Les promoteurs de l'accueil réservé à François Hollande l'avaient probablement oublié ou pire, l'ignoraient tout simplement, mais c'est au pied d'un immeuble baptisé « Liberté », qui toise de ses soixante-dix huit mètres, l'Avenue Zerktouni, que Casablanca a reçu le Président et sa compagne. Comme un mémorial pharaonique, ou une pierre tombale titanesque, veillant sur un géant, mort au champ d'honneur, l'ouvrage avant-gardiste pour son époque, est impressionnant parce qu'il témoigne combien le colonialisme français se sentit chez lui, dans notre pays, au point qu'il embastillât, torturât et tuât tant des nôtres, pour tenter d'y rester. Comme une cruelle parabole donc, la cérémonie de ce 3 avril, est passée sur le corps de Zerktouni, profanant au passage sa pierre tombale, de ses drapeaux, tendus sur sa façade. Encore plus cruel, le représentant du colonialisme que l'on accueillait, ce jour-là, n'était rien moins que le représentant de cette gauche française qui pousse des cris d'orfraie, quand la droite pactise honteusement avec le diable, mais fourbit les cornes de ce dernier, et lustre ses sabots, dès lors qu'elle se met aux commandes du pays. Alors, on se souviendra de cette journée, et de la suivante, comme d'une infamie à mettre au compte de la défunte patrie des lumières ! Une monumentale bouffonnerie, pour mieux affirmer la vassalité de notre pays, à son Maître et qui a débuté par cette ridicule cavalcade où la garde royale, affublée de ses costumes commandés aux stylistes français par un Lyautey, en mal d'orientalisme, a tenté, jusqu'à l'absurde, de singer la garde présidentielle française, en ouvrant et fermant la route à la limousine blindée, à travers quelques ruelles liftées pour l'occasion. Mais, tout le monde vous le dira, à la copie, le commun des mortels, préfère l'original et tant qu'à se fourvoyer, les promoteurs de ce « Barnum » auraient mieux fait de visionner quelques images de la cavalerie française, dont les montures, de magnifiques selles français, sont impressionnants de stature, leur allure n'ayant rien à envier à ces chevaux arabes, aux épaules étroites qui offrirent leur croupe famélique à la vue de ces visiteurs d'un jour. Ca les aurait sans doute incité à plus de retenue et de prudence protocolaire, d'autant que l'Hexagone ne s'est jamais donné autant de peine, pour recevoir nos représentants. Il a fallu plusieurs jours de mobilisation, des tonnes de peinture, des centaines de milliers de dirhams, qui feront défaut ailleurs. Mais par-dessus tout, les autorités ont déployé des trésors de persuasion, d'intimidation, ou de menaces du voisinage, pour que celui-ci obtempère et participe de cette mascarade, à son corps défendant, qui, en acceptant que l'on tendît des drapeaux gigantesques, devant son balcon, qui, en retouchant la peinture, de ses propres deniers et enfin qui, en admettant de vivre reclus, à l'ombre de volets clos, le temps de la cérémonie. Détail cocasse, tous ces tapis souillés par les roues de voitures et foulés au pied, ont occulté le travail titanesque accompli, les jours précédents par une armée d'ouvriers, acharnés à lifter le rond point et dessiner les lignes de pré sélection que personne n'aura vues. Tout ça pour ça ! François Hollande ne verra jamais les autres ruelles, oubliées de tous et où s'entassent les damnés de la terre et où jamais un seul coup de pinceau ne passera, où la misère, le chômage et le désespoir emportent tant de destins, comme le ruisseau, la vermine. Il a oublié d'en faire état, dans ses allocutions, parce qu'il n'ignore point que la France qui a fait semblant de quitter le Maroc, se rend complice, depuis plus de cinq décennies, des pillages qui ont appauvri ce pays et ruiné tant de ses habitants. Il a également gommé de son discours dans l'hémicycle marocain, jusqu'à cette allusion, pourtant bien fugace, aux droits de l'homme, comme prix exorbitant de l'implication de son pays, dans la manne économique marocaine. Rentré chez lui, le leader socialiste pourra, de nouveau, tirer des plans sur la comète et des prévisions de croissance revues à la hausse, tandis qu'au pays du Couchant., on n'en finit plus de s'interroger où est passée la gauche française et toutes ces idées de lumière qui ont bercé notre enfance de rêves de liberté, d'égalité et de fraternité dont les salles de classe de France, de Navarre et même d'ailleurs, continuent de résonner, en pure perte !