Les assises du tourisme de Tanger, clôturées samedi dernier, ont donné un avant-goût de ce que seront les prochaines éditions de ce rendez-vous qui existe depuis six ans. Si lors des précédentes assises, il était surtout question de réaliser un bilan d'étapes de la vision 2010, les travaux, dans la capitale du Détroit, ont pris l'air d'un workshop. Certes sur la forme, il n'y a pas eu un grand changement, mais sur le fond, le concept a bien évolué. À côté de l'évaluation des différents chantiers du plan de développement du tourisme qui se fait habituellement, le millier de personnes dont une belle brochette de patrons de groupes internationaux, d'institutionnels nationaux et privés, de tour-opérateurs et d'investisseurs privés, ont eu droit durant deux jours à une véritable opération de promotion. A Tanger, toutes les pistes de séduction menaient vers l'investissement. C'est l'une des grandes leçons que l'on retiendra de ces assises. « Le secteur du tourisme est aujourd'hui la vitrine de l'économie nationale auprès des investisseurs. L'arrivée des Emiratis cette semaine en est la confirmation. Ils projettent d'investir 9 milliards de dollars sur différents projets. Paradoxalement, nous sommes encore loin de nos prévisions de nouvelles capacités hôtelières », souligne Khalid Oudghiri, PDG d'Attijariwafa bank. En 2004, ce sont 10.000 lits de plus qui ont été créés et seulement la moitié en 2005. Or, il faudra 16.000 lits additionnels chaque année selon les prévisions de la vision 2010. C'est dire que durant ces assises de Tanger, l'objectif était d'offrir aux opérateurs l'occasion de saisir des opportunités exceptionnelles, histoire de rehausser le rythme de mise sur le marché de nouveaux lits. « Nous avons constaté qu'à chaque étape de la vision 2010, un nouvel obstacle apparaissait. Apurement du foncier, changement de culture, la révolution dans le secteur aérien. Mais aujourd'hui, depuis plus d'une année, apparaît un nouvel obstacle, celui de la propriété hôtelière. Nos ambitions sont grandes et nous imposent de ce fait de lancer une dynamique institutionnelle et d'acquisition des unités hôtelières », souligne Adil Douiri, ministre du Tourisme. Dès lors, le ministère du Tourisme a tenu à ce qu'une première dynamique soit lancée à Tanger pour résoudre l'équation de la réalisation des investissements anticipés dans le plan de développement du tourisme. Pour la partie emprunt, pas de problème, le système bancaire distribue en moyenne 25 milliards de dirhams par an et, en plus, il croule sous les liquidités. Mais c'est à la problématique des fonds propres qu'il faut apporter une solution rapide. Et les terrains existent. A très court terme, au moins 150 terrains seront mis sur le marché. Or, au bas mot, il faudra ouvrir 40 à 50 unités hôtelières par an. Le patron d'Attijariwafa bank, Khalid Oudghiri, a aussitôt sorti sa calculette : «Pourtant, 25 milliards de dirhams à dédier aux problèmes de fonds propres suffiraient pour régler tous les problèmes relatifs aux nouvelles capacités hôtelières ». Mais où trouver 25 milliards de fonds propres pour financer ces lits-là ? « C'est à la fois peu et beaucoup. Il faut qu'on réfléchisse sur la question : comment lever des fonds propres. L'exemple de Risma montre que c'est possible. Ce qu'il faudrait faire, et j'en ai parlé avec mes collègues notamment ceux de la Banque Centrale Populaire (BCP), c'est mobiliser un fonds qui va servir au financement et à l'aménagement des bâtiments qui vont sortir des sites touristiques. On est prêts, pour nous, à y mettre entre 500 millions de dirhams et 1 milliard de dirhams. Mais, il est indispensable qu'il y ait un engagement de l'Etat, sous une forme ou autre », souligne Khalid Oudghiri. Il faut dire que le Maroc n'a pas le choix. Aujourd'hui, la donne a changé et la tendance est d'avoir des investisseurs propriétaires de murs et d'autres qui gèrent. Le Royaume a eu des pionniers, des groupes marocains, familiaux, mais aussi des institutionnels, qui se sont investis, avec leurs moyens propres. Khalid Oudghiri qui intervenait le vendredi dans l'après-midi avait fini par baliser le chemin à l'atelier sur l'investissement prévu le lendemain. On s'attendait au remake du scénario de Ouarzazate où les banquiers avaient fait de la surenchère en dévoilant chacun son crédit azur. Ce qui devait arriver arriva. Les institutionnels publics et privés ainsi que l'Etat devant réagir avaient certainement préparé dans la plus grande confidentialité leur coup médiatique. Car, ils vont s'engager concrètement à participer dans la constitution de fonds d'investissement. La vitrine offerte par les assises du tourisme constituait théoriquement une opportunité en or à ne pas rater. Houssine Sahib, membre du Top management d'Attijariwafa bank va confirmer l'engagement de son PDG de mettre 500 millions à 1 milliard de dirhams dans le premier fonds d'investissement qui sera créé après ces assises de Tanger. « Le plan Mada'in sera le premier receptacle des investissements dans le fonds que nous allons mettre en place. Il y a un deuxième volet, c'est le gestionnaire d'hôtels », dit-il. Le patron du Pôle Investissement de la BCP, Omar Idder, va s'inscrire dans le même niveau d'engagement qu'Attijariwafa bank, avec un ticket minimum de 500 millions de dirhams. «Nous nous félicitons de la décision de lancer ce fonds d'investissement ouvert à toutes les banques dont Attijariwafa bank et Groupe Banques Populaires sont les co-initiateurs du projet. Quand on regarde aujourd'hui la tendance, les banques commerciales assurent les financements du fonctionnement. La problématique, c'est l'investissement dans les murs», indique-t-il. La Caisse de Dépôt et de Gestion qui a déjà mis en place en 2005 un fonds d'investissement avec le Club Med et la Banque Européenne (BEI) ne veut pas non plus être en reste. Ali Ghannam, directeur général de Maroc Hôtels Villages, filiale de la CDG, a annoncé la disposition de la Caisse à contribuer d'ores et déjà dans le fonds mis en place avec un investissement de 250 millions de dirhams. A l'instar des Fonds de pensions américaines, la CIMR, par la voix de son président, Khalil Cheddadi, s'est jetée dans l'aventure et c'est tout à l'honneur du tourisme national quand on sait que le mot «prudence » est un maître-mot pour les caisses de retraite. « Nous sommes très soucieux du niveau du risque. Je pense que le secteur du tourisme présente toutes les caractéristiques pour permettre aux institutionnels d'y investir. Il y a quelques années, au moment du lancement du Plan Azur, j'avoue qu'il y avait un certain scepticisme, lié au point de départ et aux ambitions affichées. A mi-parcours, les résultats concrets sont bien là et le marché est porteur. Nous allons nous engager dans le même ordre que les deux banques », dit-il. Comme disait l'adage, « Charité bien ordonnée commence par soi-même », l'Etat mettra la main à la poche. « L'Etat contribuera à hauteur de 20 à 25 % à tous les fonds d'investissement qui seront créés et dédiés à la construction des hôtels. Nous travaillons actuellement sur le schéma », précise le ministre du Tourisme. En tout cas, à Tanger, nous avons assisté à un engagement concret entre plusieurs institutionnels dans ce sens. D'ici douze mois, entre 2 et 2, 5 milliards seront constitués pour un premier fonds d'investissement. « Naturellement, à ces montants, viendront s'ajouter 2 à 2,5 milliards de crédits qui viendront alimenter le fonds », a ajouté Adil Douri. Toujours est-il que dans la capitale du Détroit, une première dynamique semble être lancée. C'est dire que pour l'instant, le chantier «Vision 2010» se focalise sur le rattrapage du retard de l'offre, question de priorité probablement, mais le prochain risque bien d'être celui de la formation même si sur ce plan la volonté de marquer une rupture est claire. Coulisses des Assises : Crédit Azur : A en croire Khalid Oudghiri, le milliard annoncé par Attijariwafa bank lors des Assises de Ouarzazate a été épuisé. Sa banque a distribué en 2005 dans le cadre du crédit azur 1,6 milliard. Assises 2007 : Aussitôt le rideau tombé sur l'édition de Tanger qu'on commence à parler de la prochaine édition. Fès est bien partie pour être la ville qui accueillera la septième édition. Laâyoune est outsider. Chapeau : Le Département de communication du ministère du Tourisme a conduit de main de maître le volet communication. La presse nationale et étrangère sont unanimes à reconnaître le grand travail abattu par ce département. Navette : Adil Douiri, ministre du Tourisme, a fait la navette entre Tanger et Casablanca, le jour de l'ouverture des Assises, pour assister à la signature d'une convention dans la capitale économique. Ainsi, pour le premier jour des assises, il n'a pas fait d'intervention. Protocole : Le chef du protocole du ministère du Tourisme n'a certainement pas compris sa mission. Au lieu de s'occuper de protocole, il jouait au gendarme. S'il n'interdisait pas certains journaux de distribuer leurs spéciaux dédiés à l'évènement, soi-disant que la Une fait fuir les investisseurs étrangers, il s'en prend aux invités étrangers dont l'erreur était seulement d'avoir oublié leurs badges à l'hôtel.