Maghreb Steel est l'un des rares sidérurgistes au monde à avoir des sites de production éloignés des ports. Le groupe s'en remet aux énergies renouvelables pour réduire la facture énergétique. Des problématiques structurelles liées à l'énergie, la logistique, l'outil industriel et la taille du marocain plombent la compétitivité de l'unique producteur national de produits plats. Tour d'horizon. Un surcoût logistique de 15 dollars la tonne Selon nos informations, la plupart, si ce n'est toutes les aciéries de premier plan, se situent dans des ports et sont reliées en plus de cela par le réseau ferroviaire. Pour en avoir le cœur net, il suffit de visionner les sites industriels de sidérurgistes en Europe, en Turquie et en Amérique à l'aide du service de cartographie en ligne Google Maps. Le constat qui en ressort est édifiant : Maghreb Steel est l'un des rares sidérurgistes au monde à avoir des sites de production isolés. En fait, le transport des intrants (ferraille et brame) et des produits entre le port de Casablanca et ses deux sites de production se fait uniquement par camions. Autre boulet : les frais de manutention portuaire, «nettement plus élevés que ce que paient ses concurrents à l'international». Selon cette source, le surcoût de la logistique peut atteindre 15 dollars la tonne. Ce qui représente chaque année plusieurs dizaines de millions de DH. Un gros manque à gagner dans un secteur où les marges bénéficiaires sont très serrées. Une facture énergétique trop salée Ce n'est un secret pour personne. Toutes les industries de transformation au Maroc sont doublement pénalisées, aussi bien par la cherté de l'énergie que par l'impossibilité d'accéder à d'autres sources compétitives comme le gaz naturel liquéfié. Très énergivore, la sidérurgie à l'instar d'autres industries lourdes ne peut se développer sans énergie compétitive et diversifiée. Là encore, Maghreb Steel paie plus cher sa consommation d'énergie par rapport à ses concurrents. S'il est impossible d'être plus compétitifs que les Turcs, les Egyptiens, les Russes ou les Algériens, en matière d'énergie, plusieurs pays non-producteurs d'énergie arrivent à réduire leur facture, dont beaucoup en Europe notamment. En chiffres, le top management évalue le surcoût énergétique à 5 dollars la tonne. Un autre manque à gagner qui se chiffre en dizaines de millions de DH. Pour limiter la casse, l'entreprise s'est tournée récemment vers les énergies renouvelables, comme d'autres sidérurgistes, Sonasid notamment. Toutefois, cette alternative reste insuffisante, d'après plusieurs observateurs, en l'absence d'un réseau de distribution de GNL. Celui-ci est pourtant prévu par le plan gazier, mais qui tarde encore à voir le jour, au grand dam des industriels marocains. Un marché national exsangue C'est connu. Le Maroc est un très petit marché de sidérurgie. A en croire les chiffres de l'Association des sidérurgistes du Maroc (ASM), la consommation moyenne d'acier par habitant et par an demeure faible, puisqu'elle se situe autour de 70 kg, contre 160 kg en Algérie et 200 kg en Egypte. Plus encore, à peu près les trois quarts de cette consommation est absorbée par les produits longs (rond à béton et fil machine); dédiés à la construction. Pour ce qui est des produits plats fabriqués par Maghreb Steel, la demande nationale se situe, bon an mal an, entre 400000 et 500000 tonnes, auxquelles s'ajoutent les importations au titre du régime douanier d'admission temporaire. Celui-ci a atteint 216000 tonnes en 2017, à en croire les chiffres de l'Office des changes. En face, les capacités de production de l'unique fabricant national s'élèvent à 1 million de tonnes pour le laminage à chaud et 400000 tonnes pour le laminage à froid. Même avec une part de marché très confortable – de 75% en 2017, à en croire le top management, voire plus (80% à 85%) selon des professionnels du secteur -, le taux d'utilisation des capacités en laminage à chaud reste à des années-lumière de 75% ; le taux à partir duquel la rentabilité est garantie dans la sidérurgie. A l'étroitesse du marché s'ajoute une autre contrainte: la diversité des besoins exprimés par les industries situées en amont de la sidérurgie (tubes et profilés, chaudronnerie, fonderie..). En clair, il s'agit pour Maghreb Steel de produire de petites quantités qui sont elles-mêmes fragmentées en plusieurs nuances; grades d'acier pour les familiers. Un état de fait qui rend impossible la réalisation d'économie d'échelle. Outil industriel à améliorer Les volumes d'acier plat importé chaque année par les industriels des zones franches ne cessent d'augmenter. Rien que pour l'acier laminé à froid, ceux-ci ont importé 150000 tonnes en 2017, à en croire les chiffres de la Douane. Au total, 216000 tonnes d'acier plat ont été importées sous ce régime durant la même année, d'après un document de l'entreprise. Théoriquement, il s'agit d'une aubaine pour Maghreb Steel, qui peut jouer un rôle décisif pour l'intégration de ces industries demandeuses en acier plat, mais encore faut-il avoir l'outil industriel qui peut répondre aux exigences de ces donneurs d'ordre, en termes de qualité, de coûts et de délais. En fait, depuis son implantation au Maroc, Renault n'a acheté que 5 000 tonnes de tôle en 2017 auprès du protecteur national, à l'issue d'un audit qui a duré plusieurs mois, d'après le top management. Pourquoi pas plus ? «L'outil industriel de Maghreb Steel n'est pas adapté à la production de grades d'acier aux faibles épaisseurs, parmi lesquels ceux utilisés dans l'industrie automobile», explique un connaisseur de l'industrie sidérurgique. Joints par La Vie éco, des industriels – membres de la FIMME – confirment ce constat et soulignent que les problèmes de qualité, de disponibilité et de délais se posent aussi pour eux. Il n'en est rien selon une source proche de la société. «Contrairement aux autres clients, explique-t-elle, les ventes à Renault se font dans le cadre de contrats annuels ou semi-annuels. Il arrive que les négociations butent sur le prix. L'outil industriel de Maghreb Steel permettra à terme de fournir 70 000 tonnes par an de la consommation de Renault, à condition de réaliser quelques investissements de revamping». A Lire aussi : Maghreb Steel peut-elle être sauvée ?