“Présentation des lévriers. 10 minutes avant le début de la course” lance-t-elle. La course prévue pour 19h 30 s'annonçant, nous prenons la décision de tenter notre chance et le «36-46» a été notre choix. Tickets en main, nous remontons l'estrade au moment où les six lévriers devant concourir paradaient sur la piste. Les joueurs autour de nous n'y prêtent que peu d'attention. Apparemment, les pronostics valent nettement mieux que le physique du chien. «Je connais à peu près tous les lévriers. A peine si je les regarde pour m'assurer que tel chien a bel et bien tel numéro et qu'il n'y a pas eu de substitution (chose qui s'est déjà produite). Je préfère rester concentré sur mes pronostics» nous déclare un voisin de droite. Ce dernier a été rejoint par un « collègue». Un bref échange de salamalecs et les voilà tous les deux à consulter les précédents résultats et à pronostiquer sur chacun des chiens participants. La jeune demoiselle ressort de son KGB, remonte à la tour et annonce «début de la course dans deux minutes.» Les joueurs sont toujours là à discuter, imperturbables. Au fait, ils ne vont miser sur leurs favoris qu'après que les chiens soient mis en cage. Et là, c'est toute l'estrade qui se vide, l'espace de quelques minutes… «Depuis que le système de facturation est automatisé, l'achat de ticket ne pose plus problème. On peut attendre la dernière minute pour acheter nos tickets». 19h40, la porte de la direction s'ouvre, et un bonhomme en sort (le gérant). Direction la tour de contrôle. Il donne le départ : «Attention attention…le lièvre va partir…le lièvre part». Sur l'estrade, on ne s'entend plus. Tout le monde se lève. Au passage du lièvre (petit chiffon attaché à une chaîne qui longe la piste) devant les cages, les chiens sont lâchés. La course débute. Les gens essaient tant bien que mal de discerner de loin, leurs favoris…Les lévriers font le tour et entament la dernière ligne droite. Un vacarme infernal envahit l'estrade. On entend des chiffres d'un peu partout. Ça gesticule, ça remue, ça lance des casquettes par terre et ça saute de joie. En vingt secondes, la montée d'adrénaline atteint des limites impressionnantes. Le voisin de droite déchire ses tickets, ses réflexions n'ont apparemment pas donné de résultat. D'autres, ceux qui ont gagné, se précipitent vers les guichets. Sur un petit tableau au bord de la piste, les résultats sont affichés (les deux premiers arrivés). La charmante demoiselle ressort du KGB et annonce les gains… Les petits groupes se reforment, le petit chemin séparant l'estrade du terrain s'anime. Les agents de police marquent leur présence par des va-et-vient réguliers. Les vendeurs à la sauvette prennent d'assaut l'estrade «ditaille ditaille». Une odeur bizarre nous chatouille les narines ( voir encadré : lieu de débauche). Une famille d'émigrés s'installe près de nous. En bon père de famille, le papa explique les règles du jeu à ses petits ( le plus âgé paraissait avoir 12 ans). Loin à droite, une femme, la cinquantaine (voir témoignage), toute seule en train d'attendre, son mari peut-être ? Non, depuis trente ans qu'elle fréquente régulièrement le vélodrome, on pourrait l'appeler «joueuse professionnelle». La soirée s'anime et le vélodrome se peuple à l'approche du départ de la seconde course… Mais ce n'est pas celle-ci qui intéresse la majorité. Si les joueurs sont là, c'est pour le quarté, l'attraction principale du cynodrome prévue pour 21heures et demi. Pour combler les petits creux, rendez-vous à la sortie du stade. Des vendeurs ambulants sont attroupés aux alentours et il y a de tout (sandwichs d'œufs à l'huile d'olive, pastilla aux pommes de terre, brochettes…) . Leur devise : «la ghla âla meskine». 21heures. Plus de 600 turfistes (chiffre donné par le gardien) sont présents ce soir. ça ne parle pas que de chiens, tout y passe. A côté, le Widad de Casablanca est au centre de la discussion. Un peu plus haut, le papa MRE enseigne encore les règles du jeu à ses enfants. Plus bas, un jeune raconte à ses potes comment il a réussi à mater, à coups de gifles, sa dernière conquête. Au bord de la piste, les esprits s'échauffent. On se pousse. On s'insulte. Les «collègues de jeu» interviennent et séparent les deux excités. Les agents de police ne sont pas là, ils n'ont rien vu. 21heures 10. La demoiselle ressort de son KGB et annonce : «arrêt des jeux dans 15 minutes». Ce délai ne sera pas respecté puisqu'une demi-heure plus tard, elle annonce la clôture des jeux dans 2 minutes. Les 12 lévriers faisant partie de la course sont déjà là, couchés à quelques mètres de leurs cages. Ils attendent le départ, les joueurs aussi. 10 minutes plus tard, la demoiselle annonce l'arrêt des jeux. Tout autour, la sérénité prend le dessus. Les jeux sont faits, les dés sont jetés, le sort en est jeté… «Le lièvre va partir…» Nous sommes tous debout. Les lévriers favoris sont en tête. Ça va trop vite. Un favori se fait devancer. On entend des cris de détresse : “aaa mimti ”. Des insultes. Les gens ont misé gros et le lot en vaut la peine. A la ligne d'arrivée, le trouble-fête s'impose. La déception se lit dans les yeux de mon voisin qui a misé 100 DH et dont le choix comportait les trois premiers, mais pas le trouble-fête. Déçus, les turfistes commencent à quitter le vélodrome. Par-terre, des milliers de tickets déchirés. La frustration est à son comble. Devant la porte, des mini-honda attendent les joueurs.“ Ain Sebaâ, Ain Sebaâ”, «Hay Hassani, Hay Hassani»… Reste à savoir si les perdants ont encore de quoi payer le transport. Au fait, concernant les pronostics qu'on nous a gracieusement remis, aucun n'était correct. Ce qui semble tout à fait normal : «koune kane