Le groupe franco-marocain N3rdistan sort son album début février. Des textes de grands poètes sont mis en musique rock, hip-hop et électro. On les a découverts sur des scènes internationales, chantant Ahmed Matar ou Nizar Qabbani sur un son urbain et vif. France, Maroc, Cap Vert, Estonie, Liban, Dubaï, Canada et même l'Arabie Saoudite ont été conquis par l'armée de N3rdistan. Tafa7a Al Kayl qui les a propulsés aux devants de la scène de la musique engagée, a parfait le générique du dernier film de Mohcine Besri, Urgences ordinaires. Après pas moins de trois années de scène, les membres du groupe N3rdistan ont enfin rassemblé leurs morceaux et leur courage pour lancer un album explosif. Puisant dans des poésies, aussi bien actuelles qu'anciennes, écrivant des missives en darija et en rap et allant des rythmes endiablés aux ballades mélodieuses, le groupe signe une œuvre aussi riche qu'éclectique. L'ensemble des textes choisis ou écrits conforte le groupe dans sa ligne engagée envers l'humanité et les valeurs de liberté et de paix qui leur sont chères. La poésie à l'ère numérique A l'ère des rythmes commerciaux et des paroles impersonnelles, la musique et la poésie ont nettement pris leurs distances pour incompatibilité d'humeur. Concilier des textes éthérés avec de froides platines a été le défi de Walead et de Widad, voix porteuses du groupe. Depuis toujours sensibles aux bons mots, les deux chanteurs et musiciens sont partis à la chasse des textes les plus percutants, à travers les siècles. Seul mot d'ordre : l'appel à l'éveil des esprits et à l'action, plutôt que la soumission. C'est alors sans surprise que l'on découvre Ya Ouma d'Abou Al Ala Al Maârri, un texte qui au Xe siècle invectivait déjà une nation écervelée. Malihatoune est un texte illustre du poète Nizar Qabbani qui dénonce le défaitisme arabe, lui qui a tant chanté l'amour. Dans Safir, d'Al Asmaï, on découvre un défi lancé au Calife Abbasside qui aimait à piéger les poètes. Mais l'on trouve également du Jabrane dans le texte Hor, appel à la liberté, ainsi que la grande poétesse Nazek El Malaïka qui a écrit A soha, véritable ode à l'amitié et au féminisme, dont est extrait le morceau Ana wa Anti. Verlaine et ses Pensées se sont joints aux poètes arabes, dans un premier texte chanté en français par le groupe. Plus actuel que jamais Comme un appel des racines, une poésie urbaine et vive en darija marocain s'est invitée dans cette ode au verbe. Que ce soit en rap, en ballade ou même en berceuse, ces textes s'infiltrent dans l'ensemble et s'y fondent harmonieusement. On y retrouve la même énergie, avec des thématiques encore plus actuelles et percutantes. On y retrouve également la douce voix de Walead et les rafales convulsives de Widad. Taich ou tchouf, Hada houa lhal, Bla bik, Hwal Nass, Rari... nous invitent à un très beau voyage dans le large spectre d'émotions proposé par N3rdistan. Mais le rendu n'aurait certainement pas été aussi puissant s'il n'y avait ces mélodies hypnotisantes. Trouver le bon son pour accompagner de la meilleure façon qui soit des textes accessibles à tous, c'est ce qui donne au projet toute sa difficulté, son unicité et par conséquent son génie. L'on est impressionné et ravi de découvrir autant d'émotion sourdre de boîtiers électroniques, donnant à des textes puissants une nouvelle vie et une nouvelle teneur. Pour cet album, N3rdistan ne s'est pas contraint dans un style unique. Bien qu'homogène dans l'ensemble, l'œuvre traverse les genres, du rock électro, au trip-hop, en passant par de la mélodie entraînante inclassable...