La visite du roi Mohammed VI dans les provinces sahariennes souligne l'engagement du Maroc pour une régionalisation participative dont l'autonomie serait à terme le prolongement. Face aux provocations et aux blocages des adversaires de celle-ci, cette approche positive prépare un avenir autre que celui de la déstabilisation du Maghreb. Avec la visite royale au cours de cette semaine dans les provinces sahariennes, l'accent se trouve mis sur la nécessité d'avancer vers la solution de fond qui est celle d'une large autonomie. Face aux blocages maintenus par le pouvoir d'Alger et qui ont connu une escalade à travers les parades du Polisario dans la zone de Tifariti, il s'agit de démontrer, sur le terrain, que le Maroc garde l'initiative et ne veut pas être prisonnier de la stratégie adverse. Celle-ci mise essentiellement sur un pourrissement de la situation du fait de l'immobilisme et des tensions savamment entretenues. Cette stratégie serait-elle confortée, aux yeux des durs de la hiérarchie militaire algérienne, par le fait que la position de l'Algérie s'est redressée avec l'augmentation sensible des revenues du pétrole et du gaz et avec les intérêts grandissants des compagnies pétrolières américaines dans ce pays. La visite du président russe Vladimir Poutine, même écourtée, est aussi présentée comme un signe favorable, avec les accords de principe d'achats d'armes substantiels par Alger. Il en irait de même avec les partenaires européens qui tiennent davantage compte du poids financier et économique potentiel de l'Algérie et du relatif « rétablissement » de celle-ci après la décennie sanglante. Autant d'éléments qui semblent autoriser les surenchères au sein même du pouvoir algérien, notamment avec les incertitudes qui se manifestent quant à l'après-Bouteflika. Plus que jamais la question du Sahara continue d'être une composante « chaude » de la politique intérieure algérienne, c'est-à-dire au sein de la hiérarchie du pouvoir et non pas de la population et des autres forces politiques et sociales. Ce contexte semble a priori peu favorable à une évolution négociable possible. Cependant les données actuelles ne sont pas figées ni univoques et ceux qui, à Alger, restent nostalgiques d'une hégémonie illusoire ne peuvent pas l'ignorer totalement. Stabilité et sécurité Si les Américains ont certes des intérêts à défendre en Algérie, ils sont aussi parfaitement conscients de la nécessité d'assurer les équilibres essentiels de la région. Le secrétaire d'Etat adjoint pour le Moyen Orient et l'Afrique du Nord, David Welsh, a déclaré au cours de sa visite à Alger le 14 mars dernier « qu'il est important pour la stabilité et la sécurité de la région de parvenir à une solution à la question du Sahara ». Depuis l'échec du plan Baker qui avait abouti à l'impasse totale, il est devenu évident pour l'administration américaine qu'un compromis est désormais la seule issue possible. Or la nécessité d'une solution est devenue plus impérieuse pour des raisons de sécurité dans la zone du Sahel où des sanctuaires d'Al Qaïda risquent de s'installer. Le conflit du Sahara est de ce point de vue un facteur de risque évident. C'est ainsi que les intérêts américains liés aux hydrocarbures algériens ne sauraient être garantis tant que la menace d'instabilité et d'insécurité pèsera sur l'ensemble de la région. Au moment où la vision des questions de sécurité est devenue plus globale, tant pour les Américains que pour les Européens, comment peut-on imaginer que ces derniers pourraient négliger ou sacrifier la stabilité d'un partenaire aussi essentiel que le Maroc ? L'implication plus active de l'OTAN dans la région suppose, au contraire, le renforcement de ce partenariat ainsi qu'une évolution vers une coopération entre le Maroc et l'Algérie en matière de sécurité. C'est dire si des enjeux stratégiques aussi pressants devraient conduire le pouvoir d'Alger à relativiser les atouts qu'il pense détenir. En matière de solution de compromis, seul le Maroc propose une perspective viable. Il est le seul à avoir fait une concession sérieuse et à avoir changé sa position initiale. En axant son offre de compromis sur la formule de large autonomie interne dans le cadre de la souveraineté marocaine, il joue son va-tout, car c'est là l'extrême concession qu'il peut faire. Qui peut sérieusement envisager l'éventualité d'un abandon total du Sahara par le Maroc sans que cela ne se traduise par une tout aussi totale déstabilisation de ce dernier et de l'ensemble de la région. Les partenaires américains et européens n'ignorent rien de la nature de ce conflit et il serait absurde de croire qu'en échange d'un fantomatique Etat sahraoui ils accepteraient la perspective d'une déstabilisation aussi catastrophique ? Compte tenu des données historiques autant qu'économiques et démographiques, seule l'autonomie peut donner lieu à une entité viable au Sahara. Les particularités régionales y seraient pleinement représentées et les populations pourraient bénéficier des moyens que seul l'Etat national est en mesure d'assurer. L'évolution que vit actuellement le Maroc et qui est propice à des réformes importantes constitue un gage pour l'entité autonome au Sahara. Une approche plus ouverte des problèmes d'ordre social ou de gouvernance qui ont abouti aux tensions que les séparatistes essaient d'aviver et d'exploiter à outrance, est désormais possible. C'est le contexte de libéralisation politique qui a du reste permis aux diverses contestations de se manifester. Mais il est davantage possible de parvenir à une plus grande représentation et à une participation sensible des catégories qui ont été marginalisées et frustrées. Des structures plus accueillantes pour ces dernières et des politiques de développement plus énergiques et moins vouées à l'écrémage par les notables doivent être plus que jamais à l'ordre du jour. La voie des réformes La visite royale est, de ce point de vue, un signe. La seule réponse aux gesticulations et provocations des adversaires de tout compromis raisonnable consiste précisément à avancer en matière de réformes et de gouvernance politique et sociale. Au lieu de chercher à tout prix de failles dans l'armure marocaine, certains donneurs de leçons seraient, malgré leur légèreté, mieux avisés de ne pas jouer avec le feu des réalités. Les membres de la direction du Polisario qui ont rejoint le Maroc sont la preuve que l'on n'a pas affaire à un mouvement « national » de libération mais à un mouvement séparatiste. Aussi faut-il donner davantage corps au pluralisme politique au Sahara et à une politique sociale plus consistante en faveur des catégories défavorisées. Ce sont autant de raisons pour conforter et défendre le projet d'autonomie à la conception duquel la participation des diverses composantes de la région serait d'un apport essentiel. Ainsi aux illusions entretenues à Tindouf par le blocage algérien (qui reçoit le grotesque soutien du ci-devant Driss Basri), il faut opposer avec force de conviction l'idée que l'avenir est désormais inconcevable hors de l'option de l'autonomie.