Le reste à recouvrer dépasse 19,5 milliards de DH et augmente de 7,5% en moyenne annuelle. La taxe d'habitation, la taxe des services communaux et la patente pèsent environ 85% des arriérés. L'Administration fiscale sévira à l'extinction des fenêtres de régularisation. L'Administration alterne le bâton et la carotte pour atteindre ses objectifs de recettes. L'Exécutif vient de verser dans le circuit d'adoption un article unique amendant la loi 47-06 sur les collectivités locales et instaurant une amnistie partielle sur les pénalités des taxes locales antérieures à 2016. Sont concernées les majorations, amendes, pénalités et frais de recouvrement afférents aux taxes, droits, contributions et redevances dus aux régions, préfectures, provinces et communes, y compris la taxe urbaine et la patente mis en recouvrement avant le 1er janvier 2016 et restées impayées avant le 1er janvier 2018, à condition que les contribuables concernés acquittent le principal desdits impôts avant le 1er janvier 2019. L'amendement précise également que les contribuables qui n'ont que des majorations, des pénalités et frais de recouvrement demeurés impayés avant le 31 décembre 2017 bénéficient d'une exonération d'office et totale. Depuis 2008, année d'adoption de la loi sur les collectivités locales, les dispositions touchant les recettes et les dépenses de ces entités ne peuvent plus être modifiées dans le cadre des Lois de finances. D'où ce projet d'amendement relatif à l'amnistie. «Il s'agit d'une promesse donnée par le ministre de l'économie et des finances en personne lors des débats en commissions de la LF 2018», confie un membre de la commission finances de la deuxième Chambre. Autrement dit, il s'agit d'un formalisme, voire un artifice dont l'Exécutif doit user pour étendre le bénéfice de l'amnistie relative aux taxes de l'Administration centrale (TVA, IS, IR…) -déjà accordée au niveau de la Loi de finances- aux taxes locales. Une source ministérielle affirme que l'amnistie est, en principe, accordée et son texte sera prêt, avec le package global des dispositions fiscales de l'Administration, vers la fin de janvier pour que les contribuables et redevables puissent en bénéficier le plus tôt possible. A l'instar des taxes de l'Etat, l'objectif avoué de l'Exécutif est d'assainir la situation fiscale des contribuables et de renforcer les recettes des collectivités. La moitié des arriérés date d'après 2008 Qu'est-ce que cela veut dire en termes chiffrés ? Selon les données exclusives recueillies auprès de sources proches du gouverneur chargé de la fiscalité locale, les majorations et pénalités ne dépassent pas 2,5 à 3% du reste à recouvrer au titre des taxes, redevances et impôts locaux, soit quelque 600 MDH. Le reste à recouvrer culmine, lui, à plus de 19,5 milliards de DH actuellement. Il y a cinq ans, l'on était à 16,8 milliards. Les arriérés augmentent chaque année de 7,5% en moyenne. Dans le détail, l'on note la prédominance des restes à recouvrer des taxes locales gérées par l'Etat, notamment les taxes d'habitation, taxes des services communaux et patente (environ 85%). Les taxes gérées par les communes elles-mêmes représentent moins de 15% du reste à recouvrer. Ces dernières se composent de la taxe sur la dégradation des chaussées, taxe de légalisation des signatures et de certification des documents, droits d'abattage, droits perçus sur les marchés et lieux de vente publics, droit de fourrière, droit de stationnement sur les véhicules affectés à un transport public de voyageur, droits d'état civil, redevance sur les ventes dans les marchés de gros et halles aux poissons, redevance d'occupation temporaire du domaine public communal, redevance d'occupation temporaire du domaine public communal par des biens meubles et immeubles liés à l'exercice d'un commerce, d'une industrie ou d'une profession, contribution des riverains aux dépenses d'équipement et d'aménagement. Par ancienneté, les créances antérieures à 1999 ne représentaient que 10% du montant global ; celles datant de 1999 à 2008 pèsent environ 40% de l'ensemble des restes à recouvrer ; tandis que les plus récentes représentent la moitié du montant global. Elément majeur à relever : le taux de recouvrement annuel est relativement élevé (environ 90%) alors que celui consolidé (émissions de l'exercice et restes à recouvrer) est plus bas, ne dépassant pas 28%. Il se trouve que ce taux de recouvrement s'accroît en moyenne de 4,7%, niveau insuffisant pour éponger les restes à recouvrer (lesquels s'amplifient de 7,5% chaque année !). En instaurant cette amnistie, l'Administration veut rattraper le retard structurel du recouvrement. Nos sources au ministère de l'intérieur confient que l'objectif est de recouvrer 3 milliards de DH des taxes et impôts locaux. L'Etat veut rééditer l'exploit de l'amnistie de 2013 (la dernière du genre) au cours de laquelle 2,2 milliards de DH ont été collectés sur un objectif initial de 2,2 milliards. Selon le rapport de la Cour des comptes datant de mai 2015, cette mesure prise dans le cadre de dispositions d'incitation au paiement des impôts en 2013 a contribué, dans une certaine mesure, à l'amélioration du recouvrement des taxes locales. Le taux d'augmentation des restes à recouvrer a chuté de 12% en 2012 à 5% en 2013. Manque de moyens et de coordination dans le recouvrement des taxes Selon la Cour des comptes, l'évolution du reste à recouvrer traduit clairement la non-maîtrise du processus de recouvrement et une propension préoccupante à l'aggravation des arriérés. Les responsables de la DGI expliquent, pour leur part, que l'inefficacité du recouvrement est liée en premier lieu à l'absence de contrôle fiscal au niveau local, notamment au niveau des communes. Aussi, d'importantes insuffisances sont constatées en matière d'identification des contribuables soumis aux taxes locales (environ 6,5 millions avec un rythme moyen de croissance annuelle de 3%). Le déficit enregistré est dû en partie à l'accumulation de retards en matière de prise en charge, notamment en raison de la forte croissance ayant impactée des secteurs tels que la construction ainsi que le rythme soutenu de création d'entreprises. Cette conjoncture économique favorable n'a pas été accompagnée par le renforcement des moyens nécessaires à l'Administration fiscale. De plus, la difficulté à recouvrer et suivre les taxes locales provient du nombre et de la grande diversité de ces taxes. Leur nombre dépasse aujourd'hui les 17 (3 pour les régions, 3 pour les provinces et préfectures et 11 pour les communes). A cela s'ajoute la multiplicité des intervenants. La DGI, la TGR, les services communaux... gèrent en effet la même assiette. En même temps, ces intervenants ne coordonnent pas entre eux et ne prévoient pas de structures d'accueil et d'orientation pour les contribuables. El Mehdi El Fakir, expert-comptable et consultant, ajoute que les impôts locaux constituent un grand sujet qui pollue la relation entre les contribuables et l'administration fiscale. Pour lui, l'amnistie est une initiative louable de l'Etat pour assainir le stock et permettre aux contribuables de régulariser leurs situations et partir sur de nouvelles bases. Sachant que rien ne garantit que ce genre d'aubaines soit reconduit, d'autant plus qu'une amnistie globale n'est pas du tout à l'ordre du jour, selon les responsables de la DGI. D'où l'intérêt pour les redevables de saisir cette fenêtre et apurer leurs arriérés une fois pour toutes. «Après cette amnistie et d'autres mesures d'incitations déjà accordées dans la Loi de finances, le fisc prônera dans le futur plus de rigueur vis-à-vis des contribuables», concluent nos sources. [tabs][tab title ="Le projet de loi portant réforme de la fiscalité locale bien avancé"]Pour dépasser les carences relevées dans la gestion et le recouvrement des taxes et impôts locaux, le ministère de l'intérieur va verser, au premier trimestre 2018, un projet de loi portant réforme des lois 47-06 et 39-07 dans le circuit d'adoption. Les dispositions du nouveau projet de loi sont prévues de manière à accroître les recettes sans augmenter la pression fiscale. Cela passe par l'élargissement de l'assiette, le recensement plus affiné des contribuables et leur sensibilisation au rôle des taxes dans l'amélioration du cadre de vie, et l'utilisation des NTIC pour les informer. Aussi, le projet de loi va réduire significativement le nombre de taxes aujourd'hui dépassant les 17. Pour aller vers des règles de calcul cohérentes avec la réalité économique, le projet de loi compte aussi réviser les bases de calcul des taxes locales. Un autre axe de la réforme porte sur l'introduction de dispositions pour rehausser la responsabilité et la reddition des comptes des élus locaux dans le recouvrement des taxes et redevances. Par ailleurs, le texte va investir les collectivités territoriales de nouvelles prérogatives comme l'y prédisposent les lois organiques et le nouveau cadre de la régionalisation avancée. Enfin, il est question d'améliorer la gouvernance de la fiscalité locale à travers des dispositions sur l'organisation et la délimitation des responsabilités des différentes administrations (DGI, TGR et services communaux).[/tab][/tabs]