interview exclusive de L'ambassadeur de la République du Congo-Brazzaville au Maroc, Jean Marie Ewengue Sa Majesté Mohammed VI sera à Brazzaville le 21 février 2006 dans le cadre du renforcement de la coopération Sud-Sud. Pour Jean Marie Ewengue, ambassadeur de la République du Congo à Rabat, cette visite est considérée par les Congolais comme un grand événement qui marque l'amitié entre les deux peuples et ouvre un avenir prometteur pour le partenariat maroco-congolais. La Gazette Du Maroc : Monsieur l'ambassadeur, durant la prochaine visite de Sa Majesté Mohammed VI en République du Congo-Brazzaville et quels seront les grands axes de discussion et centres d'intérêts débattus par les deux dirigeants ? M. Jean Marie Ewengue : Je vous remercie de cette opportunité qui est fort louable pour la simple raison que c'est la première fois qu'un chef d'Etat maghrébin se rend en visite officielle en République du Congo, c'est une chose qui nous réjouit ; aussi, notre pays s'impatiente-t-il d'accueillir Sa Majesté. Vous savez, avec le président Bongo, notre président est l'une des rares personnes avec qui feu Sa Majesté le Roi Hassan II a passé ses derniers jours. En effet, ces deux chefs d'Etat étaient en visite au Maroc où ils ont eu de larges discussions avec le défunt souverain, puis c'est après leur départ que feu Sa Majesté s'est éteint. Nos relations ne datent donc pas d'hier. Cependant, elles ont besoin d'être redynamisées et soutenues par des accords de coopération couvrant tous les domaines de développement possibles, à savoir, économique, scientifique, culturel, technique, etc., et ce, en plus de la collaboration qui existe déjà au niveau des échanges de points de vue et d'informations stratégiques sur la situation dominante au niveau régional. Aujourd'hui, le Président Denis Sassou Nguesso se trouve être le président en exercice de l'Union Africaine, et il vient juste de quitter Tripoli où il a présidé une réunion organisée par cette même instance pour essayer de résoudre le conflit opposant le Soudan au Tchad, et suite à cette assemblée, les parties belligérantes sont arrivées à un accord pour préserver une paix durable dans cette région, bénéfique à tous. Comme vous le voyez, notre pays est très actif sur le plan intercontinental pour contribuer à unir nos efforts de développement au lieu d'alimenter des conflits gratuits qui ne sont autres qu'un développement à rebours, et le Maroc est notre partenaire dans cette aventure. Il y a à ce jour un échange d'expertises fort développé entre nos deux pays ; ainsi, plusieurs délégations des deux pays se sont rencontrées, que ce soit ici à Rabat ou à Brazzaville ; suite à quoi des conventions furent signées dans des domaines aussi divers que l'agriculture, les chemins de fer (ONCF et CFCO), la pêche maritime, la gestion des ports ... En fait, l'expérience marocaine nous intéresse énormément et plusieurs stagiaires congolais viennent ici parfaire leurs connaissances et savoir-faire professionnels. Pour ce qui est du domaine de la santé, nous projetons de former nos cadres au sein des CHU marocains grâce aux bourses d'études que le Maroc met gracieusement à la disposition de notre pays chaque année par le biais de l'AMCI (l'Agence marocaine de coopération internationale). Actuellement, nos étudiants au Maroc atteignent le nombre de 180 personnes présentes dans 17 villes du Royaume. Enfin, pour revenir à votre question, plusieurs nouvelles conventions seront signées lors de cette prochaine visite, notamment dans les domaines de l'agroalimentaire, la pêche, la santé (une large campagne de vaccination va être instiguée et dirigée par le Maroc dans notre République et un accord doit être signé afin que nos malades puissent venir se faire soigner au Maroc au lieu d'aller en Europe et ailleurs). La coopération entre nos deux chefs d'Etat est aussi renforcée par des consultations bilatérales permanentes sur des problèmes sérieux qui préoccupent notre pays ou le vôtre, c'est aussi pour cela qu'au courant de l'année 2000 nous avons fait l'effort d'installer une représentation diplomatique permanente à Rabat. Quelle est votre position vis-à-vis de la question du Sahara marocain ? C'est ce dont je parlais, voyez vous. Si nous, de notre côté, allons bénéficier d'une aide matériellement palpable dans les domaines précités, le Maroc en contrepartie, et entre autres, jouit du soutien du Congo qui, lorsque le besoin se fait sentir, exprime et manifeste sa position vis-à-vis de ce problème pour aider le Maroc à sortir de cette impasse qui n'a que trop duré. Les consultations ne cessent pas entre nos deux chefs d'Etat qui se concertent régulièrement. Bien sûr, il y eut une époque où nous supportions le Polisario vu notre alignement d'alors sur le bloc socialiste, il s'agissait pour nous de soutenir le Sahara pour sa libération du joug espagnol, puis le contexte régional a changé et notre pays s'est rendu à l'évidence que son élan progressiste de soutien des mouvements de libération nationale en Afrique l'a entraîné à reconnaître prématurément cette entité. Les débats furent dépassionnés et nous avons décidé de contribuer au règlement pacifique de ce problème dans un cadre régional, conformément aux résolutions de la communauté internationale. J'ajouterais enfin que nous préconisons une solution dans le cadre sous-régional maghrébin, qui tienne compte des positions qui s'expriment au sein de l'Union Africaine, sous l'égide des Nations Unies. Que pensez-vous des dernières réformes entreprises par le Roi Mohammed VI dans le domaine des droits de l'Homme au Maroc ? Je pense que le Roi Mohammed VI s'est engagé sur cette voie avec beaucoup de courage et d'audace et aussi, dirais-je, avec une vision lointaine, parce que le rapport de l'IER fut, j'en suis sûr, très difficile à réaliser par la teneur des faits qui y sont relatés, un rapport qui vous cite toutes les horreurs, enlèvements, assassinats, charniers retrouvés, etc. puis qui sont diffusés en direct sur plusieurs chaînes télévisées, il faut avoir le cran de le faire, et Sa Majesté l'a fait ; il l'a fait justement pour aller de l'avant et tourner la page parce que le pays a besoin d'aller de l'avant et faire sa place dans ce nouveau millénaire au lieu de rester là à s'apitoyer sur le sort de ces pauvres gens qui ont subi ces années de plomb, pour le bien de tous, il faut savoir pardonner. Sa Majesté a fait cet effort, je crois, pour réhabiliter ces gens, je l'ai vu embrasser et serrer dans ses bras les membres des familles des disparus, c'est un geste qui touche profondément. Que pensez-vous des réformes économiques animées et conduites par Sa Majesté au Maroc ? Vous savez, l'application des recommandations ne se fait pas d'un coup de baguette magique, et Sa Majesté le sait bien, c'est pourquoi il s'implique autant, et c'est aussi pour cela qu'il pousse les partis politiques qui représentent aussi une instance de décision et de suggestion à déployer leurs efforts dans ce processus qui va toucher tout un système. L'énergie qu'y met Sa Majesté est formidable, preuve en est qu'il est toujours en déplacement à déposer des premières pierres de projets monumentaux à plus d'un titre, vous le voyez ici avec des fermiers en train de discuter avec eux de problèmes particuliers à leur vie rurale, et là avec des artisans, et ailleurs avec des architectes, etc. S.M. est très sensible à son peuple, d'ailleurs, j'ai moi-même pris part au lancement du projet de développement de la vallée du Bouregreg. Le Maroc avance lentement mais sûrement vers un horizon des plus prometteurs grâce à la vision de son souverain et l'implication des citoyens. La République du Congo en bref Capitale de la République : Brazzaville. Etat d'Afrique centrale, limité à l'ouest par le Gabon, au nord par le Cameroun et la République centrafricaine, à l'est et au sud par la République démocratique du Congo, au sud-ouest par l'enclave de Cabinda et l'Océan atlantique. Traversé par l'équateur et à moitié recouvert par la grande forêt, le territoire congolais s'étend sur 342.000 km2, le long des rives droites de l'Oubangui et du fleuve Congo, dont toutefois il n'atteint pas la basse vallée. Population estimée à 2,6 millions d'habitants.