Si la santé du Premier ministre israélien préoccupe tellement le président américain et un grand nombre de chefs d'Etat européens, elle nous laisse, nous qui avons vécu de près le massacre de Sabra et Chatila, indifférents. Sur le plan palestinien, les réactions divergent. Chez le FPLP (Front Populaire de Libération de la Palestine), sa santé ne concerne personne. Par contre, chez le Hamas, on répète que le monde sera meilleur sans lui. Pour les familles des martyrs, dommage qu'il meure sans être jugé pour ses multiples crimes. Quant au ministre Saëb Oreikat, il souligne que la situation critique de Sharon ravivera le sentiment de violence chez les Israéliens. De son côté, le président de l'Autorité nationale palestinienne, Mahmoud Abbas, a contacté le bureau du Premier ministre israélien pour lui souhaiter bon rétablissement. Sharon pourrait mourir comme il pourrait rester vivant; toutefois, selon les médecins, il ne pourra plus retourner à la scène politique. Quoi qu'il en soit, les concernés par la paix n'ont rien vu, jusque-là, de la paix de cet homme. De ce fait, je ne comprends rien à la majorité des publications françaises qui affirment que le processus de paix est menacé. Dans ce contexte, il suffit de rappeler ses massacres et ses crimes depuis Deïr Yassine en passant par Sabra et Chatila, pour ne citer que ceux-là, depuis son arrivée aux commandes, il y a quelques années. Le démantèlement des colonies de Gaza ne s'est pas traduit par un projet de paix, même pas en un début de négociations. Bien au contraire, il a abouti à l'émergence d'un plan visant à spolier plus de terrains des Palestiniens, à avaler Al-Qods Est et à vider le statut final de sa substance afin d'imposer son projet par la force et le chantage. Les colons ne pleureront sans doute pas leur père spirituel qui les a obligés à évacuer Gaza. Il en est de même pour les Likoudiens dont Sharon a transformé le parti en miettes. C'est certainement le cas aussi des Arabes, y compris ceux qui soutiennent le plus l'idée de la normalisation des relations avec l'Etat hébreu; les opportunistes qui jouent la carte du business avec les Israéliens, également. En dépit de ce constat très sombre, Arabes et Palestiniens espèrent qu'ils ont vu et vécu avec Ariel Sharon le dernier épisode du terroriste israélien élu démocratiquement. Car, ce dernier ne s'est pas contenté des grands massacres qu'il a perpétrés, mais il aurait voulu être plus performant en matière de terrorisme en construisant le mur de la honte et en empoisonnant Yasser Arafat. Les Palestiniens se demandent aujourd'hui si Sharon sera le dernier spécimen du terrorisme israélien d'Etat ou bien s'ils en verront d'autres plus sanguinaires. La chute de Sharon a été sans doute une bonne nouvelle pour Benyamin Natanyahu, auquel le destin vient d'offrir un cadeau inattendu. Il pourra désormais tenter de rassembler les pièces d'un Likoud brisé et, par là, se lancer vers les élections avec un parti plus fort, plus prêt à la fermeté et au terrorisme d'Etat. Natanyahu aura ainsi sa deuxième chance d'acquérir le pouvoir pour accomplir la même mission. La première fois, il était venu pour faire tomber la paix d'Oslo à l'eau. Il avait réussi. La deuxième consistera à remettre en question le retrait unilatéral de Gaza. Le plan est d'ores et déjà mis sur les rails. Natanyahu ne supportera pas les conséquences de ce retrait. Il fera tout pour récupérer toutes les gloires à travers l'absorption de la Cisjordanie et d'Al-Qods, et probablement aussi le retour à l'occupation de Gaza. Face à ces dangers qui commencent à se profiler à l'horizon, les dirigeants occidentaux, qui se sont bousculés ces derniers jours pour annoncer qu'ils priaient pour Sharon, seront tenus d'assumer leurs responsabilités, notamment après son éventuelle disparition de la scène. Ces leaders doivent se rappeler qu'ils lui avaient laissé les mains libres pour traiter le dossier de la paix. Il l'avait fait, mais avec plus de crimes et de destruction. Pis, ses proches collaborateurs n'ont pas hésité, à la veille de son malaise, à parler d'un plan visant à saboter la “feuille de route”. En tout état de cause, la disparition de Sharon de la scène ne sera pas une grande perte pour l'humanité. Et à ceux qui l'avaient aidé - directement ou indirectement, Occidentaux comme Arabes - à se débarrasser d'Abou Ammar, de croire à la vengeance divine qui ne tardera pas à les rattraper.