Le Maroc doit aller à l'école de la Chine. Il est vrai que le Royaume ne peut pas en copier les principes communistes que les Chinois reconnaissent, eux-mêmes, être d'une autre époque. Toutefois, la réussite de ce pays qui, il y a 20 ans, souffrait des importations massives, mérite d'être méditée. Un député américain est l'auteur d'une phrase qui restera dans les annales. "Je n'aime ni la Chine ni le communisme, mais je crois qu'une Chine qui réussit pose moins de problèmes au monde y compris les Etats-unis qu'une Chine qui échoue". Naturellement, la Chine inquiète le reste du monde au plus haut niveau et les producteurs marocains, tous secteurs confondus, ne font pas exception à la règle. En effet, quand il s'agit du textile, les Marocains voient fondre comme neige au soleil leurs ventes sur le marché naturel qu'est l'Europe. Concernant la céramique, c'est le marché local qui est submergé notamment par des produits chinois. Pratiquement pour chacun des produits manufacturés localement, l'agressivité chinoise inquiète, d'autant plus que la solidité des entreprises marocaines reste à parfaire. Quand on interroge l'ambassadeur chinois sur le phénomène, il reste de marbre. Pour lui, les propos sensationnels, tels que "menace ou invasion chinoises"sont trop souvent usités, à tort, estime-t-il. Le contredire, serait difficile, puisqu'une nation forte économiquement ne peut que servir au reste du monde, quoi qu'on puisse en dire. De plus, si la Chine atteint le niveau des Etats-Unis actuellement dans une vingtaine d'années, ce sera l'équivalent d'un quart de la population mondiale qui aura un niveau de vie élevé. Ainsi, près de 1,3 milliard de personnes supplémentaires auront un revenu moyen de 38.000 dollars, comme c'est le cas des Américains actuellement. Cependant, la question que se pose l'ensemble des experts est de savoir comment les autres nations en développement pourront faire pour bénéficier de la croissance chinoise et les pays développés ne pas perdre du terrain face à la Chine. Malheureusement, nul n'a, jusqu'à présent, trouvé la réponse adéquate à ce véritable imbroglio. Car, pour l'heure, cette croissance n'est vécue qu'en perte de marché, pertes d'emploi. Les Chinois, il est vrai, savent tout vendre et n'achètent que des matières premières chez la plupart des pays comme le Maroc. Seuls profitent de cette croissance les géants américains et européens comme Airbus, Boeing, Areva ou encore Alcatel, capables de vendre de la très haute technologie, tels que les avions, les TGV, le nucléaire. Toutefois, même en étant obligé d'acheter ces technologies, les Chinois savent toujours tirer leur épingle du jeu. En effet, chacun des contrats signés stipule explicitement un transfert de technologie que les grandes nations sont tenues d'accepter pour ne pas se voir systématiquement écartées. La Chine affirme résolument au reste du Monde que dans 30 ans, elle sera de moins en moins dépendante à l'égard des grandes puissances économiques. Par ailleurs, il est vrai que les industriels n'arrêtent pas de se plaindre. Cependant, l'Ambassadeur de la Chine au Maroc est on ne peut plus caractéristique. Selon lui, les produits chinois sont toujours très bien accueillis par les couches les plus défavorisées qui profitent, surtout, des bas prix appliqués. Il ne faut pas perdre de vue qu'une écrasante part de la population souffre de la faiblesse de ses revenus et se rabat naturellement sur les produits chinois. Pourtant, cette analyse n'a rien de rassurant aux yeux des Marocains. En janvier dernier, les bas prix appliqués sur la céramique chinoise a été à l'origine d'une levée de bouclier. Le gouvernement a purement et simplement décrété que les carreaux en provenance de l'Empire céleste devaient être soumis à un contingent de 90.000 m2 par an, soit l'équivalent de 1000 logements de 100 m2. On s'en remet donc à la bonne vielle méthode consistant à restreindre les entrées. Comme les droits de douanes ne peuvent être imposées, on recourt à la limitation des volumes. C'est d'ailleurs non sans en sourire que l'Ambassadeur de la Chine au Maroc explique "qu'il y a vingt ans, les Chinois ont eu beaucoup de soucis vis-à-vis des marchandises étrangères". Et d'ajouter : "qu'il est inutile, à l'heure actuelle, de constituer des barrières pour empêcher la concurrence internationale". Cette leçon, les autorités marocaines ainsi que les entreprises la connaissent. Le problème c'est que l'ensemble des acteurs ont raté la nécessaire mise à niveau qui devait se faire il y a une dizaine d'années, au milieu des années 1990. Car, c'est bien avant que l'on savait que la mondialisation, grâce aux accords du GATT, d'abord, et à ceux de l'OMC, ensuite, allait déferler sur les pays en développement comme une vraie avalanche et emportant tout sur son passage. En tout cas, la leçon est clair. "J'ai toujours dit aux Marocains qu'il faut ouvrir les portes pour introduire les capitaux, la technologie et les bonnes méthodes de gestion pour devenir plus puissants", affirment l'ambassadeur de Chine au Maroc, dans une interview récente accordée à La Gazette du Maroc. Et d'ajouter que "C'est la route que nous avons parcourue. Nous voulons partager notre expérience avec nos amis marocains". Ce n'est donc pas si compliqué que cela. Il faut multiplier les accords de libre-échange, mais surtout les appliquer réellement. Le Maroc est exactement sur la bonne voie et sur ce plan, il est vrai qu'il ne saurait accepter de leçon en provenance de la Chine. L'ambassadeur, ici, prêche naturellement pour sa paroisse. Car le Royaume compte plus d'accords de libre-échange que la plupart des pays du monde. Il en existe des accords avec des pays de tous les continents et de nombreux autres sont en négociation ou dans l'attente de leur entrée en vigueur. A côté de l'accord d'Association avec l'Union européenne, de l'accord de libre-échange avec les Etats-Unis et de celui avec les Emirats Arabes Unis, il faut signaler le quadrilatère du libre-échange issu d'Agadir. Pourtant, ce n'est pas exactement ce que la Chine a fait, car le pays vient à peine d'adhérer à l'OMC et reste très fermé sur le plan commercial. C'est dire que le vrai succès de la Chine vient d'ailleurs. Si le Maroc doit apprendre de l'Empire céleste, il devra aller vers la qualité de sa main-d'œuvre qui est par ailleurs, très bon marché. Le succès de la Chine c'est également sa monnaie. Les autorités de Pékin ne se sont pas embarrassées de maintenir un taux de change faible du yuan par rapport au dollar. Il n'est pas question de suivre un taux de change flottant qui engendrerait une correction naturelle des cours de change à force que les exportations augmentent. Le Maroc quant à lui, traîne encore derrière lui des diplômés chômeurs à cause d'une formation inadéquate avec les besoins de l'entreprise. De même, l'analphabétisme atteint allègrement le taux de 40%, sans qu'aucune des politiques de l'enseignement, entreprises depuis l'indépendance, ne puisse venir changer la donne. Face au désormais géant chinois, le Maroc devra s'incliner en attendant de mettre en place les véritables.