La filière du denim représente 27 % de l'ensemble des exportations textiles. Une dizaine d'entreprises dominent la branche de la confection du jeans. Malgré les investissements massifs en amont, dans la filature, le Maroc continue d'importer 30 millions de mètres de tissus. On a longtemps entendu dire que le denim était l'une des filières locomotives du secteur des textiles au Maroc. Mais, aussi étonnant que cela puisse paraà®tre, aujourd'hui, il n'existe aucune donnée chiffrée pouvant renseigner sur la place réelle qu'occupe la filière du denim (ou du jeans) dans le textile marocain ou encore sur les exportations de denim et de produits finis. En effet, ni le ministère du commerce et de l'industrie ni l'Association marocaine des industries du textile et de l'habillement (Amith), encore moins les industriels, ne disposent de données chiffrées sur cette filière. Et pour cause, l'actuelle nomenclature douanière, d'ailleurs contestée par les chefs d'entreprises, est tellement condensée et comporte des familles de produits tellement larges qu'elle ne permet pas une classification en valeur et en volume des articles exportés. Les articles en denim (tissus et produits finis), par exemple, sont classés dans la rubrique «articles en coton». Pour cerner le positionnement de cette filière dans le secteur textile marocain, il faudra donc se contenter des estimations approximatives communiquées, avec des réserves, par les industriels de la filière. Retenons, à ce titre, que le Maroc produit aujourd'hui quelque 60 millions de mètres de denim et que les exportations représenteraient environ 27% des exportations textiles globales. Les importations européennes à partir du Maroc ont crû de 2% en 2005 La filière connaà®t actuellement une évolution importante aussi bien au niveau de la distribution que de la production industrielle, souligne en substance Mohamed Tamer, président de l'Amith et dont l'entreprise, Bogart SA, vient de signer un contrat de distribution exclusive de la marque Levi's (voir encadré ci-contre). En 2005, pourtant année de crise grave pour le secteur textile, cette filière avait enregistré une croissance intéressante qui, une fois encore, ne peut être évaluée. Cependant, on retiendra, d'après des statistiques européennes, que les importations à partir du Maroc avaient enregistré cette année-là une hausse de 2 %. En 2006, les donneurs d'ordre étrangers sont revenus au Maroc car l'expérience avec la Chine n'a pas été très concluante. Par conséquent, des fabricants locaux ont investi de nouveau dans l'augmentation de la capacité de production par l'extension des unités existantes ou carrément en en construisant de nouvelles. Ainsi en 2006, la commission des investissements a validé deux gros projets dans la filière du denim. Il s'agit du groupe italien Legler, en partenariat avec le groupe marocain Atlantic Confection et de l'américain Fruit of the Loom (Fol). Ces investissements sont venus renforcer la filière du denim qui est totalement intégrée. «Ce qui est un atout qui permet au Maroc de se positionner sur les marchés étrangers face à la rude concurrence des pays comme la Tunisie, la Turquie, l'Egypte, les pays de l'Est ou encore la Jordanie», observe Badr Kanouni, DG de Settavex. Ainsi, le groupe Snoussi a réalisé trois gros investissements, notamment avec le groupe Legler (1,2 milliard de DH), Atlantics Denim (300 MDH) et Martelli & Partner (300 MDH), qui lui permettront de renforcer son assise à l'étranger. Sur la confection et le tissage d'abord, puisque le partenariat avec Martelli & Partener permettra la confection de 30 000 pièces par jour. Côté délavage, les nouvelles entités permettront d'augmenter la production de Top Wash, entreprise créée en 1990. De 25 000 pièces par jour environ, elle est passée à 85 000, soit 60 000 pièces supplémentaires. Globalement, le groupe Snoussi exporte, aujourd'hui, 18 millions de pièces par an dont 6 millions pour le jeans. Le groupe est en affaire avec les grandes marques étrangères, notamment Dior et Diesel. De son côté, Fruit Of The Loom a créé une unité de filature, tissage et teinture à Skhirat et table sur un chiffre d'affaires de 1,5 milliard de DH à partir de 2008-2009. L'investissement s'élève à 1,4 milliard de DH et a généré environ 1 150 emplois. Quant au leader du marché du denim, Settavex, filiale du groupe espagnol Tavex, il a investi 530 MDH pour faire passer sa capacité de production de 12 à 20 millions de mètres. Pas d'inquiétude face aux Chinois L'industrie du denim, avec ces quatre unités phare, produit aujourd'hui 60 millions de mètres dont l'essentiel est destiné aux marchés étrangers et le reste écoulé auprès des confectionneurs exportateurs nationaux. Cette production, toutefois, ne couvre pas les besoins des entreprises locales puisque le Maroc importe, en plus, 30 millions de mètres par an. Du côté de la confection des articles en jeans, une dizaine d'entreprises dominent le marché et destinent la quasi-totalité de leur production à l'exportation. Les confectionneurs travaillent essentiellement avec les grands donneurs d'ordre européens car la proximité du Maroc offre d'importantes opportunités aux opérateurs locaux. Certains d'entre eux ciblent les Etats-Unis, même si ce débouché reste un marché de masse difficile à aborder pour les entreprises nationales qui ont intérêt à jouer la carte des produits à forte valeur ajoutée. Et les derniers investissements réalisés dans la filière participent à la présentation d'une offre de meilleure qualité. Pour 2008, Abderrahmane Atfi, patron de Med Sourcing (tissage et filature) et d'Elit Sportswear (confection), explique que la visibilité est bonne eu égard au retour des donneurs d'ordre étrangers qui apprécient la qualité du produit marocain. Un argument que mettent d'ailleurs en avant les industriels qui disent ne pas être inquiets de la levée, depuis le 1er janvier, des quotas qui frappaient les importations européennes de produits chinois.