Cette semaine, c'est l'annonce de la rentrée des classes politiques. Les cloches font entendre leur tintement. Une rentrée qui s'annonce délicate et lourde de menaces. De la politique à la diplomatie, en passant par l'économique et le sécuritaire, l'agenda de la rentrée est chargé de risques, d'incertitudes sur le profil que prendra l'année. Dès le mois d'octobre, le Maroc prendra un nouveau visage politique. Tout ce qu'il faudrait espérer, en cette nouvelle échéance électorale, est que la voix du pays réel ait les moyens de se faire entendre du pays officiel....pour que le pessimisme des esprits soit banni. Il est à craindre que l'Etat, par des techniques d'ajustement, à la fois fines et complexes, faite d'un dosage d'incitation, de pression et de neutralité, cherche à faire prévaloir une configuration finale qui soit acceptable dans sa logique politique. Il est à craindre aussi que les partis se placent dans une logique de préférence pour des candidats capables de gagner des sièges, la notion de capacité s'identifiant aux ressources financières mobilisées dans la campagne. De cette compétition politique faussée sortirait des urnes un paysage politique toujours aussi éclaté, laissant une large manœuvre à une composition d'alliances où la cohérence idéologique et les affinités politiques ne seront pas de mise. Or, le renouveau suppose une condition élémentaire : la capacité de la politique, aujourd'hui désenchantée, de proposer des repères, une vision, bref de donner du «sens» à notre destin collectif. La rentrée diplomatique n'est pas moins inquiétante. Après une absence de trente ans, le Maroc a décidé de reprendre sa place dans l'organisation africaine. Ayant élargi, enrichi ses relations bilatérales, il ne se trouve pas moins dans une position handicapante à l'échelle multilatérale. La présence dans les coulisses de l'agora africaine et le portage de ses positions par des pays amis devenaient de moins en moins efficaces. En toute logique, le retour s'imposait, d'autant plus que le projet d'autonomie piétine, que l'UA fait des percées au sein des Nations Unies pour se faire reconnaître comme interlocuteur dans la gestion du conflit du Sahara. Le Maroc a marqué des points, mais les signaux émis de Kigali ne sont pas tous positifs. Et le combat ne fait que commencer; il sera sans merci, il prendra des formes multiples : batailles de procédures, de communication, de lobbying, parsemées de menaces et d'affrontements. L'Algérie malade, en proie à une hystérie encore plus violente, soutenue par nos adversaires, ne reculera devant aucun procédé pour contrer l'initiative du Maroc. Alors, à la veille de la formation de la nouvelle commission de l'UA et de la tenue de l'assemblée des Nations Unies, il nous faut concevoir une approche plus collective, plus mobilisatrice de nos ressources institutionnelles, de nos capacités d'expertise pour définir un plan de bataille cohérent et efficace. Il faut respecter nos amis et nos futurs alliés dans notre discours, notre offre de coopération. Telles sont les conditions de succès. L'autre dossier diplomatiquement épineux est celui de la décision de la Cour de justice de l'UE. La Cour a entamé l'examen du pourvoi en appel formé par le Conseil de l'UE contre l'arrêt du tribunal rendu en décembre 2015 annulant l'accord agricole avec le Maroc, au motif qu'il s'applique aussi au Sahara. Le verdict est attendu pour novembre. La question se pose pour tous les accords que nous avons signés avec l'UE et notamment l'accord de pêche qui suit actuellement la même procédure par la Cour européenne de justice. C'est tout l'édifice de la relation que l'on a bâtie avec l'UE qui risquerait d'être ébranlée. Cette crise diplomatique a tout intérêt à prendre fin rapidement. De l'issue de ce procès dépendra le futur des relations entre le Maroc et l'Union européenne. Les frictions diplomatiques avec la Mauritanie sont une autre source d'inquiétude. Le froid avec le voisin du Sud ne date pas d'hier. Une affaire encore non résolue malgré le ballet des diplomates marocains et mauritaniens. Aujourd'hui, l'inquiétude de voir le Polisario s'engouffrer dans cette brèche est sérieuse. La question sécuritaire est un autre volet problématique de la rentrée. Au Maroc et dans la région, cette menace est aujourd'hui multiforme. Elle conjugue des éléments ancrés dans l'environnement régional, comme la tension autour du conflit du Sahara ou la défaillance de l'autorité des Etats dans la bande sahélienne, et la nouvelle donne constituée par l'implantation de Daesh en Libye. Aujourd'hui, l'ennemi est beaucoup plus difficile à identifier, et la menace n'est pas localisée: tous les pays sont exposés à la violence. Des priorités s'imposent face au défi d'une menace terroriste désormais permanente et diffuse: assurer la sécurité des citoyens en étoffant les instruments existants, prévenir la radicalisation et coopérer avec les partenaires de la région. Enfin, la rentrée économique aura un goût particulier. Elle sera suspendue au calendrier électoral. Certes, la préparation du projet de Loi de finances (PLF) pour 2017 est lancée. Les orientations du gouvernement en matière de dépenses pour l'année prochaine sont fixées. Mais la configuration finale de la Loi de finances dépendra des résultats des élections et du profil du nouveau gouvernement. La politique macroéconomique aura pour principal objectif la poursuite du redressement des équilibres internes et externes. La nouvelle équipe aura à poursuivre les efforts pour réduire le niveau de la dette publique sur le moyen terme, préserver les marges de manœuvre pour une croissance inclusive, opter pour un régime de taux de change plus flexible, relancer la compétitivité de l'économie. Quant au modèle de développement, son changement demandera du temps. En somme, une rentrée pleine d'embûches. Croisons les doigts.