Hicham Bayali : «Nous avons un énorme potentiel d'amélioration du taux de bancarisation». Hicham Bayali, fondateur et directeur associé d'Atrium Finance, a mené une grande partie de sa carrière au sein de la Société Financière Internationale (Banque mondiale), où il a dirigé des projets de conseil et de transactions d'investissement pour le département des institutions financières (Financial Institutions Group, FIG), au Moyen-Orient, en Afrique, en Europe et en Asie centrale. Successivement basé à Washington, au Caire, à Dubaï et à Rabat, M. Bayali et son équipe ont fourni aux clients FIG d'IFC dans ces régions des solutions de conseil financier et d'investissement qui ont permis à ces institutions financières d'augmenter de manière substantielle leurs services financiers aux micro-entreprises et aux TPME. Dans cet entretien, il revient sur les enjeux et les efforts menés au Maroc pour l'inclusion financière et les défis à relever. Quels liens existent entre l'ouverture d'un compte et l'inclusion financière ? Ouvrir un compte bancaire constitue la première étape vers une inclusion financière pleine et entière ouvrant la voie au dépôt d'argent, mais aussi à l'envoi et à la réception de paiements. L'ouverture d'un compte courant n'est pas une fin en soi, mais un moyen d'accès à d'autres services financiers et représente le premier pas vers l'inclusion financière. Cette dernière étant la possibilité d'accéder à moindre coût à une gamme diversifiée de produits et de services financiers (transactions, paiements, épargne, crédit et assurance,..etc.) utiles et adaptés aux besoins des particuliers et des entreprises. En quoi cette notion d'inclusion revêt une importance de premier ordre en matière de développement socioéconomique ? C'est parce que l'accès à des produits et services financiers permet aux individus d'anticiper le financement d'objectifs de long terme et de faire face à des imprévus, agissant ainsi comme un précieux outil de lutte contre leur exclusion du tissu socioéconomique, donc de lutte contre la pauvreté et la précarité. L'accès aux services financiers est considéré comme un facteur de progrès pour 7 des 17 objectifs de développement durable. Depuis 2010, plus de 55 pays ont pris des engagements en faveur de l'inclusion financière. Le Maroc a déjà lancé sa stratégie d'inclusion financière. En principe, le rythme des réformes s'accélère lorsqu'un pays se dote d'une stratégie de ce genre. Quel regard portez-vous sur les actions menées en matière d'inclusion financière des populations ? Depuis 2000, des efforts louables ont été menés par les banques et les associations de microcrédit, mais aussi par Bank Al-Maghrib pour accroître le taux de bancarisation (qui se situe selon Bank Al-Maghrib dans une fourchette de 56% à 71% contre un taux moyen de 25% il y a une quinzaine d'années et une moyenne mondiale de 62%) et pour élargir l'accès aux services financiers. Les principales banques marocaines se sont toutes engagées au cours des quinze dernières années dans d'ambitieuses stratégies de bancarisation. Al Barid Bank, qui a hérité de l'activité des services financiers du Groupe Barid Al-Maghrib dont les comptes postaux (à savoir les comptes d'épargne des catégories à faible revenu de la population marocaine) permettent à la banque de détenir 17,5% de parts de marché en termes de dépôts, se classe à la troisième position après Attijariwafa bank et la Banque Populaire en termes de collecte de dépôt. Par ailleurs, le cadre légal autorise depuis peu des établissements spécialisés à offrir exclusivement des services de paiement. Dix nouveaux opérateurs de paiement mobile peuvent ainsi ouvrir des comptes de paiement au profit de leur clientèle, et lui offrir également les outils monétiques et les moyens de paiement jusque-là prérogatives des banques de détail tels que les cartes de paiement, les transferts d'argent, les dépôts et les virements. Ces services devraient améliorer l'inclusion financière dans un horizon relativement court, notamment grâce à des agréments d'intermédiaire en opérations bancaires (IOB), à travers lesquels les agents bénéficiant de tels agréments ( dont des associations de micro-crédit) peuvent collecter pour le compte de banque de détail des dépôts plafonnés à 20 000 DH par client. Enfin, 13 associations de microcrédit servent aujourd'hui une population de près d'un million d'emprunteurs et d'usagers de services de paiement, de transferts, et de micro-assurance. Mais au vu de l'état actuel des choses, il semble que beaucoup reste à faire en matière d'accès aux services financiers.. Le potentiel d'amélioration du taux de bancarisation est considérable. Cependant, ce dernier ne traduit pas à lui seul le niveau d'accès aux services financiers de la population, et ne renseigne pas de manière précise sur son niveau d'inclusion financière. De nombreux détenteurs de comptes bancaires n'effectuent que de rares retraits, et ne font dans certains cas aucune transaction (comptes inactifs). Les détenteurs de ces comptes n'accèdent donc pas à la diversité des services financiers qui pourraient les aider à accroître leurs revenus et améliorer leur intégration au tissu socioéconomique. Par ailleurs, les très petites entreprises (TPE) qui représentent le socle du tissu économique, ne sont aujourd'hui servies ni par les banques (ou sociétés de financement, de leasing, d'assurances), car trop petites et jugées trop risquées, ni par les associations de microcrédit, car trop grandes par rapport à leur cible traditionnelle de micro-entrepreneurs. Enfin, les PME sont encore insuffisamment servies par les banques malgré les mesures et les campagnes de communication menées par ces dernières et par les pouvoirs publics, en raison d'un déficit de réelle stratégie PME au sein de ces établissements, et d'un manque de collecte et d'utilisation par ces banques de données pertinentes ainsi que d'outils d'analyse permettant une fine appréciation du risque de contrepartie que représente chacune de ces entreprises. A Lire aussi : Banques : environ 1,5 million de comptes ouverts en 2018 ; et après ? Banques : Trois questions à Larabi JAIDI, Economiste. 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