Dans un communiqué en date du 2 juillet 2011, vous aviez affirmé que « Les Marocains ont pris une décision claire et historique à l'occasion d'une campagne référendaire transparente » qui se serait déroulée « dans le respect des règles démocratiques », De même, vous souteniez que la révision de la constitution a été conduite à partir de « consultations étendues, associant tous les partis politiques, les syndicats et une large palette de représentants de la société civile ». Mensonges et flagorneries Par Khalid JAMAI Monsieur le Ministre, Enfin vous alléguiez que « La participation du peuple marocain à ce référendum a été forte et a donné lieu à des débats animés et substantiels, reflétés dans les médias et notamment sur Internet ». Qu'en est-il de l'exactitude de ces propos que vous présentiez comme des vérités indiscutables, intangibles même ? Un leader de l'USFP, parti de gauche siégeant au gouvernement, Ali Bouabid, pourtant fervent partisan du oui, a écrit sur sa page Facebook, après avoir voté : « Je viens de voter. Je remets ma carte d'électeur. Je demande si on doit vérifier mon identité. On me dit « on ne fait pas ça ». On trouve mon nom sur les listes. On met une croix en face de mon nom. Je vote. Je demande si je dois signer on me dit non. Je dis : mais vous pouvez mettre autant de croix à la place des personnes qui ne sont pas venues voter puisque aucune signature n'est requise ! Amer. » Quant au secrétaire général du PJD, parti islamiste, qui a mené compagne en faveur du projet constitutionnel, il a déclaré à l'envoyée du Financial Times : « Les chiffres fournis par le ministère de l'Intérieur sont exagérés. Le taux de participation doit tourner autour de 50%. » Et, ils ne furent pas les seuls à dénoncer les fraudes massives qui ont entaché cette consultation référendaire. Loin s'en faut. Des dizaines de vidéos circulant sur la toile en apportent les preuves irréfutables. Il en est de même de la presse internationale écrite et télévisuelle telle que France 24 et TV5. Nous sommes à mille lieux d'une campagne référendaire « transparente » qui se serait déroulée « dans le respect des règles démocratiques », comme vous l'affirmiez. Monsieur le Ministre, Pour arriver à ses fins et pour faire croire que le projet de la constitution avait été approuvé par plus de 98,50%, le pouvoir marocain a mobilisé toute son administration, tout son potentiel humain et matériel. De même qu'il a raclé les bas-fonds pour recruter, embrigader, contre monnaie sonnante et trébuchante, (comme le prouvent là aussi les dizaines de vidéos) chômeurs, citoyens dans le besoin, repris de justice, « chmakria », africains sub-sahariens en rupture de banc. Ces énergumènes, véritables « Tantons Macoutes Makhzanéens » ont permis, au régime de sous-traiter sa répression contre les militants du Mouvement du 20 février* , réussissant ainsi, à ne point se faire « tancer » par l'UE et les USA, hostiles à tout recours à la violence contre les manifestations pacifiques comme celles menées par ce mouvement. Sans oublier l'instrumentalisation de la religion opérée à travers la mise à contribution forcée des imams et le recours à des confréries religieuses telle la Zaouïa Bouchichia. Cet embrigadement tous azimuts a été rendu impératif pour pallier à l'incapacité des partis politiques, adeptes du oui, à mobiliser les citoyennes et citoyens, et à les contraindre, si c'est nécessaire par la menace et le chantage, à voter en faveur du projet constitutionnel. Quand au score de 98,50%, qui n'a pu être réalisé que grâce à une OPA opérée par le makhzen sur les urnes, il s'inscrit dans la logique référendaire marocaine : 84% en 1962, 98% en 1972, 99 99% en 1992 et 99, 69% en 1996. Pouvait-il en être autrement ? Non, car tous ces référendums ont été présentés comme des référendums sur la monarchie. Or, celle-ci ne peut tolérer d'être remise en cause, ne serait-ce que par une infime partie de la population. Monsieur le Ministre, De par les dispositions de la constitution « adoptée », le roi Mohamed VI garde tous ses pouvoirs tant législatifs, exécutifs, judiciaires que religieux, sans qu'il soit pour autant astreint à rendre des comptes. Ce qui constitue une violation de l'article premier de cette même constitution qui établit « Une corrélation entre la responsabilité et la reddition des comptes ». Ajouter à cela la sacralité de ses discours qui ne peuvent faire l'objet de débats. La révision de la constitution, n'a pas été conduite, comme vous le prétendez, à partir de « consultations étendues, associant tous les partis politiques, les syndicats et une large palette de représentants de la société civile ». Elle fut initiée par une commission consultative nommée par le roi et constituée d'affidés au pouvoir. Ainsi, en est-il, entre autres, de Mr Ahmed Herzenni ancien président du défunt CCDH pour qui le Maroc a « besoin d'une monarchie traditionnelle, chérifienne et religieuse ». Rappelons au passage ce qu'il avait « conseillé » aux parents des membres du groupe Zahra Boudkour qui, torturés sauvagement et emprisonnés, menaient une grève de la faim : « Ce que vous pouvez faire de mieux, c'est d'aller acheter des linceuls pour vos enfants » !! Quant à Mr Abdeltif Mennouni, président de ladite commission, il a tenu à préciser que « le discours royal a déterminé les domaines que doit englober la réforme constitutionnelle » précisant qu'il ne s'agissait « nullement de l'élaboration d'une nouvelle constitution mais uniquement de réformer l'actuelle ». De consultations, il n'eut point. Tout au plus des auditions. Et pas de réformes en final, que des réformettes. Monsieur le Ministre, Vingt-quatre heures après vos déclarations dithyrambiques, des milliers de militants et sympathisants du mouvement du 20 février investissaient les rues de Casablanca, Rabat, Agadir, Oujda, Fès, Tanger, Marrakech et des dizaines d'autres villes et villages pour dénoncer les fraudes massives qui ont marqué le déroulement du référendum. Des pratiques frauduleuses que l'on croyait enterrées à jamais avec les Hassan II, Basri et autres Oufkir. Ils ont aussi manifesté pour revendiquer le droit à la liberté, à la dignité, à la justice, pour réclamer une meilleure répartition des richesses, une vraie séparation des pouvoirs, la fin de l'impunité, de l'affairisme royal et de la corruption qui sévit au plus hauts échelons de l'Etat. De telles manifestations ne constituent-elles pas un démenti cinglant à vos pseudo-vérités ? Monsieur le Ministre, Vos propos n'ont rien à envier à ceux président Sarkozy qui avait félicité, - avant même l'annonce officielle du résultat de l'élection présidentielle, M. Bouteflika pour sa victoire obtenue avec… 90% des voix ; -avant tout le monde, MM. Vladimir Poutine et Dimitri Medvedev pour leurs succès électoraux réalisés dans des conditions frauduleuses ; -Ben Ali pour « les progrès de la démocratie en Tunisie » où les élections étaient aussi démocratiques que dans l'ancienne RDA. Monsieur le Ministre, Auriez-vous trouvé plausible qu'un référendum soit voté à plus de 98,50 % dans votre pays ? Auriez-vous accepté que votre gouvernement mobilise, à son profit, tous les moyens de l'Etat pour mener campagne lors d'une consultation référendaire ? Auriez-vous admis que les discours de votre président de la république ne fassent pas objet de débats ? Auriez- vous toléré que votre chef d'Etat ne rende pas compte de ses décisions, de sa politique ? Bien sur que non. Alors pourquoi chanter les louanges de tels dérèglements qui contredisent, sapent même les fondements de toute véritable démocratie? Pour quoi ce tissu d'inexactitudes, pour ne pas dire de mensonges ? Vos flagorneries sont une insulte pour le peuple marocain. Monsieur le Ministre, Avez-vous fait preuve de mauvaise foi en tombant en pamoison devant la nouvelle constitution marocaine que l'on a triturée, en catimini, jusqu'à la dernière minute ? Savez-vous que le texte officiel du projet de constitution, soumis au référendum, a été publié par le Bulletin officiel 5952bis le 17 juin 2011, a été retouché en catimini le 30 juin 2011 soit la veille du référendum ? Et que le bulletin officiel 5956 qui a publié ces « correctifs » n'a été rendu disponible sur le site du secrétariat général du gouvernement que le 06 juillet 2011 ? Ces « correctifs » sont loin des coquilles d'orthographes car elles concernent la nomination du président de la chambre constitutionnelle et diminuer encore les prérogatives du chef de gouvernement au profit du roi. Ainsi, la nouvelle constitution n'est pas celle qui a été proposé à référendum. (voir http://fr.lakome.com/politique/42-actualites-politique/521--ahmed-benseddik.html ) Avez-vous été mal informé et donc induit en erreur par vos services ? Pourtant, votre ambassadeur à Rabat, Mr. Bruno Joubert est un spécialiste du renseignement. N'a-t-il pas occupé le poste de directeur de la stratégie à la Direction Générale de la Sécurité Extérieure (DGSE) au Ministère de la Défense de 1997 à 2001 ? Ou avons-nous affaire à un double langage ? Une fois encore, vous semblez préférer écouter les dirigeants et leurs divagations et ignorer la voix du peuple. Une fois encore, vous semblez tabler sur le passé au lieu de miser sur l'avenir. Une myopie politique que, hélas, partage avec vous, Catherine Ashton et Hillary Clinton! --- *C'est un mouvement pluriel qui regroupe, entre autres, démocrates, marxistes , anti- mondialistes , étudiants, diplômés chômeurs et islamistes , principalement ceux d'El Adl Wa EL Ihsan (Justice et bienfaisance) qui appellent, désormais, à un Etat civil.