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Les drogues douces version makhzanéenne : football et festivals
Publié dans Lakome le 14 - 04 - 2011

Selon Aziz Daki, porte-parole et directeur artistique de « Mawazine », le coût de ce festival s'élève à environ 62 millions de Dirhams.Cette somme provient des sponsors pour environ 27MDh, et les 35 millions restants des recettes du festival. Le Conseil de la ville de Rabat ne contribuant pour sa part que de 4 millions de dirhams seulement.
Cette manifestation musicale, rappelons-le, est organisée par l'association « Maroc Cultures » dirigée par le secrétaire particulier du roi, Mohamed Mounir Majidi.
M. Daki essaye, ainsi, de nous faire croire que la quasi-totalité du budget de cette manifestation ne provient pas de nos poches.
Or, sous le terme générique de sponsors se dissimulent l'OCP, la CDG, l'ONCF, la SNRT et la RAM lesquels sont des entreprises publiques*, donc des biens du peuple.
Il s'agit bel et bien de nos deniers!
Le porte parole de « Mawazine » ment…par omission, l'omission consistant à « éviter de dire des vérités, sans pour autant mentir, puisqu'on ne dit rien, on élude la chose, on fait comme si elle n'existait pas.».
Cette « générosité » vis-à-vis de « Mawazine » dont font preuve ces établissements publics serait-elle due à …. une « addiction musicale » dont ils souffriraient ou simplement au fait que M. Majidi est un très, très proche du roi?
Peut-on vraiment douter des motivations des patrons de ces boites ? Ne s'agit-il pas avant tout de s'attirer les bonnes grâces du monarque et de renforcer ainsi un statut générateur de moult privilèges, M. le secrétaire du souverain n'étant qu'un faire valoir pour atteindre cet objectif !
Bien entendu, ils peuvent se permettre de telles « largesses » du moment qu'il ne s'agit pas de leur fric et qu'ils ne sont comptables devant aucune instance, y compris leurs ministères de tutelle.
Rappelons, en passant, que ces mêmes « généreux donateurs » avaient refusé de desserrer les cordes de leurs bourses pour permettre à la presse indépendante non makhzanéene de survivre en lui accordant quelques annonces publicitaires.
En suivant ainsi les instructions «venues d'en haut» et en leur refusant le moindre dirham, n'ont-ils pas participé à la mise à mort de ces journaux ?
En fait, ces établissements servent de véritables caisses noires pour le makhzen.
Mais, il semble que ce festival obéisse à d'autres impératifs et s'inscrive dans une stratégie sécuritaire mise en place depuis des décades par Hassan II, stratégie qui consiste à promouvoir des activités culturelles et sportives pour servir de défouloirs aux frustrations populaires.
Des espaces de catharsis pour des foules déshéritées, insatisfaites, déçues.
Rien de nouveau sous le soleil marocain
Déjà, dans la Rome antique on pouvait lire sur un fronton : "On tient le peuple romain par deux choses : son pain (annona) et les spectacles ; on lui fait accepter l'autorité (imperium) par des futilités autant que par des choses sérieuses. Il n'y a plus de danger à négliger ce qui est sérieux, plus d'impopularité à négliger ce qui est futile. Les distributions d'argent, les "congiaires"(dons en argent ou en produits consommables), sont moins âprement réclamées que des spectacles ; car les congiaires n'apaisent qu'individuellement et nominativement (singillatim et nominatim) les phébéiens en quête de pain, tandis que les spectacles plaisent au peuple collectivement (universum)".
Ne peut-on, alors, assimiler les festivals sponsorisés directement ou indirectement par le régime et la footbalisation à outrance, (et sous contrôle makhzanéen!) aux jeux romains du cirque et y voir des drogues douces destinées à désamorcer une révolution populaire en marche ?
Ne peut-on, de même, considérer les cinq cents dirhams d'aide mensuelle qui seraient accordés par le gouvernement aux familles démunies et le pactole promis par Abbas El Fassi aux syndicats comme des congiaires pour acheter une paix sociale en ces temps pleins d'incertitudes et pour empêcher une symbiose entre les masses et le monde ouvrier d'un côté et le mouvement du 20 février de l'autre?
Par ailleurs, ne vise t-on pas en maintenant le 20 avril, comme date d'ouverture du festival,à faire croire à l'opinion internationale que dans « le plus beau pays du monde » tout est pour le mieux et qu'un mouvement comme celui du 20 février n'est qu'un épiphénomène qui ne tardera pas à s'estomper.
Ne vise t-on pas, aussi, à susciter un affrontement entre les pros Mawazine et les anti-Mawazine ? Un affrontement que pourrait instrumentaliser le makhzen pour décrédibiliser le mouvement du 20 février et sa marche nationale prévue pour le 24 avril, voire pour interdire celle-ci au motif d'une probable atteinte à l'ordre public ?
Comment, alors, aurait-il fallu qualifier la bousculade, due à la négligence des organisateurs, qui a marqué la clôture de la version 2009 de «Mawazine», faisant morts et blessés ? N'a-t elle pas constitué, elle, une atteinte bien réelle à la sécurité des citoyens ?
Et qu'en est-il de l'enquête que les organisateurs avaient promis de diligenter et des dédommagements qui devaient être accordés les victimes et leurs familles ?
M. Aziz Daki n'a pipé mot à ce sujet...
Il faut croire que tout cela a été passé par la rubrique profits et pertes du festival.
Après tout, il ne s'agissait que de citoyens lambda !! .
* Des sociétés privées n'ont pas hésité non plus à mettre la main à la poche pour se faire bien voir par M. Majidi, grand manitou du makhzen économique
Rabat le 13/04/2011


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