Question du Sahara La troisième visite du roi Mohammed VI dans les provinces sahariennes s'est placée sous le double signe du pari du développement et de la concertation élargie pour l'élaboration du projet d'autonomie. Celui-ci va s'imposer comme seule voie pour sortir de l'impasse que des attitudes archaïques cherchent à perpétuer… Les moments forts de la visite du roi Mohammed VI dans les provinces sahariennes ont été autant de signes et de signaux affirmant à la fois la continuité et l'ouverture de la ligne concernant la question du Sahara. Il s'agissait en effet de souligner que le Maroc ne renoncera pas à sa souveraineté dans cette région, qu'il reste ferme face aux provocations de ses adversaires et qu'il ne se résignera pas à l'impasse et à l'immobilisme où ces derniers veulent le confiner. Certes le porte-parole du gouvernement a, dans sa conférence de presse de mardi dernier, indiqué que la visite royale était programmée depuis longtemps et s'inscrivait dans « les activités ordinaires » du roi. Il n'échappe pas néanmoins que le contexte actuel confère une portée particulière à cette troisième visite du roi après celles de novembre 2001 et mars 2002. Face à la montée des manœuvres et des gesticulations du Polisario à Tifariti avec l'appui logistique et politique affiché du pouvoir algérien, et au moment où l'activisme de groupuscules se réclamant du séparatisme, pour diverses raisons, n'a cessé d'être attisé, le message du Maroc devait se faire entendre avec plus de force et de persuasion. Les projets d'envergure qui ont été lancés à Laayoune et à Boujdour (ports, équipements pour le développement de la pêche, alimentation en eau potable, etc) mettent au premier plan le pari du développement. C'est cette optique qui se veut porteuse d'avenir à contre-courant de l'enfermement dans les archaïsmes dont le pouvoir algérien ne peut encore se détacher. Seule l'optique du développement peut apporter du nouveau, en créant de nouvelles opportunités économiques et sociales qui serviront de base à l'inclusion des couches restées en marge et dont les frustrations et attentes doivent être davantage prises en compte. Consultation élargie Cet engagement du Maroc, à travers de tels projets, traduit la volonté de prendre en charge les réalités sociales et humaines nées de l'évolution de la région saharienne. Il n'est pas surprenant que l'accent soit davantage mis sur la participation élargie des différentes catégories sociales, au-delà des seules structures et élites traditionnelles. La mise en place d'un Conseil consultatif des affaires sahariennes élargi, plus représentatif et plus agissant est l'aboutissement de cette évolution. Ainsi s'élabore, au contact des réalités, la vision et la démarche qui vont présider au processus de l'autonomie régionale. Les différents partis politiques qui ont été consultés à ce sujet mettent la dernière main à leurs propositions qui seront remises dans les jours qui viennent. Le Conseil consultatif des affaires sahariennes sera comme il se doit appelé à émettre son avis à la lumière des différentes préoccupations et attentes qui s'y exprimeront. Au terme de ce processus, le Maroc présentera en avril son projet détaillé d'autonomie à l'ONU. Il n'est pas étonnant que cette perspective ne rassure pas les dirigeants du Polisario et leurs protecteurs de la hiérarchie militaire algérienne. Derrière leur rhétorique aussi invariable qu'irréaliste, ils ont plus de mal à cacher leur sclérose, leur archaïsme et leur incapacité à s'autonomiser. Ce n'est pas un hasard si le courant, dit « Ligne du martyr », apparu au sein du Polisario et représenté par Mahjoub Salek, lequel réside en Espagne, conteste sérieusement la vieille direction pour « l'absence de démocratie et de justice » dans les camps de Tindouf. Ce courant revendique « plus de possibilité de choix pour les Sahraouis » étant donné que « la direction du Polisario a échoué durant ces 15 années de ni guerre ni paix » et est à l'origine de l'impasse et de l'aggravation des conditions de vie des populations des camps. En critiquant la corruption et le clanisme tribal qui président à la distribution des ressources et des postes, Mahjoub Salek considère que « la solution du conflit est pour nous dans une négociation directe avec le Palais marocain pour arriver à un compromis ». Le régime de poigne qui reste de règle dans les camps de Tindouf pense-t-il pouvoir indéfiniment empêcher la contestation de prendre forme surtout au sein des nouvelles générations ? Quel avenir pense-t-il assurer à celles-ci en restant sous la coupe d'Alger? La proposition du Maroc relative à un statut d'autonomie constitue une chance historique pour sortir de l'impasse. C'est désormais cette proposition, portée par un débat plus ouvert et plus libre dans les régions sahariennes, qui va constituer l'élément nouveau tant au Sahara que sur le plan diplomatique international. Par son caractère équilibré, fondé sur un compromis raisonnable et par la viabilité qu'elle assure à une entité régionale, cette option retient l'intérêt. Le porte-parole du Parti socialiste ouvrier espagnol, M. Rafael Estrella a estimé, mercredi 15 mars dernier, que la proposition marocaine ouvre de nouvelles perspectives « que la communauté internationale devrait analyser ». Compromis historique Le Maroc ne manque pas d'arguments pour appuyer son option. Celle-ci est la seule à fournir une base pour un compromis, elle permet de préserver les droits historiques du Maroc tout en permettant une large latitude d'autogestion démocratique aux populations de la région, elle permet enfin de garantir la stabilité régionale et de débloquer la perspective d'un Maghreb sans conflits, de coopération et de développement. Qu'ont à offrir les adversaires de cette option ? Une perpétuation de l'impasse, des tensions et la menace d'instabilité à l'échelle régionale, tout en condamnant les camps de Tindouf à végéter sans aucune perspective. L'offre de « compromis historique » n'est pas encore pour plaire à la hiérarchie du pouvoir, toujours aussi hermétique, à Alger. Celle-ci pense et agit selon des mentalités et des réflexes appartenant au passé. Les rêves hégémoniques si illusoires ne sont pas encore dissipés ni l'alibi que représente le conflit du Sahara pour maintenir, à l'intérieur de l'Algérie, une forme de pouvoir et des privilèges largement contestés. Sans ce conflit, le pouvoir sera nu face aux problèmes intérieurs, d'ordre politique et social, d'où l'atavisme consistant à vouloir le perpétuer. Face à ces archaïsmes qui, malgré les intérêts liés aux hydrocarbures algériens, ne feront pas indéfiniment recette, les partenaires au sein de l'ONU devront considérer que la solution de l'autonomie est la seule qui offre une ouverture de paix, de stabilité et de développement.