Le salarié doit préparer le terrain avant de démissionner s'il veut sortir par la grande porte. Les départs se passent mal lorsqu'il ont été mal préparés ou qu'ils se font dans un état émotionnel lié à la crainte ou dans la précipitation. Quand on démissionne, il faut savoir s'entourer de précautions et respecter un certain nombre de règles pour ne pas braquer son employeur et préserver l'avenir. Annonce de la nouvelle, bouclage des dossiers, relais avec le successeur… Explications de Patrick Barrau, expert coach et directeur associé de Maroc Devenir, cabinet spécialisé en ressources humaines. La Vie Eco : Une démission est toujours une décision délicate exigeant que l'on prenne des précautions. Comment appréhender le problème ? Patrick Barrau : Certes, la décision de démissionner n'est pas toujours facile à prendre, à moins que l'on se sente vraiment mal dans son environnement. L'entreprise, pour sa part, doit respecter la liberté de choix de ses salariés. Paradoxalement, si elle veut fidéliser ses collaborateurs, elle a même intérêt et le devoir de faciliter leur évolution de carrière, aussi bien en interne qu'en externe. Je pense par ailleurs que les dirigeants ne doivent plus craindre de voir leurs bons éléments s'en aller et qu'ils ont tout à gagner à rendre transparente l'évolution de carrière des collaborateurs, quitte à se séparer d'eux. Pour ce qui est du salarié qui veut partir, il ne doit pas perdre de vue que le monde du travail est assez petit et qu'il pourra être amené à rencontrer d'anciens collaborateurs ou d'anciens dirigeants. Alors, autant faire en sorte de se quitter en bons termes, quel que soit l'environnement dans lequel on vit. Quitter son entreprise n'est jamais facile pour les salariés. Souvent, ces derniers se laissent submerger par la dimension émotionnelle. La crainte de l'inconnu, l'impression de trahir viennent parasiter leur décision. Ils freinent en quelque sorte leur évolution de carrière. S'il y a bonne compréhension entre l'employeur et l'employé sur le développement des potentiels en toute liberté, il n'y aura plus de crainte à avoir, d'un côté comme de l'autre. Le fait que les dirigeants acceptent mal les démissions traduit-il un manque de professionnalisme ? On constate très souvent dans les entreprises, surtout les PME, que les dirigeants ont d'abord du mal à investir dans la formation par crainte de voir leurs bons éléments partir ailleurs. C'est un raisonnement absurde parce qu'il bride, en fin de compte, le développement des talents. Ces entreprises contribuent en quelque sorte à maintenir des bas niveaux de compétences. Les effets pervers peuvent en être ressentis dans tout un secteur d'activité. Quels sont les risques encourus par un salarié si l'entreprise découvre qu'il veut la quitter ? Il faut savoir que les dirigeants ont une fâcheuse tendance à se laisser prendre au dépourvu. Pour ma part, je suis partisan de la transparence parce que les gens se sentent en fait trahis lorsqu'il y a des non-dits. C'est pourquoi, l'employé doit réserver la primeure de l'information à son supérieur hiérarchique. Il doit prendre la précaution de l'avertir suffisamment tôt pour lui permettre de préparer sa succession. Un préavis de trois mois semble raisonnable. Il permet à l'employé de garder le même rendement jusqu'à la fin, de boucler ses dossiers de manière professionnelle, voire de prendre en charge le successeur, de manière à assurer le relais dans de bonnes conditions. Il est utile de souligner que quitter son employeur en bons termes permet de préserver l'avenir. Qui sait ? On peut être amené à retrouver les mêmes collaborateurs dans d'autres entreprises. Dans l'autre sens, plutôt que de s'irriter du départ d'un collaborateur, l'employeur devrait s'en réjouir parce que c'est une forme d'externalisation du développement des compétences et qu'il peut espérer le récupérer dans quelques années. Qu'est-ce qui provoque des conflits lors d'une démission? Les départs qui se passent mal sont ceux qui ont été mal préparés ou qui se font dans un état émotionnel lié à la crainte ou dans la précipitation. Il est important pour un dirigeant d'organiser un entretien de départ. Son objectif est de pouvoir discuter librement sur tous les points forts du collaborateur, les performances qu'il a réalisées, ainsi que les axes de progrès et les difficultés que vit l'entreprise. Il faut utiliser ce départ comme source de progrès pour les deux parties. Comment ménager la susceptibilité de la hiérarchie lorsqu'on la prend au dépourvu ? Si les relations sont très conflictuelles, l'employé ne doit en aucun cas se laisser impressionner par une attitude négative, voire agressive de la hiérarchie. On a vu certains managers se faire coacher dans ces moments délicats pour bien vivre le départ, bien l'organiser et partir dans de bonnes conditions. Cela veut-il dire que l'on doit préserver la confidentialité sur les intentions de départ ? Il y a toujours un moment propice pour annoncer la nouvelle. Mais on peut dire que la confidentialité est recommandée, surtout pour éviter tout risque de licenciement avant que le nouvel engagement n'aboutisse. Signalons par ailleurs que, même si le cadre est assuré d'un poste ailleurs, il ne doit en aucun cas utiliser cette assurance comme une arme pour obtenir des avantages dans son poste actuel . Même si le cadre est assuré d'un poste ailleurs, il ne doit en aucun cas utiliser cette assurance comme une arme de chantage pour obtenir des avantages dans son poste actuel. Patrick barrau Directeur associé de Maroc Devenir «On a vu certains managers se faire coacher dans ces moments délicats pour bien vivre le départ et bien l'organiser».