Dans les domaines d'expertise pointue où les compétences sont rares, les anciens collaborateurs sont souvent les bienvenus. Ils sont souvent opérationnels, ils connaissent le mode de fonctionnement de l'entreprise, sa culture, son management… L'histoire est récente. Un cadre supérieur d'entreprise a retrouvé son ancien employeur, qu'il avait quitté quelques années auparavant en raison d'une ambiance malsaine imputée à un mauvais management. Débauché par le nouveau DG de cette ancienne entreprise, qui était, à l'époque, un collègue très proche, il s'est trouvé face à un grand challenge, d'autant que la société en question envisageait de monter une structure moderne dans un contexte d'ouverture du secteur. Une revanche en quelque sorte. Malheureusement, les relations avec l'ancien collègue devenu patron se sont détériorées rapidement et la rupture est devenue inévitable. Ce cas n'est pas isolé, et des cadres ou simples employés ont vite déchanté après avoir cru qu'ils pourraient se refaire une santé dans une entreprise qu'ils avaient quittée quelques années, voire seulement quelques mois, auparavant. La raison peut l'emporter sur l'affectif A l'évidence, une tentative de come-back est un pari risqué. Pourquoi ? Parce qu'un départ est souvent mal vécu par les deux parties ou au moins l'une des deux. C'est pourquoi, nombreux sont ceux qui refusent systématiquement de faire le chemin inverse, même s'ils ont la promesse d'une meilleure situation financière et professionnelle. Pour certains, un retour est interprété comme un échec. C'est comme une femme répudiée qui revient au bercail après avoir acquis la certitude qu'elle ne pourrait refaire sa vie. Pour l'entreprise, la démission est perçue comme une trahison, surtout si la personne concernée est bien considérée. Ainsi, certains managers refusent systématiquement de faire revenir un démissionnaire. Mais, au-delà de cette question d'ego, le refus se justifie par la volonté de ne pas laisser s'installer l'anarchie. Un collaborateur qui sait qu'il a toujours sa place «réservée» peut être tenté d'aller ailleurs voir s'il peut se faire une meilleure situation. De manière générale, «un départ est considéré comme un divorce, et chaque partie campe sur ses positions», explique Hamid El Othmani, DG de LMS-ORH (Organisation et ressources humaines). Est-il rationnel de s'en tenir à des principes aussi rigides? Il y a des experts en relations humaines qui répondent carrément par la négative. Leur argument paraît convaincant. Après quelques années de collaboration, un salarié peut sentir le besoin de prendre du recul pour relancer sa carrière ailleurs, ou parce que l'ambiance de travail est devenu délétère. Quelque temps après, rien n'empêche que les chemins se croisent à nouveau. Pour les tenants de cette position, l'important est que tout le monde y trouve son compte. Par exemple, dans les domaines d'expertise pointue où les compétences sont rares, les anciens collaborateurs sont souvent les bienvenus. Certains commerciaux ou directeurs de développement sont également sollicités, surtout s'ils ont fait un passage remarqué chez la concurrence. Dans la presse, ou encore dans la communication, les allers-retours sont monnaie courante et se font sans problèmes. Idem dans les administrations publiques, sauf que ce n'est pas souvent le cadre qui décide de son lieu d'atterrissage. Ces mouvements sont acceptés parce que, tout simplement, la raison peut l'emporter sur l'affectif. Pour l'entreprise, le retour d'un ancien collaborateur peut être avantageux à plusieurs niveaux. «Ils sont rapidement opérationnels, ils connaissent le mode de fonctionnement de l'entreprise, sa culture, son management… Ils peuvent capitaliser rapidement», note le DG de LMS ORH. En plus, leur retour minimise les erreurs de recrutement. Mieux, ils ont très souvent acquis de nouvelles compétences. «Certains mûrissent, acquièrent de nouvelles connaissances. Ils viennent donc apporter de la valeur ajoutée à l'entreprise», commente M. El Otmani. Les retrouvailles ne sont réussies que si la séparation s'est bien passée Pour le cadre, un come-back peut être bénéfique à condition de peser le pour et le contre. Il est important de penser à la revalorisation du statut, des responsabilités, des conditions de travail… «Oui au retour mais pas au retour en arrière. J'éviterais en tout cas d'occuper un poste de moindre envergure qu'auparavant. Je ne veux pas avoir l'impression d'avoir régressé professionnellement», explique Ali Daifi, contrôleur de gestion. Karim Chaoui, commercial dans une grande entreprise, estime pour sa part que le retour est synonyme d'un poste à responsabilités mais aussi de prétentions salariales. «En tant que bon commercial, il faut toujours bien négocier ce virage», dit-il. En somme, un revenant doit montrer qu'il ne vient pas en demandeur. Sinon, il risque de finir au placard ou de voir les perspectives de carrière se refermer. On doit certes s'assurer des conditions matérielles et de la bonne définition des nouvelles relations professionnelles, mais, apparemment, ces conditions sont insuffisantes pour assurer la réussite d'une réintégration. C'est l'avis de Ali Serhani, consultant chez Gesper Services. Soulignant d'abord qu'un départ est souvent motivé par la détérioration des relations, il précise qu'un retour ne doit être envisagé que si le management initial n'est plus en place. Le risque est de retrouver les mêmes problèmes. Vu sous un autre angle, pour que la greffe prenne, il est essentiel que la séparation se passe sans heurts. «Dès lors que le départ a eu lieu dans la dignité et la courtoisie et que les motifs de la réintégration sont bien expliqués, un employé qui revient peut se retrouver avec l'ancien employeur», détaille M. El Otmani. Bien évidemment, les «fortes têtes» et autres personnes difficiles ne sont pas prêts à se montrer chez leur ancien patron et ce dernier, s'il est rancunier ne sera pas prêt à faire un effort.