L'économie marocaine est-elle dans le rouge ? Les derniers chiffres officiels ne présagent rien de bon pour le dernier trimestre et pour l'année 2012. Si la croissance était positive au premier trimestre (4,9%), grâce à la demande interne, d'autres indicateurs sont sur une pente glissante. Les Investissements Directs Etrangers (IDE) sont en baisse de 18% durant cette même période, les dépenses sont en hausse de 10%, dont ceux réservées à la Caisse de compensation qui a consommé à ce jour 2/3 de l'argent qui lui a été allouée dans la Loi de finances 2011. Les salaires des fonctionnaires sont également en hausse de 7%, suite à la facture du dialogue social (5 milliards de DH) alors que le scénario initial prévoyait que les administrations se serrent la ceinture pour une réduction de 10% de leurs dépenses Stabilité versus investissement Miloudi Moukharik, secrétaire général de l'Union marocaine du travail (UMT) ne se veut pas être alarmiste. «L'analyse économique avec comme critère des chiffres n'est pas valable dans une situation où les relations sociales sont tendues, marquées par beaucoup de grèves et de tensions. Notre analyse est sociale avec comme critères la stabilité et la solidarité sociale», explique le SG de l'UMT. Pour sa part, Bouchaib Benhamida, président de la Fédération national des BTP (FNBTP) et membre de la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM) se dit «inquiet» face à la situation économique du pays. «Le creusement du déficit budgétaire [-4%] et la situation de déséquilibre de la balance commerciale [couverture des importations par les exportations de moins de 50%] sont peu rassurants. Ce qui nous inquiète encore plus c'est la réduction du budget d'investissement en faveur du budget de fonctionnement», prévient le président de la FNBTP. Si le budget de fonctionnement est en hausse de 7%, celui de l'investissement est en baisse de 16%. Les 22.8 MM DH prévus aux investissements n'ont pas atteint les 19.2 MMDH à fin mai 2010. Pour M. Moukharik de l'UMT, les chiffres ne disent pas tout. «Faire une lecture strictement macro-économique est insuffisante, il faut avoir surtout une grille de lecture politique et sociale. Dans un contexte régional et national en ébullition, qu'a connu son apogée en avril dernier avec plusieurs grèves nationales dans des secteurs stratégiques, l'Etat était obligé de répondre positivement, malgré qu'il ne répond pas à nos revendications. Au final, le résultat du dialogue social n'est qu'une mesure pour améliorer la répartition de la richesse dans le pays.», affirme ce dirigeant syndical. B. Benhamida président de la FNBTP appelle «le gouvernement à assumer ces responsabilités. Les réductions du budget d'investissement touche directement notre secteur qui pouvait auparavant avoir un carnet de commande important». Le membre de la CGEM espère que le Maroc pourra éviter une crise semblable «aux terribles années de Programme d'ajustement structurel (PAS), où les opérateurs économiques n'avaient rien à se mettre sous la dent». Pas de marge de manœuvre pour le prochain gouvernement Cette situation économique tendue complique l'élaboration de la prochaine Loi de finances (LF). «Les perspectives budgétaires pour l'année 2012 ne semblent pas offrir des marges de manœuvre suffisantes pour faire jouer à la dépense publique un rôle de premier plan de soutien à l'activité et à la croissance. Le bouclage difficile du budget de l'année 2011 avec les charges supplémentaires induites, entre autres, par les revalorisations salariales et les dépenses de compensation est à ce titre assez révélateur», observent les analystes du Centre marocain de la conjoncture (CMC) dans leur lettre d'information de juillet. Retard dans la préparation Un gros mystère pèse encore sur la prochaine LF, surtout qu'un retard a déjà été noté dans sa préparation. Les membres du gouvernement n'auraient pas encore reçu la lettre de cadrage du futur budget de la part de la Primature. Est-ce que cela devrait-être fait lors du prochain Conseil de gouvernement prévu jeudi ? Côté CGEM, son lobbying devrait commencer dès que le duo Horani-Tamer rentre de leurs vacances. Un mois d'aout très chaud en perspective. PIB 2012. Les prévisions du HCP et du CMC. Dans son budget économique exploratoire de 2012, publié en juin, le Haut commissariat au plan (HCP) estime la croissance du PIB en 2011 à 4,8% et pour 2012 à 4,5%. Le secteur primaire connaitrait une légère hausse de 1,5%, alors que les activités non agricoles maintiennent un rythme d'accroissement à 4,9%. L'équipe du CMC table sur une croissance pour 2011 de 3,9% et de 4,1% pour 2012. Pour l'année à venir le CMC l'hypothèse suivante : «ce rythme de croissance peut être l'annonciateur d'un nouveau cycle économique ascendant favorisé par le nouveau contexte politique». Qui vivra verra…