Mohammed VI était parmi les chefs d'Etats les plus attendus, lors du sommet UA-UE tenu les 29 et 30 novembre à Abidjan. À l'issue du sommet, le roi a eu des entretiens importants, à l'image de la rencontre surprise avecJacob Zuma, le président de l'Afrique du Sud. Driss Lagrini, professeur des relations internationales à l'Université de Marrakech nous éclaire sur la nouvelle politique africaine du royaume. Dans son discours au sommet UA-UE, le roi a affirmé que « si l'Union du Maghreb Arabe (UMA) avait réellement existé, nous serions plus face au défi migratoire ». Est-ce l'annonce d'un divorce entre le Maroc et l'UMA, que Mohammed VI tentait d'annoncer ? Je ne pense pas que c'est la fin de l'UMA, au contraire le roi l'avait déjà critiquée durant son dernier discours à Addis Abeba et cela prouve que le royaume a toujours de l'intérêt pour cette union. Vous savez, le renforcement du Maghreb est indispensable, voire obligatoire, le fait que le Maroc a décidé de renforcer sa diplomatie vers l'Afrique subsaharienne ne veut en aucun cas dire qu'il a tourné le dos au Maghreb. L'UMA a la responsabilité aujourd'hui de renaître pour faire face aux défis stratégiques de la région. La situation des migrants en Libye en est un parfait exemple, la faiblesse de l'UMA n'a pas permis une coopération pour régler un problème qui pouvait être résolu en quelques jours.
La rencontre au sommet entre le roi et Jacob Zuma, président de l'Afrique du Sud, traditionnellement favorable au Polisario, était une surprise. Elle est également la première de son genre sous l'ère de Mohammed VI. Qu'en pensez-vous ? Depuis son retour à l'Union Africaine, le Maroc a révolutionné sa diplomatie avec les Etats du continent. Notre nouvelle logique diplomatique veut que le Maroc ne boycotte plus les pays qui reconnaissent le Polisario. Le rejet de la politique de la chaise vide a permis à la diplomatie marocaine de s'ouvrir sur de nouveaux pays comme l'Afrique du Sud, qui est censée être un partenaire important dans le continent. La grande bataille diplomatique qui attend le Maroc aujourd'hui concerne l'effacement de tous les amalgames sur notre pays, cumulés depuis que nous avons quitté l'Union africaine au début des années 80. Pour y arriver, le Maroc a décidé de faire du lobbying dans les couloirs de l'Union africaine et aller à la rencontre des Etats avec lesquels il y avait une certaine froideur diplomatique, notamment l'Afrique du Sud. Il n'y pas que le cas de l'Afrique du Sud, mais également d'autres pays comme l'Angola, qui ont pu construire des Etats modernes et qui ont renouvelé leurs élites politiques et économiques, avec une nouvelle génération de responsables conscients des enjeux stratégiques et de l'intérêt du continent. Certains observateurs considèrent que le Maroc a fait beaucoup de compromis, en acceptant de participer aux événements de l'UA aux côtés du Polisario. Êtes-vous du même avis ? Je doute fort que les dirigeants de la diplomatie marocaine, avant de décider le retour à l'UA, n'aient pas pensé au fait qu'ils allaient s'asseoir à côté de représentants du Polisario. Le retour est une conviction chez le Maroc qui a compris qu'il faut couper le chemin à l'Algérie et au Polisario, car en l'absence du Maroc de l'UA, il n'y avait qu'une seule voix et un seul avis s'agissant du dossier du Sahara. L'enjeu du retour à l'UA et de la nouvelle politique africaine du Maroc dépasse les questions politiques qui concernent l'intégrité territoriale du pays et le dossier du Sahara, mais le retour à l'UA permettra au Maroc de défendre ses intérêts stratégiques en Afrique, dans les pôles économique et sécuritaire.