Le manager doit pouvoir distinguer parmi les différentes tâches, celles qu'il est le seul à pouvoir accomplir. La délégation ne peut se faire d'un seul coup, elle doit être progressive. A elle seule, la compétence de la personne ne suffit pas. Son honnêteté et sa moralité sont des qualités tout aussi importantes. Rachid M. est débordé. Entre la gestion des commandes, la paie des ouvriers, la gestion de la clientèle, la négociation des devis avec les fournisseurs, les réclamations et les réunions avec son patron, il ne sait plus où donner de la tête. Pour ce directeur des achats d'une PME immobilière, s'occuper personnellement de toutes ces tâches est devenu infernal. «J'avais du plaisir à le faire mais plus maintenant. Je délègue dès que c'est possible». La délégation permet de se concentrer sur les aspects stratégiques Même son de cloche pour Souad El Kohen Sbata, directrice associée du cabinet Artemis. «A partir du moment où l'entreprise grandit, on ne peut plus tout contrôler. Ne pas déléguer nuit forcément au développement de l'entreprise». On comprend par là que la délégation est devenue une nécessité. Le temps de «l'homme à tout faire» est révolu. Place au partage, à la responsabilisation et à l'implication. Pourtant, pratiquer la délégation suppose que l'on sache exactement en quoi elle consiste et à quoi elle engage. Trop souvent elle est mal perçue aussi bien par le patron que par les collaborateurs. Pour le premier, déléguer, c'est prendre des risques, partager des responsabilités qu'il sera le seul à assumer en dernier recours. Pour les seconds, c'est se voir «léguer» les tâches ingrates et sans intérêt. Cette ambiguïté apparaît chaque fois que la délégation n'est pas en parfaite cohérence avec le style de management (souvent non participatif) du dirigeant ou lorsqu'il n'y a pas véritablement de travail d'équipe. «Cela est dû notamment à la culture de l'entreprise et de la société en général. Les dirigeants ne sont pas encore prêts à partager leurs responsabilités. Pourtant, c'est vital», souligne Bouchaib Najioullah, DG d'Adéquation, cabinet spécialisé en organisation et ressources humaines. Et de continuer : «généralement les écarts de pouvoir sont énormes entre la hiérarchie et le personnel. Une telle situation pénalise carrément la prise de décision». Ceci étant dit, la délégation se prépare comme tout mode organisationnel. Au préalable, il s'agit de bien définir les tâches à déléguer, ses objectifs personnels, les qualités demandées au délégataire… «Généralement, une fiche de poste bien élaborée, ainsi que des entretiens d'évaluation permettent de définir l'étendue des tâches et des responsabilités de chacun, ainsi que les objectifs à atteindre. C'est important pour déléguer», souligne Rachid Ghzali, DRH du Groupe des Brasseries du Maroc. Du coup, le manager doit pouvoir aussi distinguer le travail qu'il est le seul à pouvoir accomplir du reste. Il ne faut pas oublier que l'avantage majeur d'une telle démarche est de se recentrer sur des activités novatrices ou stratégiques. La confiance n'exclut pas le contrôle Autrement dit, «cela permet notamment de réfléchir aux perspectives de l'entreprise, de construire une vision à long terme, de chercher de nouveaux produits…», souligne la DG d'Artémis. En tout cas, lâcher prise au début n'est pas toujours facile. «Accepter de déléguer, c'est accepter que d'autres fassent le travail. Et là ce n'est pas toujours évident. Pour cela, il faut mettre en place la bonne personne et la bonne procédure. Il faut aussi savoir que déléguer c'est faire confiance», explique Mme El Kohen Sbata. On comprend alors l'importance du choix de la personne car une délégation mal pensée peut causer des dégâts dévastateurs. Pour Jamal Krim, DG de Reco Act, cabinet spécialisé dans le recouvrement : «la compétence à elle seule ne suffit pas. Je privilégie également l'honnêteté et la moralité des personnes. Il faut être à l'aise lorsqu'on décide de déléguer. Dans le cas contraire, on reste soucieux». Il n'empêche qu'un suivi des tâches régulier permet de faire le point, mais il ne s'agit pas de contrôler les faits et gestes quotidiens. «Une certaine autonomie est nécessaire», précise le DG de Reco Act. Enfin, la réussite d'une délégation ne tient pas uniquement à ces éléments. Pour Bouchaib Najioullah, «il faut veiller à une répartition équitable des missions et mettre à la disposition des collaborateurs les moyens adéquats pour mener à bien leurs missions»