherché et ludique, notre tâche était d'expliquer aux cibles respectives à quoi servent les deux organisations . Les Casablancais pour ce qui est de We Casablanca et tous les Marocains pour le cas de l'Union Européenne", nous a-t-il expliqué. Des sociétés privées en crise de communication ont frappé à la porte d'Artcoustic pour adoucir leurs relations avec les consommateurs. Un des deux locaux d'Artcoustic. Mais selon lui, le contenu qui a eu le plus d'impact, en réalisant 6 millions de vues dont 4 en organique, est celui de Cash Plus, société de transfert d'argent. "Du jamais vu ! Grâce à ce contenu, Cash Plus a reçu plus de 30 000 inscriptions en un mois", nous a-t-il dit, non sans fierté. Avec quelle recette ? "Nous faisons comprendre à nos clients que nous ne faisons pas de l'animation ou du motion design, mais de la recherche du contenu. C'est tellement différent", explique-t-il, sans nier qu'avec les opérateurs privés "nous n'avons pas tout à fait la main libre, contrairement aux établissements publics". DGI dans le portefeuille Surbookée, Artcoustic ne fait point de démarchage. Ce sont les clients qui la sollicitent. La direction générale des impôts, la direction des douanes et impôts indirects, le conseil supérieur de l'éducation de la formation et de la recherche scientifique, n'en sont que quelques exemples. "Notre équipe d'investigation, composée de journalistes et de rédacteurs, fait des recherches sur les sujets qui concernent ces établissements. Nous nous rendons dans leurs locaux pour avoir plus d'explications. Pour le cas de la DGI, nous avons à maintes reprises traité directement avec Omar Faraj, patron des impôts", nous a expliqué le DG d'Artcoustic. Une fois le travail de recherche bouclé, arrive la rédaction du script. "Mustapha Fekkak, en tant que directeur artistique, consacre énormément de temps à lire et relire les scripts, en y introduisant sa touche, à savoir le ton le caractérisant", détaille-t-il le process de la production. S'ensuivent les phases de l'animation, du montage et le déploiement. Dans les deux locaux d'Artcoustic que nous avons visités, une équipe de 28 jeunes, de 21 à 30 ans, recrutés sur la base de leur "compétence, capacité d'analyse mais aussi l'honnêteté", travaillent sur bon nombre de projets notés sur un dashboard planté au centre du lieu de travail. Un des deux locaux d'Artcoustic Un des contenus en construction : le service militaire. L'objectif est d'expliquer aux jeunes marocains ce qu'est le service militaire et ses modalités. Une restructuration s'est imposée "A présent, nous sommes à 3 millions de DH de chiffre d'affaires par mois dont 50% sont consacrés à la masse salariale", nous confie Ali Rguigue. Les trois actionnaires sont arrivés à une nouvelle phase : l'internationalisation. "Nous sommes en train de collaborer avec Human Rights Watch (HRW) sur une animation qui a pour objet de sensibiliser le peuple Chinois sur leurs droits et libertés", nous a-t-il dévoilé. Le sujet des droits de l'Homme n'est pas un terrain inconnu pour l'équipe. Artcoustic a déjà collaboré avec l'observatoire national des droits de l'Homme ainsi qu'avec l'association INSAF, dans le cadre de la lutte contre la violence faite aux travailleuses domestiques. Une tendance à l'international qui s'accompagne d'une restructuration en interne. Contrôle A, une filiale créée en 2017, "sera dédiée aux activités internationales, avec l'appui d'Artcoustic, la maison mère", ajoute le DG. Principale nouvelle : "Aji Tafham, la plateforme de développement, se convertira en un média spécialisé dans le traitement de l'actualité", nous a-t-il dévoilé. Objectif : "éduquer l'audience et nettoyer le web du faux contenu", nous a-t-il résumé.