Le roi Mohammed VI a gracié dernièrement 190 prisonniers en réponse à un mémorandum qui lui a été soumis par le Conseil national des droits de l'homme (CNDH). Cette grâce concerne notamment six islamistes réputés modérés, le journaliste militant Chakib El Khyari, ainsi que des islamistes salafistes, parmi lesquels deux cheikhs :Ahmed El Fizazi et Abdelkrim Chadli Cette « mansuétude » royale a été « promptement » saluée par le président du CNDH, Driss El Yazami qui proclama « doctement » que ce geste royal intervenait « dans un contexte national important marqué (…) par les grands chantiers de réforme que connaît le royaume ». Quant à son adjoint Mohamed Sebbar, il ajouta une couche en claironnant que cette « décision royale procède d'une forte volonté de consacrer les valeurs des droits de l'Homme, d'instaurer l'Etat de droit et d'enraciner la culture de la justice et de l'équité ». Alléluia !!! En fait, il n'y a pas de quoi pavoiser car seuls 96 des 190 concernés par cette grâce seront libérés dans l'immédiat Plus encore, selon une vidéo réalisée par des détenus salafistes, incarcérés à la prison de Salé, 94 des prisonniers graciés n'avaient plus que…. quelques mois à purger ! C'est dire qu'il ne s'agit que d'une opération de marketing politique qui, quoiqu'elle s'apparente à une mascarade, est révélatrice à plus d'un titre. Ainsi, le régime pour ne pas reconnaître qu'il a satisfait à une des revendications du Mouvement du 20 février, celle relative à la libération des prisonniers politiques, a recouru à un subterfuge. Il a demandé au CNDH de présenter un mémorandum, en fait une supplique, au souverain où il quémandera que grâce royale soit accordée à un certain nombre de prisonniers politiques et de salafistes victimes des rafles opérées au lendemain des attentats de Casablanca. A ceux-ci on adjoindra, pour faire bonne mesure, Tamek le sahraoui et ses compagnons ainsi que des détenus de droit commun. Histoire de noyer le poisson ! Par ce stratagème, on a tenu à rappeler que l'on ne cède pas à la pression de la rue et que l'on reste dans le cadre d'une monarchie absolue où prédomine le fait du prince. Un acte arbitraire par lequel le monarque, source de tous les pouvoirs, emprisonne, relaxe, gracie, amnistie. En somme, agit à sa guise selon son humeur et son bon vouloir. Il est à relever, par ailleurs, que gracier ne signifie nullement innocenter. La grâce étant une mesure de clémence en vertu de laquelle un condamné est dispensé, à sa requête, de subir, en totalité ou en partie, sa peine Dans les pays démocratiques, la grâce du chef de l'Etat ne peut être sollicitée que lorsque tous les recours en justice ont été épuisés. Ce qui n'est pas le cas pour le Maroc, Hassan II ayant décrété que le roi pouvait accorder sa grâce à n'importe quel étape du processus juridique. Signalons, au passage, que nombre de ces relaxés n'avaient jamais présenté un recours en grâce, car se considérant totalement innocents. C'est le cas De Chakib El Khiyari, de Mustapha El Mouatassim, Mohamed Merouani, Mohames Amine Regala, Alaa Ben Abdellah Maa El Ainain et Abdellatif Sriti, condamnés à de très lourdes peines à l'issue d'un procès inique où les droits des prévenus et de la défense ne furent aucunement respectés. Rappelons qu'au lendemain de l'arrestation de ces militants islamistes, le ministre de l'intérieur, Chakib Benmoussa avait déclaré que ces citoyens, au-dessus de tout soupçon, étaient impliqués dans « des faits gravissimes », alors que la justice n'avait pas encore statué sur leur culpabilité. Ce faisant, il violait et la présomption d'innocence et le secret de l'instruction. Or, aujourd'hui on a relâché dans la nature ces « très dangereux terroristes » qui avaient projeté de mettre le royaume chérifien à feu et à sang !!! De deux choses l'une : ou le régime est tombé sur la tête, ou M.Benmoussa est un fieffé menteur et le procès Belliraj une lugubre parodie de justice. Au demeurant, ces libérations avaient été annoncées comme imminentes par la presse il y a quelques semaines. Mais, elles auraient été reportées car, en très haut lieu, on n'aurait guère apprécié cette « fuite » qui enlevait l'effet d'annonce escompté. Quoiqu'il en soit, cette grâce royale ne semble pas avoir trouvé grâce aux yeux du mouvement du 20 février qui semble décidé à continuera à réclamer la libération de l'ensemble des détenus injustement condamnés. Il est soutenu en cela pas des associations des droits humains, certains partis politiques et autres composantes de la société civile. Le régime voulait-il par cette esbroufe redorer son blason et nous faire croire qu'il fallait voir dans sa « mansuétude » le gage de sa bonne volonté ? Si c'est le cas alors il prend des vessies pour des lanternes Il aurait été mieux inspiré d'innocenter ces « graciés » qui ont été torturés, humiliés, vilipendés, cloués au pilori. De même qu'il aurait dû leur présenter des excuses auxquelles auraient du s'associer les Abass El Fassi, Chakib Benmoussa, Khalid Naciri et les tortionnaires du centre de Témara sans oublier les juges qui ont officié dans ce sinistre et scandaleux procès de Belliraj. Mais que voulez-vous lorsqu'on ne connaît pas la honte, tout devient licite.