Après une phase de croissance rapide du crédit entre 2005 et 2011, le financement bancaire a ralenti autour de 3%, entre 2012 et 2017. La relation entre la finance et la croissance économique devient négative et peut même conduire à des crises à partir d'un ratio crédit/PIB variant de 80% à 100%. Un système financier développé peut constituer un avantage comparatif. La finance génère-t-elle de la croissance économique, ou est-ce cette dernière qui est à l'origine du développement des systèmes financiers ? Voilà une question qui divise, depuis bien longtemps, les académiciens. Certains estiment, en effet, que le rôle de la finance dans la croissance économique a été «excessivement amplifié» et que l'offre financière n'est qu'une «réponse automatique» aux besoins exprimés par les entreprises, en matière de financement. Selon eux, «là où les entreprises avancent, la finance se contente de suivre». D'autres considèrent, en revanche, que lorsque le système financier est suffisamment sophistiqué, il contribue à une meilleure allocation des ressources et au soutien de la croissance économique. D'après eux, dans des secteurs qui se caractérisent par une forte asymétrie d'information, l'intermédiation financière peut remédier aux problèmes de la sélection adverse et de l'aléa moral et réduire les coûts des transactions entre les prêteurs et les emprunteurs. C'est pour débattre de ces problématiques que Bank Al-Maghrib, l'Université Cadi Ayyad de Marrakech et The Bernoulli Center for Economics de l'Université de Bâle ont organisé, les 23 et 24 avril à Rabat, la troisième édition des Journées internationales de macroéconomie et de la finance (JIMF), sous le thème : «La finance au service de la croissance». La rencontre a réuni des professeurs universitaires marocains et étrangers et des représentants de Banques centrales et d'institutions nationales et internationales, en provenance d'une dizaine de pays : Australie, Angleterre, Etats-Unis, France, Grèce, Italie, Maroc, Mexique, Suisse et Tunisie. Soutien au financement des PME De l'avis d'Abderrahim Bouazza, D.G. de Bank Al-Maghrib, «l'expérience internationale a montré que les économies qui disposent de systèmes financiers développés présentent un avantage comparatif avéré». Il a néanmoins reconnu que «la mondialisation et l'intégration de plus en plus importante des marchés financiers sont susceptibles d'exercer des effets profondément adverses sur la croissance et l'emploi». Au Maroc, les mesures prises par les pouvoirs publics, au cours de ces dernières décennies, ont permis au système financier de jouer un rôle de premier plan dans le financement de l'économie. Toutefois, après une phase de croissance rapide du crédit de 16% en moyenne, entre 2005 et 2011, le financement de l'économie par le système bancaire a ralenti autour de 3% en moyenne, entre 2012 et 2017. Ce ralentissement s'explique par des facteurs liés aussi bien à la demande qu'à l'offre du crédit. Ce qui a conduit Bank Al-Maghrib à mener une politique monétaire «accommodante» et à mettre en place des dispositifs spécifiques pour soutenir le financement des PME. Dans le même sens, le gouvernement a renforcé les systèmes de garantie des crédits bancaires bénéficiant aux PME, ainsi que les mesures d'accompagnement au profit de cette catégorie d'entreprises. La réglementation prudentielle, un frein ? Si le système financier marocain n'a pas été directement affecté par la crise financière de 2008, en raison de sa déconnexion avec le système financier international, le Royaume en a néanmoins subi les effets, à travers les canaux réels. C'est ainsi que la croissance économique non agricole a ralenti, suite à cette crise, et se situe en moyenne autour de 3%, au cours de ces cinq dernières années, contre près de 5% entre 2001et 2008. Ce qui n'est pas suffisant pour résorber le chômage qui reste très élevé, en particulier chez les jeunes. Pour Mustapha Ziky, professeur à l'Université Cadi Ayyad, la question est de savoir si le système financier marocain, prédominé par l'intermédiation bancaire, est en mesure de mobiliser l'épargne suffisante et d'assurer une allocation optimale des ressources. Par ailleurs, même si elle assure une certaine stabilité au système financier, la réglementation prudentielle ne constitue-t-elle pas un frein au financement des entreprises ? Enfin, l'internationalisation du secteur bancaire marocain, notamment à travers le continent africain, n'est-elle pas source de vulnérabilité pour le système financier ? Jean-Paul Pollin, professeur à l'Université d'Orléans, a, quant à lui, révélé qu'à partir d'un ratio crédit/PIB variant de 80% à 100%, la relation entre la finance et la croissance économique devient négative et peut même conduire à des crises. Il a également fait remarquer qu'entre le milieu des années quatre-vingt et 2010, le ratio crédit/PIB est passé de 60% à 120%, à l'échelle mondiale. Durant la même période, la capitalisation boursière a augmenté de 20% à 100% du PIB, les transactions boursières de 20% à 150% du PIB et les transactions sur le marché des changes de 5 à 65 fois le PIB. Ce «gonflement des marchés financiers» se heurte, dans les pays développés, à un faible taux de croissance sur le long terme, appelé «Stagnation séculaire». Même si elle est établie, la relation positive entre finance et croissance économique demeure, dans ce cas, faible. La preuve en est qu'au niveau international, les grandes banques ont renoué avec les résultats d'avant la crise de 2008 et les bonus coulent à flot, sans que la croissance des pays industrialisés n'évolue à un rythme soutenu et continu.