L'été suit son cours, et les vacances, pour de nombreuses personnes se déroulent tranquillement. La vie n'étant pas toujours un long fleuve tranquille, les audiences correctionnelles s'enchaînent au tribunal pénal de Casablanca. Durant cette période estivale, les magistrats, eux, ne chôment pas ; ils sont confrontés à une recrudescence, non du grand banditisme, mais des petits délits, infractions en tous genres et surtout des comportements inciviques. Cela va du bris de glace gratuit sur un véhicule en stationnement au vandalisme inutile sur les abribus, ou tout autre mobilier urbain. Les juges sont souvent bien embarrassés, car leur volonté profonde n'est pas d'embastiller tout le monde, et pour n'importe quoi, mais de faire des exemples, créer des précédents, pour inciter tous les vacanciers à faire preuve de modération dans leurs actes. Ils ont à leur disposition un arsenal juridique complet, couvrant l'ensemble des situations envisageables. On constate alors que le vocabulaire juridique utilisé est tout en nuances, sans doute afin de ne pas épouvanter les justiciables, et c'est ainsi que l'on constate que la Justice aime bien les situations... comment dire, quelque peu paradoxales. Prenons par exemple certains termes utilisés couramment dans les prétoires, et que les juristes connaissent bien. Le tribunal peut condamner quelqu'un à 3 mois de détention, pour une ILS, autrement dit une «infraction à la législation sur les stupéfiants», en l'occurrence, comme on le trouve souvent dans les PV de police, pour «détention, vente, offre, cession ou consommation» de drogues, quelle que soit la nature de la drogue en question. Dans la salle, la famille du prévenu s'affole: «Qu'est-ce qu'il a dit ? Trois mois ? Il va aller en prison ?»; En fait non, car le tribunal a assorti sa sentence d'un sursis, et ne va pas délivrer, à l'audience, un mandat de dépôt. Ce qui signifie que le prévenu, jugé, va quitter les lieux, libre comme l'air, bien qu'il soit condamné. Et à part le sursis, les juges aiment bien aussi l'imprécision, histoire de laisser mijoter un peu le justiciable. Ainsi, quand ils mettent quelqu'un en détention, celle-ci est toujours qualifiée de «préventive», c'est-à-dire, en gros, «on vous incarcère...mais on ne sait pas pour combien de temps, on verra ça plus tard... !». Et en été, durant les vacances judiciaires, les juges partent en vacances, pendant que celui qui est en cellule aimerait bien que l'on statue sur son cas tout de suite. Mais non, ce n'est pas comme ça que cela se passe, on l'a déjà dit dans ces colonnes, la notion de temps chez les magistrats n'est pas la même que chez les citoyens ordinaires. Pour ce qui est des libertés,... et de la liberté tout court, le constat est le même. Les juges, dans leur grande mansuétude, ont-ils décidé de relâcher un prévenu emprisonné ? Oui, certes, mais dans ce cas, ce dernier bénéficiera... «De la liberté provisoire». Histoire de lui rappeler que l'épée de Damoclès est suspendue sur sa tête, et qu'au moindre faux pas, aussi bénin soit-il, il retrouvera les joies de la détention. Récemment, dans une banale affaire de rixe entre fêtards éméchés, le juge était appelé, selon les souhaits (et les réquisitions musclées) du Parquet, à frapper un grand coup, afin de dissuader les futurs vacanciers de tous excès dus à une consommation excessive d'alcool. Le magistrat ne l'a pas suivi dans cette voie, et a préféré faire une leçon de morale aux protagonistes, déclarant en substance : «Vous avez commis des infractions, des bêtises, et vous avez causé des torts à autrui. Pour autant, vous condamner, ici même, reviendrait à obérer votre avenir, que je souhaite correct. Donc, pour cette fois, il n'y aura pas de condamnation, mais un simple rappel à l'ordre, sans mention au casier judiciaire». Qui a dit qu'on manquait de vocabulaire, dans les prétoires, et qui ignorait que les juristes sont des puristes de la langue, qu'elle soit arabe ou française ? Et donc, nous ne pouvons qu'inciter nos fidèles lecteurs à la modération dans tous les domaines.