Une interview de la journaliste et militante Zineb El Rhazoui dans l'hebdomadaire Jeune Afrique a subitement disparu du site Internet de la publication. Des pressions de l'Etat marocain seraient derrière cette suppression. « Mohammed VI nous a menti, et ce n'est pas la première fois ». Tel a été le titre de l'interview accordée par la militante Zineb El Rhazoui à une journaliste de Jeune Afrique. L'interview qui a initialement été publiée sur un site du Washington Post, puis reprise par le site Internet de Jeune Afrique, n'a pas fait long feu. Quelques jours après sa mise en ligne, des internautes ont signalé à Zineb El Rhazoui que l'interview avait disparu. Depuis, elle n'a jamais été remise, et l'hypothèse du problème technique a été écartée. Selon Zineb El Rhazoui, avant la suppression, Jeune Afrique avait changé dans un premier temps le titre de l'interview, le transformant en « Pourquoi le peuple marocain croirait-il Mohammed VI ». Depuis, grâce à certains internautes avertis, le texte de l'interview a été récupéré grâce à la mémoire cache des moteurs de recherche, et rediffusée via les réseaux sociaux comme Facebook, et des blogs. Zineb El Rhazoui accuse l'Etat marocain d'être en lien avec cette nouvelle censure. « Ce sont des procédés dépassés. On ne peut pas endiguer le flot d'informations sur le net. Ils ne peuvent plus censurer. Le Makhzen pense encore que les journaux et magazines en papier, ont de l'impact » et d'ajouter, « si l'interview a été censurée, c'est qu'elle a tapé là où ça fait mal. Dans l'interview, j'ai dit que Mohammed VI nous avait menti. Et le 20 mars, des dizaines de milliers de gens sont sortis dans la rue. En soi, c'est un désaveu populaire massif du discours royal du 9 mars ». ------------------------------------------------------------------------ Lakome.com republie l'intégralité de l'interview de Zineb El Rhazoui. « Mohammed VI a menti, et ce n'est pas la première fois » Le Maroc de nouveau en marche. Les Chérifiens sont appelés à manifester dans une cinquantaine de villes le 20 mars, soutenus à l'étranger par des actions prévues à Paris, Madrid, Rotterdam et New York. Le mot d'ordre sera le même que le 20 février : obtenir de concrètes avancées sociales, économiques, judiciaires et, surtout, une révision à la baisse des pouvoirs du roi. Et la batterie de réformes –dont un renforcement des prérogatives du Premier ministre et une révision constitutionnelle– annoncées le 9 mars par Mohammed VI ? Un écran de fumée, selon la jeune journaliste Zineb El Rhazoui, co-fondatrice du Mouvement alternatif pour les libertés individuelles (MALI) et membre de la coordination des marches 20 février et du 20 mars à Rabat. Décriés sur les réseaux sociaux par les partisans d'un roi tout puissant, les organisateurs espèrent une affluence équivalente au 20 février où, selon eux, « 270 000 personnes » étaient descendues dans la rue. Ils misent sur leurs tracts, Facebook – le réseau social au cœur du « printemps arabe »– et la violente dispersion de récentes manifestations à Casablanca et Khouribga, deux villes du Nord. Jeune Afrique.com : Pourquoi maintenez-vous la manifestation du 20 mars ? Zineb El Rhazoui : La terrible répression des manifestations pacifiques à Casablanca le dimanche 13 mars, faisant une trentaine de blessés, dont des enfants en bas âge, et à Khouribga le 15 mars, où des canons à eau ont été utilisés pour disperser une foule pacifique, ne laisse aucun doute sur la sincérité du discours royal promettant liberté et démocratie. Les détenus politiques ne sont toujours pas relâchés, la répression règne encore, les médias officiels sont verrouillés et continuent à faire la propagande du régime, les responsables des exactions des Droits de l'Homme sont toujours en place… Voilà autant de bonnes raisons pour que le Mouvement du 20 février et l'ensemble des citoyens marocains continuent à protester et à faire entendre leur voix. Quelles seront vos revendications ? Les mots d'ordre du peuple marocain n'ont jamais changé : un roi qui règne mais qui ne gouverne pas, une réelle séparation des pouvoirs, un Premier ministre élu au suffrage universel et doté du pouvoir exécutif (et non pas nommé au sein de la majorité et doté de pouvoirs exécutifs élargis comme l'a annoncé le roi dans son discours), l'application des recommandations de l'Instance Equité et réconciliation (et pas seulement les plus judicieuses parmi elles), une véritable liberté d'expression (…), la séparation du religieux et du politique, un statut personnel civil, l'égalité homme femme, la redistribution des richesses, l'application du principe de reddition des comptes à l'entourage royal, particulièrement réputé pour son affairisme et sa prédation économique, le respect des droits socioéconomiques, la fin des pratiques terroristes des polices secrètes et de l'impunité et l'institutionnalisation des libertés individuelles et publiques.. Le discours du roi ne vous a vraiment pas convaincus ? Absolument pas. Je dirai même que Mohammed VI a menti, et que ce n'est pas la première fois. Il a promis l'application des recommandations de l'Instance Equité et réconciliation, ce qui est une revendication du Mouvement du 20 février. Mais je rappelle que ces mêmes recommandations ont été approuvées par lui depuis des années et qu'elles ne sont jamais entrées en vigueur. Il a promis une justice indépendante, Amen. Mais je rappelle qu'il a annoncé en grande pompe lors d'un discours une totale réforme de la justice il y a plusieurs mois… Cette réforme est aujourd'hui au point mort, et des jugements iniques continuent à être prononcés au nom de Sa Majesté. D'aucuns rappellent même que Mohammed VI avait annoncé la découverte du pétrole dans un discours aux Marocains il y a 10 ans… Depuis, il ne s'est jamais plus exprimé sur cette affaire. Pourquoi le peuple le croirait-il aujourd'hui ?